Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !
Logo du site

La Revue Projet, c'est...

Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.

Dossier : Climat : qu'attendre des entreprises ?

Éloigner le spectre des 55 °C

Creative Commons
Creative Commons

Incendies, canicules, ouragans, inondations, sécheresses… jalonnent notre actualité à un rythme accéléré. Le plus souvent, les médias nous invitent au spectacle : frissons garantis devant le déchaînement des éléments, violons pour pleurer les victimes, cris de colère face à l’insuffisance des réponses, instrumentalisation politique du désarroi… Et le spectateur que nous sommes est gagné, toujours plus, par un sentiment d’impuissance. Le pire poison de nos démocraties. Cependant, de plus en plus souvent, la question affleure : n’est-ce pas une manifestation du réchauffement climatique déjà à l’œuvre ? La Cop21 est passée par là (cf. V. Masson-Delmotte). La gravité du défi n’est plus guère contestée : c’est déjà cela de gagné. Mais on reste tenté d’y voir un phénomène qui nous serait extérieur : il revient aux responsables politiques de le régler (cf. S. Ly et C. Alliot) !

Nous sommes les agents de ce dérèglement du climat. Par notre façon de manger, de nous déplacer, de nous chauffer, de nous vêtir, de communiquer…

Or nous sommes les agents de ce dérèglement du climat. Par notre façon de manger, de nous déplacer, de nous chauffer, de nous vêtir, de communiquer… Et par notre travail. Ici encore, on aimerait se défausser de toute responsabilité en se réfugiant derrière le lien de subordination qui ferait de nous de simples exécutants de notre employeur (cf. X. Becquey). Heureusement, par souci du bien commun ou de leur unité intérieure, des salariés, des cadres, des syndicalistes refusent de mettre de côté leur souci pour le monde quand ils franchissent le seuil de leur entreprise (cf. B. King, P. Le Roué). C’est avec eux que nous avons préparé ce numéro.

La bonne nouvelle, c’est que les choses bougent. Depuis les pionniers de l’économie sociale et solidaire (cf. A. Barthélémy) et les PME innovantes (cf. C. Ezvan), jusqu’aux investisseurs milliardaires qui interrogent la teneur en carbone de leur portefeuille. Dans presque tous les secteurs, au-delà des discours de greenwashing, les entreprises – du moins celles qui trouvent du temps à y consacrer – ont compris qu’elles ne pouvaient pas rester les bras croisés devant la montée du risque climatique (cf. A. de Montchalin et É. Delacour). Va-t-on assez vite ? Il est clair que non : si l’on s’en tient aux efforts annoncés par les États, les collectivités locales et les entreprises, la température devrait croître de +3,2°C d’ici 2100. Une moyenne qui pourrait cacher des pointes jusqu’à 55°C dans le sud de la France1 ! Étant donnée l’inertie des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, le climat de la fin du siècle se joue dans les vingt ans qui viennent.

C’est de ruptures radicales que nous avons besoin !

C’est de ruptures radicales que nous avons besoin ! Des banques, on attend moins le bilan carbone de leurs agences que la décision de ne plus financer le pétrole, le gaz et le charbon (cf. D. Blanc). Dans le secteur aérien, ce n’est pas une réduction de 20 % de la consommation de kérosène par passager qui compensera le quadruplement attendu du trafic d’ici 2050 ! C’est à une réduction de l’usage de l’avion que nous devons collectivement consentir. Il nous faut aussi renoncer rapidement au pétrole. Les salariés de Total pourront-ils impulser pareille révolution ? Seuls, sûrement pas (cf. P-L Choquet et M. Blanc). Entamer une lente reconversion des emplois, peut-être, mais a-t-on déjà vu une entreprise renoncer de son propre chef à la rente qui la fait vivre (cf. S. de Coutard) ? Ici réside le plus grand écueil, avertit le pape François : vouloir « concilier, en un juste milieu, la protection de la nature et le profit financier », risque de « retarder seulement un peu l’effondrement »(cf. A. Grandjean). L’abandon du pétrole suppose des règles claires et des politiques publiques volontaristes (cf. M. Martini), dans le transport, l’automobile, la chimie, l’agriculture, la pêche... D’où l’importance de la mobilisation citoyenne, pour fixer et tenir le cap malgré les prévisibles résistances (cf. N-M Meyer et S. Bommier).

Reste qu’on aurait tort de disqualifier les transformations amorcées de l’intérieur au motif qu’elles ne suffiraient pas : nombre de salariés disposent de marges de manœuvre encore largement inexploitées pour infléchir les pratiques ou les orientations de leur entreprise (cf. H. Singer). Le défi climatique engage notre humanité entière. La mobilisation de chacun est-elle à la hauteur ?


À lire dans la question en débat « Climat : qu'attendre des entreprises »



J'achète Le numéro !
Climat : qu'attendre des entreprises ?
Je m'abonne dès 3.90 € / mois
Abonnez vous pour avoir accès au numéro
Les plus lus

Les Marocains dans le monde

En ce qui concerne les Marocains, peut-on parler de diaspora ?On assiste à une mondialisation de plus en plus importante de la migration marocaine. On compte plus de 1,8 million de Marocains inscrits dans des consulats à l’étranger. Ils résident tout d’abord dans les pays autrefois liés avec le Maroc par des accords de main-d’œuvre (la France, la Belgique, les Pays-Bas), mais désormais aussi, dans les pays pétroliers, dans les nouveaux pays d’immigration de la façade méditerranéenne (Italie et ...

L’homme et Dieu face à la violence dans la Bible

Faut-il expurger la Bible ou y lire l'histoire d'une Alliance qui ne passe pas à côté de la violence des hommes ? Les chrétiens sont souvent gênés par les pages violentes des deux Testaments de la Bible. Regardons la Bible telle qu’elle est : un livre à l’image de la vie, plein de contradictions et d’inconséquences, d’avancées et de reflux, plein de violence aussi, qui semble prendre un malin plaisir à multiplier les images de Dieu, sans craindre de le mêler à la violence des...

Aux origines du patriarcat

On entend parfois que le patriarcat serait né au Néolithique, près de 5 000 ans avant notre ère. Avant cela, les femmes auraient été libres et puissantes. Les données archéologiques mettent en doute cette théorie. De très nombreux auteurs, de ce siècle comme des précédents, attribuent la domination des hommes sur les femmes à l’essor de l’agriculture, lors du Néolithique. Cette idée est largement reprise dans les médias, qui p...

Du même dossier

Climat : quand les syndicats passent au vert

Il aura fallu quelques décennies pour que les syndicats se saisissent, réellement, des enjeux écologiques. Passée la crainte des pertes d’emplois dues à la nécessaire transition, les unions professionnelles deviennent des acteurs incontournables pour faire évoluer les pratiques d’entreprises. En matière d’efficacité dans la lutte contre le changement climatique, les syndicats ne sont pas les premiers acteurs auxquels on pense. Un sondage réalisé par BVA en février 20121, sur « les Français et le...

« J’ai mesuré à quel point les entreprises dépendent des personnes »

Salariée d'une grande compagnie d'assurances, Amélie de Montchalin a vécu, de l'intérieur, comment un cyclone au Mexique a complètement changé la perception qu'avaient les salariés du « risque climatique ». Elle partage avec la « Revue Projet » les différentes étapes des changements et des chantiers à mener en interne, les difficultés comme les petites victoires. Je travaillais dans une compagnie d’assurances présente dans le monde entier. L’enjeu climatique y est étudié et analysé de très près...

Lancer une alerte climat

Évasion fiscale, Mediator, crimes ou maltraitance… autant de scandales qui ont éclaté parce que des individus ont fait prévaloir leur éthique sur leur intérêt, leur carrière sinon leur sécurité. Le climat aura-t-il, lui aussi, ses lanceurs d’alerte ? Retour sur ce que permet la loi. « À tous les repas pris en commun, nous invitons la liberté à s’asseoir », René Char, Feuillets d’Hypnos.Sous la pression de la société civile (18 ONG coordonnées par Transparency France), dont la vigilance n’a pas f...

Du même auteur

Chocolat amer

L’or brun. En Côte d’Ivoire, les fèves de cacao font vivre une bonne partie de la population. Mais elles aiguisent aussi les appétits. Non sans conséquences sur les fuites de capitaux, l’impossibilité de déloger la classe dirigeante et la violence  armée. C’est ce que révèle cette enquête… au goût amer. Un seul pays d’Afrique est leader mondial dans l’exportation d’une matière première a...

Pour une économie relationnelle

« On peut en savoir beaucoup sur quelqu’un à ses chaussures ; où il va, où il est allé ; qui il est ; qui il cherche à donner l’impression qu’il est ». À cette observation de Forrest Gump dans le film éponyme1, on pourrait ajouter : « Quel monde il invente ». Car l’analyse du secteur de la chaussure, objet du quotidien s’il en est, en dit long sur notre système économique. Un système qui divise. À commencer par les humains : quel acheteur est capable de mettre un visage derrière la fabrication ...

Libérons-nous de la prison !

Nous aurions pu, comme en 1990, intituler ce numéro « Dépeupler les prisons » (Projet, n° 222). Car de l’inventaire dressé alors, il n’y a pas grand-chose à retirer. Les conditions de vie en détention, notamment pour les courtes peines et les détenus en attente de jugement, restent indignes d’un pays qui se veut « patrie des droits de l’homme ». Mais à la surpopulation carcérale, on préfère encore et toujours répondre par la construction de nouvelles prisons. Sans mesurer que plus le parc pénit...

1 Ces chiffres émanent de récentes études publiées dans Nature Climate Change et Environmental Research Letters (cf. Pierre Le Hir, « La France pourrait connaître des pics de chaleur à 50°C à la fin du siècle », 22 juillet 2017, Le Monde et « Seulement 5 % de chances de limiter le réchauffement climatique », 1er août 2017, Le Monde).


Vous devez être connecté pour commenter cet article
Aucun commentaire, soyez le premier à réagir !
* Champs requis
Séparé les destinataires par des points virgules