Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Depuis les années 1970 et plus encore depuis la vague #MeToo, il est scruté, dénoncé et combattu. Mais serait-il en voie de dépassement, ce patriarcat aux contours flottants selon les sociétés ? En s’emparant du thème pour la première fois, la Revue Projet n’ignore pas l’ampleur de la question.
Car le patriarcat ne se limite pas à des comportements prédateurs des hommes envers les femmes. Il constitue, bien plus, une structuration de l’humanité où pouvoir, propriété et force s’assimilent à une identité de genre (masculin). Quand s’est-il établi ? Dès les premières sociétés humaines, semble-t-il.
Dépasser le patriarcat, c’est déjà se défaire du mythe d’un âge d’or où femmes et hommes auraient vécu en parfaite égalité. Il n’en existe nulle trace dans les études préhistoriques . Le patriarcat n’est pas spontanément réversible. Le sort des femmes iraniennes nous dit à l’extrême combien le chemin de sa déconstruction est encore long.
Qu’on en juge sur le terrain religieux, et pas seulement en terre d’islam. Minée par les scandales, l’Église catholique regimbe toujours à remettre en cause l’un de ses fondements : la figure centrale du clerc. Alors ?
Alors, c’est à la lumière des travaux universitaires et des mobilisations militantes actuelles que se dessinent les transformations d’un système multimillénaire. Les études intersectionnelles soulignent les oppressions multiples que recouvre la notion globale de patriarcat.
Au CCFD-Terre solidaire, une vaste réflexion collective s’engage sur le sujet. Elle doit beaucoup à des initiatives inspirantes venues de l’hémisphère sud, où les femmes rendent visible leur rôle social et défendent leur dignité .
L’enjeu ne va pas de soi, même sous nos latitudes. On ne compte plus les occurrences de la rengaine « On ne peut plus rien dire ! », que martèlent à longueur d’antenne les nostalgiques d’un passé qui ne passe plus. À l’autre bord, les hommes de bonne volonté n’échappent pas aux biais, conscients ou non, forgés par leur éducation. Les controverses autour des réunions non-mixtes en témoignent.
Dépassé, le patriarcat ? L’affirmer serait téméraire et prématuré. Son entrée dans le débat public marque néanmoins un point de non-retour de sa contestation. Un point qui justifie de lui consacrer le présent dossier.