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Le régime des mollahs ne survivrait pas à l’émancipation des femmes réclamée dans la société iranienne. Entretien avec l’écrivaine et sociologue iranienne en exil, Chahla Chafiq.
L’époque qui a précédé la révolution de 1979 est souvent présentée comme un moment d’émancipation pour les femmes iraniennes. Qu’en était-il exactement ?
Chahla Chafiq – Nous vivions tout de même sous un régime despotique : il n’y avait pas de libertés politiques. Mais sur le plan des réformes sociales, cette période a été marquée par une amélioration considérable de l’accès des femmes à l’espace public au sens large du terme, surtout dans les milieux urbains. Elles avaient accès à l’école, à l’emploi et étaient visibles en dehors des foyers. Un nombre non négligeable d’entre elles ne se voilait pas.
Ma mère, par exemple, travaillait dans le secteur de la santé et ne portait jamais de voile. Ma grand-mère en portait un qu’on pourrait qualifier « d’éducatif », c’est-à-dire voulu par l’éducation familiale. Elle le mettait à l’extérieur durant différentes cérémonies, mais elle l’enlevait quand elle le souhaitait. Elle était assez libre dans sa conduite, malgré des contraintes traditionnelles intériorisées.
Comment s’explique historiquement cette tension entre modernité et tradition dans la société iranienne ?
De 1905 à 1911, l’Iran a connu une révolution constitutionnelle dont l’enjeu était de limiter le despotisme royal (à l’époque, l’Iran vivait sous la dynastie Kadjar), avec l’instauration du Parlement. Cette révolution s’inspirait à la fois de la révolution française et de la loi constitutionnelle belge. Les femmes étaient présentes dans ce mouvement, bien que soumises à l’époque au port obligatoire du voile.
Quand j’étais à l’université à Téhéran, 30 % des étudiants étaient des femmes et aucune ou presque n’était voilée.
Cependant, cette révolution n’a pas apporté des droits aux femmes. Elles ont continué à êt
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