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Théorisée aux États-Unis dans les années 1980, l’approche intersectionnelle a renouvelé l’analyse des dominations. La mise en concurrence des oppressions constitue néanmoins un risque.
« Avant d’être violée, je ne faisais pas grand cas d’être une femme, j’étais trop occupée à être noire et pauvre », lance Michaela Coel, créatrice de la série I May Destroy You. En une phrase est résumée la question de l’intersectionnalité, tant décriée en France.
L’intersectionnalité constitue un paradigme développé et popularisé dans les années 1980 par Kimberlé Crenshaw. L’universitaire féministe afro-américaine a besoin d’un concept pour évoquer des processus de dominations divers et pouvant se cumuler. Il est important pour elle de penser l’intersection, le croisement d’oppressions multiples. Elle n’est pas qu’une femme, elle est une femme noire. Or les femmes noires ne sont pas que noires, elles sont aussi souvent pauvres. L’enjeu intersectionnel mêle donc d’emblée « le combat féministe, racial et social ».
D’autres autrices évoquent cette question comme Angela Y. Davis en 1983 avec un texte au titre évocateur – Women, Race and Class – ou encore Elizabeth V. Spelman, en 1990, avec Inessential Woman. Avant cela encore, John Dewey (1859-1952), bien qu’étant « un homme blanc, hétérosexuel, cisgenre, aisé, éduqué, valide1 » s’est largement penché au tournant des XIXe et XXe siècles sur ces questions de classe, de sexe et de race. Parfois un peu aveugle quant à ses propres privilèges, le philosophe de l’éducation aura néanmoins exploré ces trois catégories.
Dewey n’aura toutefois marqué qu’un premier pas dans cette réflexion intersectionnelle qui exige véritablement de croiser et d’enchevêtrer les dominations. Il prépare certainement un terrain, sans tout à fait développer une pensée ad hoc. Celle-ci ne surgira véritablement qu’avec Kimberlé Crenshaw et dans le si
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