Si la politique est associée au pragmatisme, l’imagination est généralement assimilée à la fiction, à la rêverie ou à la création artistique. Et pourtant, elle est, au même titre que le débat ou la représentation, une composante essentielle au bon fonctionnement de la démocratie. Sans cette capacité à mettre au travail l’imagination, la politique a-t-elle un avenir ? Les élections sont un moment privilégié, où nous nous projetons ensemble vers demain. Mais quel imaginaire les candidats nous proposent-ils ? L’intellectuel communiste italien Antonio Gramsci le rappelle : la conquête du pouvoir passe d’abord par les idées.
À l’approche des élections présidentielle et législatives, la Revue Projet propose un numéro spécial pour développer le goût et la capacité de faire jouer l’imagination d’un avenir désirable. Ce dossier constitue le septième et dernier pilier de notre série politique sur les fondements démocratiques (voir ci-contre). Soucieux de conjuguer le pouvoir de l’imagination et le sens de la réalité, nous l’avons réalisé en partenariat avec le « Pacte du pouvoir de vivre ».
Ce jeune collectif de la société civile réunit plus de soixante-cinq organisations (syndicats, associations, fondations…) et mène campagne, non pas pour un candidat, mais pour un contre-projet de société en mesure d’allier écologie, justice sociale et démocratie. Il propose un vaste projet autour de quatre-vingt-dix propositions qui forment un tout devant la complexité des défis à relever. Le changement ne viendra pas uniquement de l’Élysée : nous avons besoin d’horizontalité et de cohésion de notre pays. Nous avons également besoin de ce pouvoir de l’imagination pour bousculer nos institutions. Face à l’accélération du temps, comme des hamsters dans leurs roues, elles peinent à se remettre en cause, à revisiter les positions acquises, ou tout simplement à sortir des inerties…
La politique peut encore faire rêver. Le Pacte du pouvoir de vivre et bien d’autres collectifs – avec ou sans figures charismatiques – témoignent du pouvoir de l’imagination en action. Ne cédons pas aux charlatans du « c’était mieux avant » ! Le philosophe Michel Serres, auteur d’un manifeste anti-déclinisme, affichait son ras-le-bol devant les râleurs de tout poil et les nostalgiques d’un passé idéalisé. « Si vous voulez inventer, il faut sortir du chemin. Bifurquer. » Un appel à se mettre en route. Le changement est d’abord celui de notre regard.
Sommaire du dossier
- « La politique empêchée » propos recueillis par Martin Monti-Lalaubie. Entretien Corinne Morel Darleux,essayiste, romancière, ancienne conseillère régionale Auvergne Rhône-Alpes.
- « Pub ou politique » par Nicolas Rio, consultant en coopérations territoriales et enseignant à Sciences Po
- « Au risque de la plume » par Ingrid Leduc, plume, présidente de la Guilde des plumes, anciennement conseillère discours auprès de la maire de Rennes.
- « La politique des rêves » par Charles Stépanoff, anthropologue, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
- « Sécurité sociale, l’idéal concret » par Michel Étiévent
- « Au Québec, de l’idée à la loi » par Vivian Labrie, chercheure associée à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (Iris) et militante politique québécoise.
- « La voie du collectif » par Amandine Lebreton, porte-parole du Pacte du pouvoir de vivre et directrice plaidoyer et prospective de la Fondation pour la nature et l’homme.
- « Électrochoc pandémique » par Christophe Robert, sociologue, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, membre du Pacte du pouvoir de vivre.
- « La fabrique des propositions » par Daniel Verger, responsable du pôle études-recherches-opinion au Secours-Catholique-Caritas France, membre du Pacte du pouvoir de vivre.
- « Justice sociale et poétique » par Emmanuel Bodinier, cofondateur de l’association Aequitaz, membre du Pacte du pouvoir de vivre.
- « Les trois ères de l’engagement » par Claire Thoury, sociologue, présidente du Mouvement associatif, membre du Pacte du pouvoir de vivre.
- « Lettrés du futur » par Daniel Kaplan, spécialiste des enjeux numériques et cofondateur du réseau Université de la pluralité.
- « Le matheux et le politique » par Marcel Rémon, jésuite, statisticien, directeur du Centre de recherche et d’action sociales.
- « Trois pensées de l’imaginaire social » par Benoît Ferré, jésuite, doctorant en philosophie et membre du Ceras.
- « Paul Ricoeur et l’utopie » par Sébastien Roman, professeur agrégé de philosophie et chercheur associé au laboratoire Triangle (ENS Lyon).
- « Un frondeur nommé Jésus » par Jean-Yves Baziou
- « L’avenir en jeu » par Hervé Chaygneaud-Dupuy, co-fondateur du collectif Imaginarium-s, une communauté ouverte pour apprendre à travailler les imaginaires par expériences collectives.
- « État de l’art politique » propos recueillis par Martin Monti-Lalaubie. Entretien avec Frédérique Aït-Touati, metteure en scène et directrice du master d’expérimentation en arts politiques de l’École d’affaires publiques de Science Po.
- « L’imagination au pouvoir : six points saillants » par Damien de Blic, enseignant-chercheur en science politique (Université Paris 8).