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Dossier : L’imagination au pouvoir

La politique des rêves

© Pierre-Paul Paraiseau
© Pierre-Paul Paraiseau

Aujourd’hui, séries, jeux vidéo et romans à succès produisent une synchronisation inédite de nos imaginaires, canalisant la rêverie. Une tendance à rebours des sociétés chamaniques, où les rêves sont analysés en tant qu’objets politiques. Entretien avec un anthropologue.


Nos sociétés occidentales contemporaines ont-elles dépolitisé le rêve ?

Le rêve est un puissant révélateur de la façon dont les collectifs socialisent la vie psychique des individus et dont ils orientent leur dialogue avec le monde. Tous les humains rêvent, toutes les sociétés ont donc connaissance de cette dimension considérable, la plus créative et la plus imprévisible, de l’esprit humain. Le rêve est une expérience de décentrement du regard à la fois très puissante et très banale, car accessible à tous. Beaucoup de sociétés cultivent l’activité onirique comme mode d’accès à des points de vue non humains sur le monde et donc à une extériorité radicale.

Tant que les sociétés humaines se définissent dans un mode de dépendance par rapport à une extériorité (la forêt, le Ciel, les ancêtres, etc.), le rêve est un enjeu collectif. Les rêves royaux sont des moments stratégiques parce que la souveraineté archaïque n’est pas seulement politique, mais véritablement cosmopolitique : elle a besoin de faire appel à une extériorité cosmique pour s’ériger et se maintenir.

Se priver des rêves, c’est développer une forme d’autisme écologique.

Mais à partir du moment où la société moderne s’auto-institue comme monde épuré, pétri uniquement d’humanité, le rêve, déchu de toute fonction, se replie sur lui-même et devient un rebut de la vie psychique, simple aliment pour la digestion psychanalytique. Par contraste, dans certaines traditions des peuples autochtones boréaux, une souveraineté onirique est cultivée par les experts chamanes ou même par chaque individu, car le rêve est la clé du dialogue quotidien avec les âmes des animaux, des rivières et des montagnes. Se priver des rêves, c’est développer une forme d’autisme écologique : c’est ce qui nous est arrivé au cours des derniers siècles de la modernité.

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