Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Certaines idées reçues ont la vie dure : les jeunes seraient moins investis au travail, voire ne voudraient plus travailler. En un mot, ils seraient devenus paresseux ou, tout simplement, obsédés par les RTT, le télétravail et les loisirs. Ces préjugés envers la jeunesse ne sont pas nouveaux.
Pourtant, le récent rapport de l’Apec (Association pour l’emploi des cadres) et de l’institut Terra nova dépeint une réalité tout autre : les moins de 30 ans sont « tout aussi investis dans leur travail et leur organisation que leurs aînés1 ». Les enquêtes sur les valeurs des Européens l’attestent également : quel que soit leur âge, les Européens valorisent prioritairement la famille et le travail.
Les jeunes ont donc toujours la flamme. Mais leur rapport au travail évolue quant à la quête de sens, l’équilibre de vie, le rapport à l’écologie, ou encore la démocratisation des entreprises. Réalisé en collaboration étroite avec des étudiants et étudiantes du parcours Transitions écologiques de Sciences Po Grenoble, ce nouveau dossier de la Revue Projet leur donne la parole. Certains apportent leur témoignage pour repenser le travail dans un monde qui se délite, d’autres font dialoguer des visions divergentes du sens au travail, entre pragmatisme et utopie.
Ce dossier propose également un regard croisé en exclusivité entre Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l’Europe, et le député François Ruffin au sujet de la démocratisation des entreprises. Un sujet en souffrance, dont on peut espérer qu’il revienne à l’agenda politique dans le sillage des récentes prises de position syndicales de Sophie Binet (CGT) et de Marylise Léon (CFDT).
Quant aux travaux d’Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie en 2009, ils affirment qu’il est possible de transformer les entreprises pour en faire des communs de travail viables, à rebours des présupposés néolibéraux .
Naturellement, il n’y a pas une jeunesse, mais bien plusieurs. Si le taux de chômage des 18-24 ans est deux fois plus élevé que celui de la population active, la situation des non-diplômés est encore plus critique. La quête de sens au travail serait-elle une affaire de privilégiés ? Les professionnels de l’insertion répondent que non, mais disent que l’éducation et l’accompagnement des jeunes sont essentiels pour ne pas faire du sens un énième marqueur de fracture sociale.
Pour se relever de parcours scolaires parfois difficiles où la confiance en soi s’est trouvée fortement mise à mal, il convient de développer des passerelles innovantes vers le monde de l’emploi. Un défi auquel s’attellent les écoles de production, à mi-chemin entre les études et l’entreprise.
Débattre sur le travail, c’est débattre de « ce à quoi nous tenons ». Aussi pouvons-nous chercher dans les mutations du rapport au travail des jeunes générations les germes d’une quête de dignité de chaque personne, associée à la sauvegarde de notre planète.
1 Apec et Terra nova, « Un portrait positif des jeunesses au travail : au-delà des mythes », 2024.