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Dossier : Mobilités en Europe : où allons-nous ?

Vous avez dit mobilité ?

 © iStockphoto.com/Eyematrix
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Un souffle d’inquiétude passe sur l’Europe, à l’approche des élections au Parlement de Strasbourg. Au-delà des multiples avis de l’opinion, des politiques ou des experts, difficile d’établir un diagnostic précis expliquant l’état de santé de l’Europe. Et de quoi faut-il s’occuper d’abord ? De la montée des idées nationales et des replis identitaires ? Des incapacités à affronter une prétendue guerre commerciale mondialisée ? La question migratoire est-elle « la » question cruciale ? Ou serait-ce la cassure entre l’Ouest et l’Est, qui s’incarne dans des conceptions différentes de l’État de droit et des libertés fondamentales ? Beaucoup en conviennent : il s’agit aujourd’hui de retrouver un autre souffle, aussi novateur que l’était celui des pères fondateurs, dont l’objectif initial était la paix et la prospérité pour l’ensemble du continent.

Pour entrer dans ce vaste débat, la Revue Projet a adopté le point de vue de la liberté de circulation. C’est l’un des principes sur lesquels s’est fondée l’Union européenne (UE), bien qu’elle ne l’ait pas nécessairement appliqué de façon cohérente aux capitaux, aux biens, aux services et aux personnes, et bien qu’elle n’en ait pas toujours mesuré les conséquences sociales et politiques. La mobilité en Europe peut déjà faire valoir ses effets positifs (justice, monnaie). Cependant, plusieurs décennies de politiques européennes ont abouti à des tensions, sinon à des contradictions. Quand l’Europe met en avant la cohésion sociale, alors que le différentiel de mobilité est un puissant vecteur d’inégalités. Quand les profits accumulés en Afrique remontent sans encombre à La Défense, mais que l’on barre la route aux jeunes Subsahariens en quête d’avenir. Quand l’Europe se dit « Union » mais laisse seules l’Italie et la Grèce face aux afflux migratoires. Quand la Roumanie voit ses élites fuir en Allemagne et ses terres accaparées par les capitaux de l’ouest de l’Europe. Quand les investisseurs, qui ne connaissent pas les frontières, arbitrent au mieux de leurs intérêts et alimentent une course au moins-disant fiscal ou social entre États européens. Quand l’Europe prétend tenir ses objectifs climatiques en externalisant ses émissions en Asie…

L’Union européenne est perçue comme un agent important de l’ouverture au monde. Elle s’est construite comme un marché commun, où les échanges ont été encore fluidifiés par l’euro, et elle a été un acteur de la libéralisation économique dans le monde. L’UE est aussi un espace ouvert pour ses habitants (Schengen) et ses travailleurs. Mais de moins en moins pour ceux du reste du monde. Au fond, cette mobilité est vécue comme une opportunité par les uns, comme une menace pour les autres. La politique qui consiste à affaiblir Schengen, à hérisser les frontières extérieures de barbelés, voire à les externaliser au Sahel, est une impasse. Repenser l’ambition de l’UE suppose d’analyser toutes ces mobilités voulues, subies, désirables ou mortifères. D’énoncer le rôle que nous voulons donner à nos frontières : de quoi veut-on qu’elles nous protègent ? À quoi voulons-nous nous ouvrir ?

Orienter le principe de libre circulation vers plus de justice et de solidarité, pour lutter contre ses effets délétères et faciliter la mobilité des personnes, ne se fera pas sans efforts. Il y va de notre capacité à nous ouvrir à cette expérience de la « résonance » dont nous parle le philosophe Hartmut Rosa. Ce qui nous met en position favorable pour engager les politiques communes dont nous avons besoin. Envisager la construction de l’Europe sous l’angle de la liberté de circulation permet d’en dresser un bilan nuancé et d’esquisser des scénarios possibles pour son avenir.

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