Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
« Du jamais vu dans l’histoire. » Recensant l’impact sur l’emploi de la crise sanitaire, l’Organisation internationale du travail (OIT) tirait en janvier 2021 la sonnette d’alarme. La baisse du nombre d’heures de travail l’année dernière s’est traduite au niveau mondial par la destruction de 114 millions d’emplois, dont les femmes et les jeunes travailleurs ont été les premières victimes. Le nombre de chômeurs a fait un bond considérable – 33 millions de personnes ont glissé vers le chômage – mais, plus préoccupant encore, 81 millions d’individus sont passés de l’emploi à l’inactivité1. De quoi augmenter le taux de pauvreté, dans un contexte où les revenus liés au travail ont baissé globalement de 3 700 milliards de dollars. Bien sûr, tous les pays et tous les secteurs ne sont pas dans cette situation. Mais, partout sur la planète, Covid-19 est synonyme de tremblement de terre, d’autant que la reprise attendue tarde à se manifester…
Comment reconstruire dans ce paysage de ruines ? Entre la tentation de la table rase et le retour du business as usual, le chemin n’est pas encore tracé. Il s’invente au jour le jour, et son esquisse sert de fil rouge aux articles de ce dossier. Dans une première partie, nous pointons les fissures qui étaient déjà à l’œuvre avant la crise sanitaire : des emplois déshumanisés, des entreprises fragilisées, des salariés qui ont envie de reprendre leur destin en main. Le monde du travail de demain doit tenir compte de ces impasses.
Le temps qui vient appartient davantage aux explorateurs qu’aux théoriciens.
Le grand soir n’étant pas à l’ordre du jour – aucune idée majeure n’émerge de cette crise –, le temps qui vient appartient davantage aux explorateurs qu’aux théoriciens, comme l’illustrent les expérimentations de terrain de la deuxième partie. Leur force est de rappeler qu’avec un accompagnement sur mesure, une approche basée sur la confiance et un esprit de solidarité, on peut apercevoir le bout du tunnel.
C’est déjà beaucoup, mais, faute d’un projet clés en main, il s’agit de réfléchir à la manière de mettre ces expériences en perspective pour faire système. C’est l’objet de la troisième partie. Ce voyage se conclut par un entretien avec Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT. Au-delà des quelques pierres apportées par ce dossier, il esquisse un cadre général, dont les grands axes pourraient devenir les piliers d’un pacte pour l’emploi qu’il faut encore construire. Et si l’État peut y jouer un rôle – la mise en avant du « quoi qu’il en coûte » depuis le début de la crise sanitaire montre qu’il y a des marges de manœuvre –, il ne peut pas le faire seul…
Ce dossier n’est donc pas une autoroute vers une solution toute prête pour résorber le chômage et redonner du sens au travail. Il relève plutôt de l’exploration d’une voie dont beaucoup parlent, mais que peu empruntent. Suivez le guide !
1 Une personne est considérée comme inactive quand elle n’est ni en emploi, ni en recherche active d’emploi.