Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » Cette citation d’Antonio Gramsci peut nous aider à comprendre la situation politique que nous traversons actuellement en France. Le niveau d’abstention historique lors des dernières élections municipales met à mal la légitimité des élus locaux. Les maires, pourtant les représentants politiques les plus appréciés des Français, se trouvent eux aussi confrontés à cette crise aiguë de confiance. Ce nouveau décrochage entre représentants et représentés marque la fin d’un cycle de la démocratie représentative. Le risque est réel de voir se renforcer l’attrait d’un régime autoritaire ou populiste comme au Brésil, aux États-Unis ou aux Philippines…
S’interroger sur nos pratiques ne nous condamne pas pour autant à l’apathie politique. Les bouleversements actuels peuvent aussi appeler à une réaction radicalement différente, ouvrant des perspectives et conduisant à un renouveau de la vie politique. Car il s’agit bien de retrouver le pouls de la démocratie.
Sans représentants, ni la démocratie ni la vie politique ne fonctionnent à l’échelle d’un pays.
À l’occasion du 3e volet de notre série politique, nous souhaitons revisiter la question de la représentation. Sans représentants, ni la démocratie ni la vie politique ne fonctionnent à l’échelle d’un pays. Il est illusoire de concevoir l’organisation du bien commun et la gouvernance par la participation de tous les citoyens à toutes les décisions et à tous les stades. Mais une question fondamentale a été négligée, voire ignorée, par de nombreuses institutions : comment participer à la vie politique, à la gestion du collectif, sans réfléchir sérieusement à la manière dont nous sommes représentés ? Sans doute avons-nous donné trop d’importance aux élections et accordé une marge de manœuvre excessive aux élus.
Nous donnerons ici la parole à trois députés, tout en ouvrant la réflexion au monde syndical, associatif et à l’Église catholique. Nous verrons aussi différents exemples illustrant un renouveau de la représentation. Il sera finalement question de nouveaux enjeux pour l’avenir de la représentation : la nature, les non-humains peuvent-ils et doivent-ils être représentés ? Ces perspectives nous invitent à innover, comme l’a fait la Convention citoyenne pour le climat par le tirage au sort. Ce dossier engage, en fin de compte, à dépasser l’opposition entre représentation et participation. Comme le soulignent plusieurs articles, il est urgent de mieux conjuguer démocratie représentative et démocratie participative en accordant un réel crédit à la société civile. Le philosophe Alain Cugno, quant à lui, nous invite, en conclusion, à repenser la représentation sur de nouvelles bases.