Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
L’espace rural a cessé de se décliner au prisme d’une civilisation paysanne et paroissiale. Pourtant, le discours conservateur en vogue le convoque comme l’empreinte d’un pays « réel » fantasmé. C’est, entre autres, à cette imagerie que réplique ce nouveau dossier : « Ruralité, un monde à part ? ».
Si elle se conjugue bien sûr au pluriel, la ruralité se perd de vue dans une artificialisation statistique qui fausse ses représentations, selon l’analyse de Jean-Marc Offner. Benoît Coquard prend soin de distinguer ces campagnes en déclin, longtemps marquées par l’industrialisation, où s’exprime fortement ce besoin d’appartenance face à l’extérieur.
Contrasté selon les territoires et les populations, notamment les jeunes, comme le note Mélanie Gambino, l’attachement à la ruralité ne saurait se réduire à du repli identitaire. Les actions du CCFD-Terre Solidaire en faveur de la solidarité internationale, de l’engagement citoyen et de la souveraineté alimentaire, témoignent de dynamismes locaux inspirants. La députée Marie
Pochon soutient cette ruralité vivante dans sa « pampa » drômoise, dont elle n’ignore pas les divisions démographiques, culturelles et territoriales.
C’est sur ces dernières qu’insiste Daphné Chamard-Teirlinck, du Secours Catholique-Caritas France, en s’emparant de la question centrale de la mobilité. L’enclavement rural perdure en bien des endroits, du fait d’une politique d’aménagement du territoire alignée sur l’usage de la voiture individuelle. Rien ne change ici, alors que tout évolue par ailleurs.
La déconnexion entre campagne et monde agricole se précise, explique Yannick Sencébé, alors que la profession autrefois emblématique de la ruralité n’y représente plus que 5 % des actifs. La politique de soutien à l’installation doit urgemment s’adapter à l’émergence de nouveaux profils de candidats, adeptes de nouveaux modèles de production, détaille Cécile Gazo.
S’ils s’inspirent parfois des utopies communautaires des années 1970, observe Benjamin Dubertrand, ces nouveaux arrivants ont bien davantage à cœur de s’intégrer localement. Quitte à susciter des alliances et des rapports de force inédits, comme l’analyse Benoît Leroux.
Au fond, la ruralité tout entière se réinvente désormais, à la faveur d’appropriations renouvelées de ses espaces et de ses activités. Christine Margetic souligne, à échelle internationale, l’hybridation entre territoires urbains et ruraux, même dans des pays africains où domine l’agriculture familiale. L’étalement urbain force là aussi, constatent le CCFD-Terre Solidaire et son partenaire Afrique Verte, à imaginer des modèles soutenables.