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Dossier : Ceci n’est pas un numéro sur la chaussure

Industrie mondiale de la chaussure : mettre fin à la course au moins-disant social

©Aurore Chaillou
©Aurore Chaillou
Depuis cinquante ans, les conditions de fabrication des chaussures ont été largement influencées par les stratégies de firmes multinationales en quête de faibles coûts de production. Un redéploiement qui a contribué au développement industriel de plusieurs pays asiatiques. Mais à quand un progrès social bénéficiant aux travailleurs ?

L’industrie de la chaussure a été pionnière dans le processus de division internationale du travail. La stratégie de Nike, élaborée dès les années 1960, consistait à s’appuyer sur des sous-traitants dans des pays à faibles coûts salariaux. Elle a fait école parmi les grandes marques du secteur, dont seules les activités à forte valeur ajoutée (design, recherche et développement) restent situées aux États-Unis et en Europe.

87 % de la production mondiale en Asie

La diffusion de ce modèle s’est traduite par une réduction du nombre d’employés et de chaussures produites dans les pays occidentaux. En Europe, l’industrie est composée majoritairement de petites et moyennes entreprises au savoir-faire élevé, spécialisées dans la confection de chaussures à forte valeur ajoutée. Ainsi, en 2015, le prix moyen à l’exportation d’une paire produite en Italie atteignait 38,50 €, soit neuf fois le prix à l’exportation d’une paire produite en Chine. Les pays asiatiques, spécialisés dans la production de masse, assurent 86,7 % de la production mondiale en volume.

Ce processus d’internationalisation se traduit aussi par l’allongement des chaînes de valeur et l’accentuation des interdépendances. Les États-Unis, premiers producteurs mondiaux de peaux, approvisionnent les tanneries de l’est de la Chine1. Une fois transformé, le cuir est acheminé vers les usines, situées pour la plupart dans la province du Guangdong (sud de la Chine). Une partie des chaussures prend alors la direction des États-Unis, première destination des exportations chinoises (17 %).

Les industries du cuir et de la chaussure contribuent à la croissance économique de plusieurs pays d’Asie2. Nécessitant une main-d’œuvre abondante et bon marché, des technologies et des investissements limités, elles étaient particulièrement adaptées à la phase de développement chinois des années 1990-2000.

L’Empire du milieu de la chaussure

À elle seule, la Chine fournit 57 % de la production et 67,3 % des exportations mondiales de chaussures en 2016, une part qui diminue depuis 2014 face à la montée en puissance d’autres pays (voir tableau I), même si le secteur reste en croissance en Chine3. Ce pays a occupé une place de choix dans les stratégies d’externalisation de la production des firmes multinationales. Mais la crise de 2008-2009 a marqué le début du ralentissement de la croissance de ce secteur, face à la montée des salaires et du prix des matières premières. La situation diffère cependant d’une entreprise à l’autre. L’industrie chinoise de la chaussure est en effet composée, d’une part, de grandes usines employant des dizaines de milliers de travailleurs, capables de produire massivement pour l’exportation et d’investir dans la modernisation du processus de production ; de l’autre, elle est composée d’entreprises moins compétitives, qui ne subsistent que par le biais de délocalisations vers les provinces de l’intérieur4, voire vers d’autres pays d’Asie du Sud-Est.

Les difficultés sont accentuées par la volonté gouvernementale de circonscrire l’expansion des industries polluantes et à faible valeur ajoutée. Dans le secteur du cuir, la concentration industrielle est favorisée depuis 2010 par l’impossibilité de créer de nouvelles tanneries et les restrictions d’accès au crédit pour les petites entreprises5. Les réglementations environnementales adoptées par le gouvernement central et les autorités locales entraînent la fermeture de nombreuses tanneries, incapables d’opérer la transition vers une production plus propre (un déclin qui profite aux tanneries vietnamiennes, indiennes ou bangladaises)6. Ces mesures contribuent cependant à l’amélioration de la qualité du cuir produit en Chine et donc, in fine, à l’augmentation de la valeur marchande de la production.

Mais le redéploiement d’une partie de la production vers d’autres pays asiatiques est en grande partie guidé par la recherche de réglementations moins contraignantes. En témoigne le dynamisme de l’industrie vietnamienne de la chaussure, qui s’appuie sur une main-d’œuvre jeune, moins bien rémunérée qu’en Chine7. Et, depuis 2014, sur des accords de libre-échange avec l’Union européenne et les États-Unis plus favorables aux principaux concurrents de la Chine. Le rapide développement industriel dans ce secteur n’en reste pas moins instable pour ces pays aux capacités logistiques moins développées qu’en Chine, et soumis à la mise en concurrence permanente des donneurs d’ordres occidentaux. Dès lors, cette stratégie d’insertion dans les échanges internationaux par des coûts salariaux toujours plus faibles fait obstacle à l’amélioration des conditions de vie pour des millions d’employés.

Impacts sociaux et environnementaux

En Asie, la main-d’œuvre du secteur de la chaussure est majoritairement composée de femmes jeunes8. Si l’accès à ces emplois contribue à l’émancipation de femmes quittant les zones rurales, les salaires en vigueur sont généralement au niveau du salaire minimum local, et donc largement en dessous du salaire vital, considéré comme le revenu permettant la satisfaction des besoins vitaux du travailleur et de sa famille.

La contribution du secteur à l’emploi industriel varie d’un pays à l’autre (cf. tableau I) : très importante au Vietnam (13 % des emplois industriels), marginale au Bangladesh (moins de 1 %). Le redéploiement de la production dans la région, largement déterminé par les coûts salariaux, bénéficie d’abord aux pays en phase récente de développement industriel, plus concurrentiels.

Tableau I. L’emploi dans l’industrie de la chaussure en Asie

 

Chine (2015)

Vietnam (2016)

Inde (2011/2012)

Indonésie (2016)

Bangladesh (2013)

Cambodge (2012)

Nombre d’employés dans l’industrie de la chaussure* (en milliers)

1689,3

1156,8

1147,1

781,8

90,7

66,5

Part de femmes ( %)

59,1

73,4

15,4

53,2

23,8

68,6

Part de l’industrie de la chaussure* dans l’emploi manufacturier total ( %)

3,32

13

2,26

4,93

0,95

5,3

Salaires nominaux mensuels moyens ($)

582

218

120

151

163

96

* Les statistiques nationales regroupent généralement chaussures et autres biens nécessitant du cuir (bagages, sacs à main…). Ces données sous-estiment l’ampleur du secteur informel et manquent donc de fiabilité.

Source : Huynh Phu, « Developing Asia’s garment and footwear industry : recent employment and wage trends », Asia-Pacific garment and footwear research note (Organisation internationale du travail), n° 8, octobre 2017.

 

En Chine, qui demeure le plus gros employeur mondial du secteur (certaines sources parlent de 2 millions de travailleurs9), le droit du travail est relativement bien développé depuis la deuxième moitié des années 2000. Mais ces règles restent en grande partie formelles, la mise en œuvre dans les entreprises se heurtant au manque d’inspecteurs du travail, à la collusion entre les entrepreneurs et des autorités locales soucieuses de leur attractivité économique et, surtout, à la faiblesse des droits collectifs (liberté syndicale, droit de grève et négociation collective) qui limite la capacité des travailleurs à faire pression pour le respect de leurs droits. Récemment, la menace des délocalisations entraîne une volonté de diminuer les coûts, contribuant également à la détérioration des conditions de travail.

En Chine, la menace des délocalisations entraîne une volonté de diminuer les coûts, contribuant également à la détérioration des conditions de travail.

 

Principales violations des droits des travailleurs chinois dans l’industrie de la chaussure*

Rémunérations et temps de travail :

  • Temps de travail largement supérieur au maximum légal (fixé à 40 heures par semaine), pouvant, dans certains cas, être assimilé à du travail forcé ;
  • Le salaire minimum est globalement respecté, mais largement inférieur aux estimations de l’Asia Floor Wage Alliance sur le montant d’un salaire vital ;
  • Défauts récurrents de paiement des contributions à l’assurance santé et retraites, en particulier pour les travailleurs-migrants, qui constituent l’essentiel de la main-d’œuvre du secteur ; défauts de paiement des salaires lors des fermetures d’usines.

Santé et sécurité :

  • Nombreux accidents du travail liés à la vétusté des ateliers ;
  • Manipulation de produits chimiques entraînant des intoxications au benzène, des cancers, des maladies de peau, etc.

Droits collectifs de participation à l’élaboration des règles :

  • Absence de liberté syndicale (seule l’adhésion au syndicat officiel est autorisée) ;
  • Manque de représentativité des mécanismes de négociation collective ;
  • Ambiguïté de la loi sur le droit de grève, plaçant les travailleurs impliqués dans un conflit collectif à la limite de la légalité.

* S’il est difficile d’obtenir des informations précises sur les conditions de travail dans les tanneries chinoises, celles des usines de chaussures, touchées par d’importantes grèves ces dernières années, sont mieux documentées.

 

La faiblesse des droits collectifs ne doit pas laisser penser que les travailleurs chinois subissent passivement ces violations. Ils ont, au contraire, pris en main l’amélioration de leurs conditions de vie, comme l’indique la recrudescence des conflits du travail depuis quinze ans. D’abord via les canaux officiels (médiation et arbitrage), puis par le biais d’actions collectives sur les sites de production. En 2014 et 2015, les usines de chaussures de la province du Guangdong ont ainsi vu se dérouler certaines des grèves les plus significatives de l’histoire récente du mouvement ouvrier, à l’image des entreprises Panyu Lide (Canton), Stella et Yue Yuen (Dongguan), détenues par des ressortissants hongkongais et taiwanais. Sur le site de Yue Yuen, pas moins de 40 000 travailleurs ont ainsi cessé la production pendant deux semaines afin de faire appliquer les nouvelles réglementations renforçant les obligations des employeurs à contribuer à la sécurité sociale.

Les délocalisations, on l’a dit, s’expliquent en grande partie par les écarts de salaires entre la Chine et ses voisins, où les conditions de travail ne sont pas plus enviables. On sait par exemple que le travail des enfants est encore répandu en Inde, que les services d’inspection du travail sont largement défaillants au Vietnam ou que les ouvriers bangladais sont régulièrement victimes de problèmes de sécurité dans les ateliers.

Les dégradations environnementales, elles aussi, sont considérables. L’élevage nécessaire à la production de cuir entraîne d’importantes émissions de gaz à effet de serre et contribue à la déforestation (dont celle de l’Amazonie)10. Quant à la transformation du cuir, elle nécessite d’importantes quantités d’eau, qui s’en trouve polluée par l’utilisation massive de substances chimiques. Les ouvriers des tanneries et des usines de fabrication de chaussures sont, par ailleurs, exposés au chrome11 et à d’autres produits toxiques. Et si les dégâts environnementaux sont particulièrement inquiétants en Asie, les pays occidentaux sont loin d’être épargnés, comme l’illustrent les cas d’intoxication de travailleurs dans des tanneries italiennes12.

Relocaliser : quels effets ?

Faut-il produire dans des pays aux législations plus strictes ? Le retour de la production dans les pays développés est parfois présenté comme un moyen de soumettre l’industrie à des règles sociales et environnementales plus rigoureuses. Hors de l’Asie, le déclin relatif de la Chine bénéficie à des pays intégrés aux marchés américains et européens, comme le Mexique, l’Italie et le Portugal (ce dernier a vu le nombre de chaussures produites croître de 32,3 % entre 2010 et 2016). Mais les entorses au droit du travail sont également répandues dans les pays développés, que l’on pense au recours généralisé aux travailleurs-migrants, souvent non déclarés, dans les tanneries italiennes13, ou aux discriminations subies par les femmes au siège social de Nike14. Surtout, les expériences de rapatriement de la production menées par les grandes marques du secteur, à l’image de l’usine ouverte par Adidas en Bavière en 2017, se font au prix d’une plus grande automatisation. Il est donc prématuré d’espérer des créations massives d’emplois dans les pays occidentaux, même si l’on assiste au développement d’un marché de « niche », occupé par de petites marques prêtes à assurer des conditions de production satisfaisantes.

À partir des années 1990, les mobilisations du mouvement « anti-sweatshops » ont contraint les multinationales du secteur à adopter des codes de conduite énonçant un socle de normes sociales auxquelles doivent se conformer les usines passant contrat avec elles. En théorie, ces initiatives privées permettraient d’assurer des conditions d’emploi décentes, en se référant notamment aux standards de l’Organisation internationale du travail. En réalité, la répartition de la valeur ajoutée au sein des chaînes globales de valeur reste très largement favorable aux marques et aux distributeurs occidentaux, sans que l’on note de rééquilibrage en faveur des sous-traitants. Cette logique de régulation privée conduit à privilégier des améliorations facilement détectables par les auditeurs sociaux, telles que la propreté des ateliers ou la présence d’extincteurs… Des questions plus coûteuses et complexes à imposer (la mise en place d’un salaire vital ou l’accès à la protection sociale) sont en revanche rarement traitées15. Enfin, les travailleurs asiatiques, faute d’être considérés comme des acteurs à part entière des changements censés leur bénéficier, sont tenus à l’écart de la mise en œuvre de ces dispositifs.

Le nécessaire recours à la puissance publique

La mise en concurrence des sous-traitants pour offrir des coûts de production toujours plus faibles demeure le principal obstacle au progrès social. En organisant leur production à l’échelle mondiale, les multinationales parviennent à maintenir une pression sur les gouvernements tentés d’adopter des réglementations plus contraignantes, favorisant au niveau local des collusions entre employeurs et responsables politiques.

En organisant leur production à l’échelle mondiale, les multinationales parviennent à maintenir une pression sur les gouvernements tentés d’adopter des réglementations plus contraignantes.

Comment, dès lors, imposer aux entreprises une évolution des conditions de production ? Du côté des consommateurs, le boycott apparaît comme un outil difficile à actionner collectivement et, à quelques exceptions près, ses conséquences sont peu durables pour les marques. Un consommateur « responsable » peut certes privilégier des chaussures susceptibles d’être réparées afin d’allonger leur durée de vie. Mais il a aussi la capacité de faire pression sur les dirigeants politiques pour des réglementations contraignant l’activité des multinationales. La question de la régulation des chaînes globales de valeur a pris de l’ampleur ces dernières années, portée notamment par des organisations non gouvernementales occidentales16 et asiatiques, et relayée au sein des ateliers par le mécontentement croissant des ouvriers. Un préalable consiste à exiger davantage de transparence sur les activités des firmes multinationales et notamment sur le partage de la valeur ajoutée aux différentes étapes du processus de production, afin de permettre un débat informé sur la valeur (réelle et souhaitable) des biens produits. Il faudra encore renforcer les règles du commerce mondial par l’adoption de réglementations sectorielles et de taxes visant à dissuader les importations de biens à l’impact social et environnemental trop néfaste. De telles mesures contraindraient les multinationales à s’assurer que leurs sous-traitants offrent des conditions de vie décentes à leurs employés et que ce critère ne soit plus une variable secondaire, reléguée loin derrière les coûts de production et la réactivité des usines.

Pour conclure, le renforcement du rôle de l’Organisation internationale du travail (OIT) pourrait être un levier pour mettre fin à la course au moins-disant social. S’appuyant sur la légitimité de son mandat tripartite, l’OIT pourrait élaborer des mécanismes de résolution des différends afin de consolider la déclaration tripartite sur les multinationales, qui n’a pour l’instant qu’un rôle déclaratif. Une solution plus contraignante consisterait à élaborer une convention consacrée au travail décent dans les chaînes globales de valeur, permettant ainsi de clarifier les responsabilités des gouvernements et des employeurs à garantir les droits des travailleurs. Enfin, il est plus qu’urgent de renforcer la capacité de l’OIT à apporter un soutien institutionnel et financier aux représentants des travailleurs, dans les pays où les droits collectifs sont régulièrement bafoués. Il est probable que ces propositions se heurtent à l’opposition des firmes multinationales et de l’Organisation internationale des employeurs, mais elles sont nécessaires à l’institutionnalisation d’un réel contre-pouvoir dans les chaînes globales de valeur.

 

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1 En 2016, 11,1 millions de tonnes de bœuf étaient produites aux États-Unis, suivi par le Brésil (9,7 millions de tonnes). Si une partie des peaux brésiliennes sont envoyées en Chine, le pays dispose également de ses propres tanneries lui permettant de fabriquer du cuir.

2 Après avoir bénéficié au décollage industriel du Japon puis des dragons asiatiques (en particulier Taïwan et la Corée du Sud) et de la République populaire de Chine, ces industries occupent aujourd’hui une place importante dans l’industrie de plusieurs pays d’Asie du Sud et du Sud-Est. En plus des pays cités dans le tableau I, on peut également mentionner, parmi les principaux producteurs, la Thaïlande, les Philippines mais aussi la Birmanie et le Laos, où ces industries se sont implantées plus récemment. En dehors de l’Asie, le Brésil, le Mexique, l’Italie, la Turquie ou le Portugal figurent parmi les principaux producteurs.

3 « Top Shoe Manufacturing Countries », World Atlas (www.worldatlas.com), 25/04/2017.

4 En Chine, le salaire minimum est fixé localement. Il peut varier du simple au double d’une province à l’autre.

5 Cf. Ursula Chen, « China’s footwear industry facing a number of challenges », USDA foreign agricultural report, novembre 2012.

6 Cf. Anton Pieper et Felix Xu, « Tricky footwork. The struggle for labour rights in the chinese footwear industry », Change your shoes, mai 2016.

7 Le Vietnam a produit plus d’un milliard de paires en 2016 (5,3 % de la production mondiale), avec une industrie très extravertie (91 % des chaussures sont destinées à l’exportation). Cf. World footyear, World footwear yearbook 2017.

8 À l’exception des pays d’Asie du Sud (Inde, Pakistan…) où persistent d’importantes discriminations à l’égard des femmes : leur taux de participation dans la main-d’œuvre industrielle y est faible et les disparités salariales entre hommes et femmes dépassent 60 % au Pakistan.

9 Cf. A. Pieper et F. Xu, op. cit.

10 L’association Envol Vert estime que la production de viande et de cuir contribue pour 65 % à la déforestation de l’Amazonie. Cf. « Le cuir tanne la forêt », rapport de l’association Envol Vert, janvier 2013.

11 L’utilisation du chrome III (ou « trivalent »), largement répandue dans les tanneries, n’est pas nocive à la base. Mais, dans certaines conditions, des molécules peuvent muter en chrome VI (ou « hexavalent »), qui provoque des démangeaisons chez les ouvriers et dont l’inhalation est cancérigène. En bout de chaîne, les consommateurs peuvent également subir des allergies au chrome VI.

12 Cf. Pierpaolo Corradini, Stefano Gallo, Francesco Gesualdi, « Did you know there’s a cow in your shoe ? The labour and the environment behind a pair of leather shoe », Centro Nuovo Modello di Sviluppo/Change your shoes, novembre 2016.

13 Idem.

14 Julie Creswell, Kevin Draper, Rachel Abrams, « At Nike, revolt led by women leads to exodus of male executives », New York Times, 28/04/2018.

15 En 2013, l’entreprise suédoise H&M avait pris l’engagement d’assurer un salaire vital à 850 000 employés des usines sous-traitantes, qui ne sera finalement pas respecté. Or la mise en œuvre d’une telle mesure ne nécessiterait qu’une hausse limitée des coûts de production, susceptible d’être absorbée par une légère baisse des marges des donneurs d’ordres et des distributeurs, sans impact pour le consommateur.

16 Cette pression de la société civile a par exemple permis l’adoption en France en 2017 d’une loi sur le « devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre », inaugurant ainsi l’idée d’une responsabilité juridique des firmes multinationales sur les atteintes aux personnes et à l’environnement, y compris à l’étranger. Dans le prolongement, des discussions sont actuellement en cours aux Nations unies pour élaborer un instrument contraignant à l’échelle internationale.


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