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Dossier : Ceci n’est pas un numéro sur la chaussure

Relocaliser la production de la chaussure : pour quel travail ?

Speedfactory ©Adidas
Speedfactory ©Adidas

Après avoir délocalisé des dizaines de milliers d’emplois vers des pays à bas coût de main-d’œuvre, l’industrie de la chaussure opérerait-elle le mouvement inverse ? C’est ce que peut donner à penser l’implantation en Europe et aux États-Unis d’usines fortement robotisées. Mais que devient le travail dans ces processus d’automatisation et à l’heure de la « lean production » ?


Depuis les années 1990, les effectifs du secteur de la chaussure en France ont fortement baissé : 9 000 salariés dans 130 entreprises en 2010, contre 30 800 en 1994. En 2017, l’industrie de la chaussure n’occupe qu’un peu plus de 5 000 salariés dans 99 entreprises1. En cause, le choc frontal de la concurrence, mais aussi la recherche de profit à court terme ont affaibli les productions industrielles nationales des pays technologiquement avancés2. Nombre de délocalisations dans l’industrie de la chaussure ont été réalisées dans les pays à bas coût de main-d’œuvre comme la Chine. Celle-ci représente cependant un cas singulier qui combine des techniques de plus en plus avancées et de faibles exigences sociales (l’écart des salaires avec la France est de 1 à 33). En 2009, elle produisait 56 % des chaussures dans le monde avec 20 000 entreprises, employant directement 3,5 millions de personnes pour fabriquer 10,6 milliards de paires de chaussures chaque année. Elle exporte aujourd’hui près de 80 % de sa production, essentiellement vers les États-Unis et l’Union Européenne. Elle joue maintenant sur les marchés de la chaussure de luxe, au-delà des marchés standardisés à faibles prix.

Cependant, quelques initiatives – comme l’implantation d’usines Adidas fortement robotisées en Allemagne et aux États-Unis – semblent opérer une rupture avec les délocalisations industrielles des décennies précédentes. Des opérations du même type ont eu lieu précédemment dans le textile, avec le retour du tissage dans de grandes unités très automatisées produisant plutôt pour le marché haut de gamme. Peut-on s’attendre à un élargissement de ce phénomène ? Les promoteurs d’un rapprochement des usines des marchés les plus lucratifs évoquent des questions de transport (coûts et soutenabilité), de hausse du prix de la main-d’œuvre dans les pays à faibles revenus et à revenus intermédiaires3. Mais à quelles transformations du travail doit-on s’attendre avec ces processus d’automatisation-robotisation ? Et comment penser ces changements tout en se préoccupant des questions écologiques ?

Relocaliser la production ?

Le coût des importations pourrait ne pas demeurer anormalement faible (4 € la paire de chaussures importée de Chine) : la hausse des salaires dans certains pays a déjà atteint 80 % en quelques années. De même, les exigences environnementales pourraient se faire de plus en plus pressantes (moins de CO2, moins de pollution), et les consommateurs se montrer plus attentifs aux conditions de fabrication des produits importés. L’exigence de circuits courts plus respectueux de l’environnement affecterait les modes de production et l’organisation du travail. Des fabrications pourraient alors revenir en Europe et en Amérique du Nord avec la reconstruction d’usines plus ou moins automatisées selon les segments. La production de haut de gamme y serait confirmée, mais aussi celle de milieu de gamme, dans des unités très automatisées. Les centres de design plus proches des marchés rémunérateurs seraient confortés, en raison de la nécessaire proximité culturelle des designers avec ces marchés4.

Une réimplantation de l’industrie de la chaussure en France, y compris avec une rémunération acceptable du capital5, n’est plus utopique. Le « Fabriqué en France » peut s’appuyer sur les compétences disponibles dans les bassins industriels traditionnels. L’enjeu est non seulement de former les ouvriers plus anciens aux nouvelles compétences exigées, mais surtout de transmettre leurs savoir-faire aux nouvelles générations. Certes, la production « Made in France », présente notamment dans le Choletais et en Vendée, s’est considérablement réduite, mais 35 entreprises ont réussi à y survivre en misant sur leur savoir-faire et l’innovation. C’est le cas de la société Éram, qui a maintenu une forte capacité de production : 600 000 paires de chaussures par an à Montjean-sur-Loire (Maine-et-Loire).

Le marché français de la chaussure (et du textile en général) subit encore les règles de la concurrence internationale. Les entreprises de ce secteur ont souvent fait le choix du conformisme ambiant : rentabilité immédiate, économies sur la main-d’œuvre et recherche de clients optant pour des gammes à faible prix. Toutefois, avec la mise en avant du « Made in France », très prisé dès le début des années 2010, certaines marques ont relocalisé leurs usines de production, ou du moins d’assemblage, en Europe afin de se distinguer de la concurrence. Éram a ainsi annoncé fin 2014 la création d’une école de fabrication de chaussures sur son site de Montjean-sur-Loire afin de pourvoir de futurs postes. Pour se pérenniser, la société mise sur le maintien des métiers de la chaussure dans les ateliers – même si l’essentiel de la fabrication a encore lieu en Asie – et sur la recherche permanente d’innovations6. Par exemple, en créant « Montlimart », une marque de chaussures pour hommes basée sur le textile. Ou #Choose, des baskets connectées dont on change la couleur via une application smartphone. Ou encore, le service « Atelier 27 », qui permet de personnaliser ses talons en une heure grâce à l’impression 3D.

Organiser la production et la chaîne de valeur

Aujourd’hui, une grande partie des compétences essentielles à la réussite d’une entreprise est liée au « réseau de valeur », constitué par les partenaires dont celle-ci est capable de s’entourer pour compléter et amplifier ses ressources. L’entreprise industrielle est au cœur d’un réseau et doit former, avec ses fournisseurs, ses sous-traitants, ses distributeurs, ses clients, une « organisation étendue ». Si l’entreprise veut obtenir de ses fournisseurs un niveau élevé de fiabilité dans le respect des délais et la maîtrise de la qualité, la performance n’est plus simplement individuelle, mais collective. D’où la nécessité de relations régulières, avec des partenaires stables, homologués, utilisant des méthodes de gestion et des techniques harmonisées, et d’un accord entre partenaires commerciaux. Toute la visibilité sur le marché dont dispose l’aval doit être partagée avec les firmes en amont.

La force de l’industrie de la chaussure reposera ainsi, de plus en plus, sur des effets de « milieu » (au sens d’environnement culturel, voire de « district industriel »7). Le processus de création de richesses s’inscrit ainsi à la fois dans la dynamique des entreprises et dans celle des territoires8. L’industrie de la chaussure qui est « territorialisée » dans quelques régions et qui a réussi, au niveau de ses produits et de ses marchés, ne raisonne pas en termes exclusifs de concurrence par les coûts : elle se situe dans une perspective de création de ressources en « faisant corps » avec son territoire. Dans le Choletais, par exemple, l’intensité de l’innovation, des savoir-faire et la valorisation du travail humain portent la trace d’une vraie politique en matière de formation, de recherche et de développement technologique.

La production de demain

L’innovation technique et la recherche et développement auront ainsi un rôle important à jouer pour fabriquer des produits de qualité plus élaborée. Ceux-ci devront être plus respectueux de l’environnement (fibre biologique, produits recyclés) et les processus de production plus écologiques (ISO 14000). Les chaussures auront des propriétés nouvelles et seront assimilées à des produits intelligents (santé, bien-être, performance sportive). D’où des modes d’organisation à forte réactivité et un développement correspondant de la formation.

La start-up américaine Feetz vise déjà le grand public. Après avoir choisi et personnalisé son modèle en ligne, le client envoie quelques photos de ses mesures via une application de modélisation. Il faut douze heures à une imprimante 3D pour concevoir et fabriquer une paire de chaussures expédiée très rapidement. Mais au-delà de ces productions à petites échelles, les multinationales du sport sont déjà en mesure de lancer des chaînes de fabrication en intégrant les nouvelles technologies les plus performantes. La mini-usine d’Adidas en Bavière, baptisée « Speedfactory », produit en grande série ses modèles pour l’Europe sur des installations très automatisées. Une deuxième unité a vu le jour aux États-Unis et le groupe compte les multiplier d’ici quatre ans. Ces petites unités doivent permettre de relocaliser la production dans les pays où vivent leurs consommateurs. Aux États-Unis, l’entreprise Under Armour développe le même concept d’usine du futur automatisée, tout comme Nike, qui fait référence au concept de « manufacturing revolution »9. Le discours promotionnel passe par la mise en avant de la qualité et de la performance du système productif, comme si celui-ci transmettait aux chaussures son efficience ! Pourtant, ce discours occulte les conditions de travail des millions d’ouvriers des usines asiatiques ou latino-américaines. Il évite aussi les questions écologiques au moins sur deux points essentiels. Car ces grandes marques encouragent la consommation toujours plus massive de chaussures dont la matière première est de plus en plus issue de produits fossiles (le pétrole ou le gaz naturel) en remplacement du cuir produit « naturellement » à partir des élevages : ce qui est en cause ce n’est pas seulement la nature fossile de la matière première, mais la course au volume, sans finalité autre que le profit de quelques grands fabricants. Sans compter les coûts énergétiques (depuis la transformation des hydrocarbures jusqu’à la logistique pour approvisionner les marchés des pays technologiquement avancés, en passant par la fabrication proprement dite des chaussures).

D’autre part, la fameuse obsolescence programmée prend ici deux formes complémentaires : les produits de synthèse sont étudiés pour résister a minima au frottement sur l’asphalte ou le béton, raccourcissant la vie des chaussures des adolescents en particulier ; par ailleurs, les multiples trouvailles de différenciations (couleurs, aspect des matériaux, formes, lumières, revêtements…) conduisent à préférer toujours le dernier modèle.

Le devenir du travail dans l’industrie de la chaussure

La réimplantation d’unités de fabrication en Europe et aux États-Unis se fera autour de trois principes : une automatisation intensive, la « lean production » et l’intégration plus forte entre conception et fabrication. Or tout processus d’automatisation comporte une part de destruction, de création et de transformation des emplois. Cela dépend du degré de robotisation et de la manière de l’implanter dans les usines. La disponibilité d’une technologie ne préjuge pas de son usage. D’autres facteurs importants interviennent : modes de gestion stratégique (rapport coût/valeur) et rentabilité anticipée, organisation du travail et acceptabilité sociale.

Lorsque le fabricant de chaussures en cuir haut de gamme Paraboot, situé en Isère, rapatrie l’une de ses collections du Portugal, il robotise cette nouvelle ligne de production sans supprimer de postes car il maintient la fabrication manuelle pour d’autres segments de sa gamme : cette fabrication manuelle reste décisive pour la marque centenaire qui la mixe avec une image de haute technicité. En revanche, en relocalisant leurs productions et en automatisant les entreprises dans les pays du Nord, de grandes marques de chaussures suppriment des emplois dans certains pays d’Asie du Sud-Est. Le plan social prévu par Nike au Vietnam concerne environ 250 000 salariés. Après avoir entièrement délocalisé la fabrication de baskets en Asie du Sud-Est, cette société relocalise ses usines en Amérique du Nord depuis 2017.

Avec les sous-traitants, on comptait plus d’un million d’employés dans les pays à bas coût de main-d’œuvre. Mais la robotisation incite Nike et Adidas à rapatrier leurs usines. Pour fabriquer une paire de baskets, il faut découper, assembler et coller à la main 200 pièces différentes. Or, aujourd’hui, des machines laser sont capables de réaliser ces opérations beaucoup plus rapidement qu’autrefois. Une machine travaille vingt fois plus vite qu’un salarié.

Une machine travaille vingt fois plus vite qu’un salarié.

Les hommes et les femmes ne disparaissent pas de l’usine pour autant : il reste de très nombreuses tâches d’entretien et de surveillance des processus où l’intervention immédiate des ouvriers est indispensable pour obtenir un taux élevé d’utilisation des installations. Cette intervention (de la simple remise en place d’un produit sur une machine au diagnostic de premier niveau des pannes et de la réparation) exige en fait une double compétence, ce que les industriels négligent bien souvent : une capacité à diagnostiquer les causes d’un arrêt de la ligne de fabrication, avec des connaissances minimales des installations, et une connaissance des métiers de la chaussure pour savoir comment se comporte le cuir (ou les nouveaux matériaux). D’où la nécessité de penser, en amont de l’automatisation, les transferts de savoir-faire.

La révolution du « lean management »

Un autre principe de la modernisation est celui de la lean production. Il s’agit de supprimer les stocks tampons entre les postes de travail ou les segments productifs. Mais ce principe du zéro stock a un autre effet : il fragilise la production, puisque tout incident de fabrication en un point arrête la production en aval (plus de pièces pour continuer) et en amont (pas de place pour stocker ce que l’on pourrait continuer à produire). Dans un système productif fondé sur la réduction permanente de la force de travail, les ouvriers et les techniciens doivent littéralement courir pour maintenir le flux tendu de fabrication.

Pour faire face à cette double fragilisation de la production (par l’automatisation et par le sans stock), les cabinets-conseils en organisation proposent une multiplicité d’outils, tels que la qualité totale, la maintenance préventive, le changement rapide d’outils ou le « kaizen » (amélioration permanente, en japonais). En les dénommant outils « socio-productifs », nous soulignons que si leur première raison d’être est technique, ils ont aussi un rôle largement social et même idéologique. En réunissant les ouvriers, les techniciens, les agents de maîtrise, voire les ingénieurs, dans la même salle et sur les mêmes objectifs de productivité et de qualité, la lean production intègre socialement les ouvriers et cherche à leur faire adopter les buts du management de l’entreprise capitaliste. C’est aussi le lieu où se diffusent les exigences d’autonomie et de responsabilisation des travailleurs, devenues les piliers du nouveau management. On perçoit l’ambivalence de la révolution du lean management : certes, beaucoup moins de fatigue physique qu’hier, mais une fatigue mentale née des pressions du temps pour intervenir sur des processus de production plus fragiles qu’autrefois. Ainsi, les postes de surveillance des lignes de fabrication automatisées exigent une certaine requalification du travail ouvrier à travers une mobilisation intellectuelle qui peut redonner du sens au travail, laquelle reste toutefois limitée dans quelques activités pouvant aussi devenir répétitives. Enfin, le travail en groupe, avec une responsabilisation collective des résultats, conduit à la pression des pairs sur les pairs : autant de sources de stress, de mal-être au travail.

In fine, le retour des emplois dans de nouvelles unités de production de chaussures en France et dans les pays du Nord se fera dans des conditions qui ne seront pas toujours satisfaisantes... Sans compter que la pression sur les salaires, la menace restant permanente d’une délocalisation vers les pays à main-d’œuvre meilleur marché, qui continueront à produire massivement des chaussures à bas coût. Par ailleurs, la compétition entre régions (ou entre continents) restera violente, car les industriels y procéderont aussi à l’automatisation des processus de fabrication, avec une main-d’œuvre toujours bon marché.

Dans l’industrie de la chaussure, le travail a été le plus souvent appréhendé comme une charge à réduire et donc comme une simple variable d’ajustement.

Dans l’industrie de la chaussure, nous avançons l’hypothèse selon laquelle le travail a été le plus souvent appréhendé comme une charge à réduire et donc comme une simple variable d’ajustement. Or cette manière de voir est liée au choix d’un langage comptable qui oriente la représentation du travail, de l’entreprise, de l’efficacité et donc du progrès économique et social. L’entreprise est-elle une entité autonome possédant un « intérêt social » spécifique, c’est-à-dire un projet géré dans l’intérêt commun de l’ensemble des différentes parties en présence (salariés et leurs représentants, propriétaires, consommateurs) ? Ou est-elle réductible à un « nœud de contrats », voire à un rapport commercial entre les salariés et les détenteurs de capitaux (« ubérisation ») ? Est-ce un « outil de travail » ou un « outil de rendement financier » ?

Si la logique comptable est orientée exclusivement vers la rentabilité financière, les salariés seront conduits à s’aligner sur une démarche qui les dépossède de toute capacité de décision et d’action dans le travail10. L’entreprise comme « structure productive » ne sera pas mise en valeur et l’automatisation ne servira ni le travail ni les travailleurs. Seul un cadre renouvelé, dans lequel l’entreprise est conçue d’abord comme une structure visant à produire et à vendre des biens et des services, peut permettre aux salariés de trouver un intérêt réel à s’impliquer dans le travail pour concevoir, produire et innover.

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1 Données statistiques issues de publications des organismes professionnels du cuir et de la chaussure et de journaux spécialisés.

2 Nous désignons ainsi les pays dits « du Nord » pour les caractériser du point de vue technologique, étant entendu qu’ils sont tous des pays capitalistes dominés par un libéralisme plus ou moins forcené...

3 Mais aussi dans les pays émergents : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, auxquels il faudrait ajouter, le Mexique, le Vietnam, etc.

4 La dimension culturelle (les goûts des consommateurs) est jugée stratégique et, comme dans l’industrie automobile, les firmes préfèrent implanter les studios de design des produits au plus près des marchés. Ce qui ne pose pas de problème technique en raison de la qualité des communications et de l’universalisation de la culture technique des ingénieurs et des techniciens.

5 Rappelons que les entreprises françaises de cuir-chaussures étaient déjà parvenues à améliorer leurs performances financières entre 1996 et 2007 puisque la rentabilité nette était passée de 2,5 % à 6 % (cf. « Industrie du cuir et de la chaussure », Fiche sectorielle des industries des biens de consommation, DGCIS-Crédoc, 2011).

6 Nombre d’industries font preuve de cette double agilité : fabrication d’une partie des produits dans des pays à bas coûts et réalisation d’une autre partie du travail en France, permettant une adaptation quasi saisonnière aux exigences du marché.

7 Le district industriel est une notion géographique et économique qui concerne un espace socio-productif facilitant la complémentarité des compétences. Il fait référence au contexte du développement de la « Tre Italia » (la « troisième Italie ») à la fin des années 1970, qui s’appuyait sur une myriade de PME dynamiques, exportatrices, en réseaux et en concurrence. Cf. en particulier Arnaldo Bagnasco, Tre Italie : la problematica territoriale dello sviluppo italiano, Il Mulino, 1977 et Giacomo Becattini, « Dal settore industriale al distretto industriale. Alcune considerazioni sull’unità d’indagine dell’economia industriale », Rivista di economia e politica industriale, n° 1, 1979, pp. 7-21.

8 Florent Le Bot, Cédric Perrin, « Mobiliser l’industrie de la chaussure, mobiliser ses territoires », Terrains & travaux, n° 19, 2011, pp. 205-224.

9 Il s’agit de réduire les temps de livraison et surtout de personnaliser les produits à coûts réduits en les simplifiant (moins de composants) et en améliorant leur processus productif (technologie laser de découpe, automatisation accrue, réduction des gaspillages de matière, etc.).

10 Cf. D. Bachet, Les fondements de l’entreprise. Construire une alternative à la domination financière, L’Atelier, 2007.


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