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Des paniers de légumes accessibles à tous

congerdesign/CC
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Pour sortir d’une logique distributive attentatoire à leur dignité, le Secours Catholique - Caritas France incite les personnes en difficulté financière à s’impliquer dans des projets où leurs envies et leurs choix alimentaires comptent. Reportage en Corrèze.

« Au début, nous avons pensé ouvrir une épicerie solidaire », raconte Denise au petit déjeuner, dans le local du Secours Catholique d’Égletons, en Corrèze. « Mais il y avait trop peu de monde dans l’équipe. Cela n’aurait pas été viable. » À Égletons (à peine 4300 habitants), le taux de chômage est supérieur à la moyenne nationale. Nombreux sont ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts. Avec un budget nourriture de 80 euros par mois, Daniel, quinquagénaire au chômage, explique sa situation : « Au début du mois, je faisais mes courses dans une grande surface. Je mangeais les trois premières semaines et la quatrième, j’attendais le début de l’autre mois. » Ce qu’un autre membre résume de manière imagée : « À la fin de mon argent, il restait trop de mois. »

« Qu’est-ce qui vous ferait rêver ? Quel est votre premier besoin ? » Ils ont répondu, d’une seule voix : « Bien manger ! »

L’équipe du Secours Catholique, composée d’une dizaine de membres (à la fois des bénévoles et des personnes en situation de précarité), a été créée à l’automne 2015. Au tout début, des bénévoles ont pensé que l’achat d’un lave-linge répondrait à un besoin. Il s’est avéré que non. Alors quelqu’un a demandé : « Qu’est-ce qui vous ferait rêver ? Quel est votre premier besoin ? » Ils ont répondu, d’une seule voix : « Bien manger ! » En pleine réflexion avec Gwénaëlle, l’animatrice départementale de l’association, et en lien avec Claude, chargé de l’animation du Pôle alimentation et entraide au siège du Secours Catholique à Paris, les membres de l’équipe ont passé en revue les différentes manières d’améliorer leur ordinaire. Des épiceries sociales sont expérimentées avec succès dans plusieurs coins de France, mais ici, la ville étant trop petite, le projet ne pouvait pas marcher. Ayant eu vent d’une expérience de paniers solidaires à Aurillac, dans le département voisin, ils ont décidé de faire le voyage pour voir si cela pouvait être tenté chez eux.

Dans un contexte rural assez comparable au leur, ils ont découvert une équipe ayant opté pour un système de paniers, à mi-chemin entre le groupement d’achats et le panier de légumes paysan. Un système vertueux qui assure un revenu régulier aux petits agriculteurs locaux, souvent en butte, eux aussi, à de réelles difficultés financières. Ouvert tant aux personnes en difficulté qu’aux autres, ce panier solidaire est assorti d’une « charte de l’adhérent » qui précise les obligations de chaque partie : passer au moins deux commandes par mois (pour garantir un minimum d’achats aux producteurs), donner chaque semaine deux heures de son temps au bon déroulement de l’activité, participer aux réunions… En contrepartie, les adhérents choisissent la composition des paniers qui leur sont directement livrés par les producteurs. Quant au prix, il est fonction des revenus.

De retour à Égletons, l’équipe a très vite contacté plusieurs agriculteurs locaux, choisi ceux qui proposaient les produits correspondants à leurs goûts et convenu de tenter l’expérience avec sept d’entre eux. À savoir, un panier solidaire bimensuel composé de volailles, de charcuterie, de laitages, de légumes et de fruits de qualité acheté 50 euros. Les bénéficiaires qui vivent sous le seuil de pauvreté ne paient que 20 % du prix, soit 10 euros par panier. La différence est payée par le Secours Catholique. Pour amortir le coût, l’équipe d’Égletons a accepté, l’été dernier, l’offre de la mairie de gérer la buvette d’une aire de loisirs près d’un lac voisin, dégageant ainsi un bénéfice de 1500 euros. De quoi voir venir. L’expérience a débuté en septembre dernier. Le nombre de bénéficiaires reste encore confidentiel mais l’équipe est ravie d’être sortie des conserves et des restrictions. Daniel, ancien cuistot, remange du lapin, sa viande préférée.

Plus au nord du département, à Ussel (10 000 habitants), la ville a aussi son équipe et son local du Secours Catholique. Marie-France, infirmière à la retraite, en est la responsable depuis neuf ans. Elle jongle avec une foultitude d’activités qui va du microcrédit aux vacances en famille, en passant par l’aide aux migrants et le jardin solidaire. C’est justement là que Marie-France nous conduit. « Quand je rendais visite aux familles que j’aidais à partir en vacances, raconte-t-elle, beaucoup rêvaient d’avoir un carré de jardin. Gwénaëlle, notre animatrice, nous a aidés à façonner le projet. » Le jardin partagé occupe un demi-hectare de terre surplombant la Diège, rivière à laquelle il s’abreuve. Clôturé, il est divisé en quatorze parcelles individuelles de 50 m2 et d’une parcelle commune de 150 m2. À un angle, trois petits bungalows et une serre délimitent un espace de réunion à ciel ouvert. « La mairie a prêté le terrain. Le Rotary Club a financé les cabanons et le matériel », confie Samuel, 40 ans, un robuste père de cinq enfants qui copilote le jardin.

« J’ai un quotidien très compliqué, mais je suis fier du jardin. C’est ma bouffée d’oxygène. Ma fille y a fait ses premiers pas. »

Créé il y a quatre ans, le jardin fonctionne en autonomie. Marie-France ne s’en occupe que quand on fait appel à elle. Les jardiniers sont des retraités ou des personnes en grande difficulté financière, comme Samuel, qui confesse : « J’ai un quotidien très compliqué, mais je suis fier du jardin. C’est ma bouffée d’oxygène. Ma fille y a fait ses premiers pas. » Samok est l’autre pilote du jardin. Lui aussi a cinq enfants et 20 ans de plus que Samuel. « Je cultive de tout. En pleine saison, je viens tous les jours. Quand je ne peux pas, je demande à Samuel de me remplacer. » Au bout de sa parcelle, des roses trémières. Pour la beauté de la fleur ? « Pas seulement, répond-il. On tronçonne les branches et on les fait cuire à la vapeur au-dessus d’un couscous. C’est délicieux et ça a des vertus médicinales. »

Les jardiniers n’achètent plus leurs légumes. Ils les cultivent. De substantielles économies, qui se doublent du plaisir de participer à une activité de plein air, quand la plupart vivent en HLM. Ils cultivent aussi l’hospitalité ! L’an dernier, quand une dizaine de migrants africains sont arrivés au Centre d’accueil et d’orientation d’Ussel, ils leur ont proposé de s’occuper de la parcelle commune. Rencontre de deux mondes. La population, d’abord circonspecte, est tombée sous le charme de ces jeunes, serviables et souriants. En cette fin de journée d’octobre, les jardiniers présents aident deux Soudanais à récolter les derniers topinambours qu’ils ont semés. Aussi sérieusement que des archéologues exhumant un trésor, ils en remplissent deux caisses qu’ils partageront. Comme le dit Samuel : « Ici, on se retrouve, on mange ensemble, on échange nos plants et on partage nos cultures. »

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