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Certaines ONG de solidarité s’appuient sur des chiffres qui choquent pour défendre leur cause auprès des pouvoirs publics. Un chercheur raconte sa quête impossible de chiffres « magiques » au sein d’une association wallonne d’alphabétisation.
En août 2022, je suis recruté pour construire et développer un observatoire de l’analphabétisme en Wallonie (Belgique). Ce poste est financé par la Région Wallonie, dans le cadre du plan de relance. Il est hébergé par Lire et écrire (LEE), une association à but non lucratif qui coordonne les huit associations offrant des cours d’alphabétisation dans la région. C’est le premier opérateur, tant historiquement (LEE Wallonie existe depuis 1994) que quantitativement (il a accueilli 1 941 apprenants en Wallonie en 2022).
Au sein d’un paysage institutionnel et associatif fragmenté, LEE joue un rôle central de plaidoyer sur le droit à l’alphabétisation, voire de coproduction des politiques publiques. Que ce soit en tant qu’opérateur parapublic de formation pour adultes ou en tant que producteur d’expertise militante, le postulat est le même : dans une société centrée sur l’écrit, la non-maîtrise des compétences scripturales entraîne un écart à la norme et donc de l’exclusion sociale.
Lutter contre l’exclusion des non-scripteurs implique d’estimer les « besoins de formation » : c’est l’une des missions qui me sont assignées. La tâche est séduisante : actualiser le chiffre choc de « 1 adulte sur 10 en difficulté de lecture et d’écriture », au centre de la stratégie de plaidoyer de LEE depuis trente ans, mais dont la valeur s’effrite avec le temps.
Cette tâche se heurte toute
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