Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Il y a cinquante ans, en 1972, quatre jeunes chercheurs américains du Massachusetts Institute of Technology (MIT) alertaient pour la première fois sur les risques d’une croissance économique infinie dans un monde aux ressources limitées. Intitulé Les limites à la croissance, leur texte, plus connu sous le nom de rapport Meadows, devient rapidement un ouvrage de référence traduit en trente langues1. Malheureusement, au temps des Trente Glorieuses, ces travaux sont inaudibles : la course après la croissance reste le Graal.
Un demi-siècle plus tard, la situation est paradoxale : notre connaissance de l’urgence écologique est bien établie et la conscience en est de plus en plus large. Toutefois, cela ne se traduit pas en actes à la hauteur des enjeux. La question n’est plus de savoir si nous allons droit dans le mur, mais à quelle vitesse se fera le choc. Après avoir travaillé sur nos responsabilités individuelles et sur les dimensions politiques de l’enjeu écologique, nous considérons les entreprises comme un acteur central. Guidées par des impératifs de profit et de rentabilité, elles produisent et créent de l’activité, mais leur responsabilité est prépondérante dans la crise actuelle. Si elles font partie du problème, comment peuvent-elles prendre part à la solution ? Où en sont-elles ? Comment les faire bouger ?
Ce monde de l’entreprise, certes hétérogène, est sorti du statu quo. Pour aider à y voir plus clair, l’économiste Pierre-Yves Gomez propose en introduction une typologie qui situe les principales postures stratégiques et indique les marges de manœuvre. Pragmatique, ce dossier explore plusieurs exemples : le secteur de l’automobile, les filières de réemploi dans l’électroménager, des entreprises de l’économie sociale et solidaire, ou encore le Fonds pour une transition juste – un dispositif européen visant à accompagner les régions les plus dépendantes à l’industrie lourde.
Nous sommes encore loin d’un alignement des planètes entre consommateurs, salariés, dirigeants et actionnaires. Des résistances demeurent et de nouvelles divergences se font jour. Certains futurs cadres expriment leur désaccord face à une logique purement économique, comme l’analyse le polytechnicien Benoit Halgand à partir du Manifeste étudiant pour un réveil écologique. La militance fait bouger les lignes dans le monde économique, ainsi que le souligne la sociologue Sophie Dubuisson-Quellier. Des pistes existent pour financer les investissements nécessaires à la décarbonation de notre économie, telles que celles proposées par l’Institut Rousseau. En guise de conclusion et d’ouverture, la philosophe Cécile Renouard mobilise trois horizons afin de favoriser des mutations non plus superficielles, mais réellement transformatrices.
Un numéro en partenariat avec le Campus de la transition et le Mouvement chrétien de cadres et dirigeants.