Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Les jeunes, rendus acteurs au niveau culturel et politique, contribuent à faire vivre l’identité de leurs territoires. Le Mouvement rural de jeunesse chrétienne, animé par des 13-30 ans, développe dans ce but les initiatives locales, privilégiant le travail bénévole et l’intergénérationnel.
Quels sont les enjeux liés à la culture pour les jeunes du Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC) ?
Peu importe le territoire où l’on vit, on doit pouvoir accéder à la culture mise en avant dans la société. Cet accès n’est pas toujours facile en monde rural. À la fois parce qu’il y a moins de cinémas, de théâtres, et parce qu’il faut pouvoir se déplacer pour s’y rendre. Donc, au MRJC, la culture passe par la mise en place d’événements culturels, la projection de films, tout ce qui touche aux arts dans nos territoires de vie. Lors de notre congrès de juin, nous avons fait venir une troupe de danseuses contemporaines. Cela correspond à une volonté d’ouvrir nos jeunes, en leur proposant des choses auxquelles ils ne sont pas tous habitués.
Il y a aussi, pour nous, la volonté que la culture ne soit pas seulement entre les mains des professionnels. Que ce qui est fait par des bénévoles, des jeunes, des plus vieux aussi, puisse être reconnu et valorisé. Sur un territoire, des militants du MRJC ont réalisé une émission de télé, ailleurs, c’était des émissions de radio. Mais, malheureusement, quand on met en place des événements culturels sans l’intervention de professionnels, on a du mal à ce qu’ils soient reconnus par les Drac [directions régionales des affaires culturelles].
Et puis les cultures locales, qui s’expriment notamment à travers les foires, les bals de village, la musique traditionnelle, sont très peu valorisées dans notre société. Dans nos rassemblements nationaux, les jeunes d’Occitanie arrivent toujours avec des foulards avec la croix occitane, les Normands, les Bretons et les Savoyards viennent avec leurs drapeaux. Cette valorisation des territoires dans lesquels on vit, avec leurs particularités, est importante dans le mouvement.
Notre principal enjeu est de rendre nos territoires attractifs, de donner envie d’y rester ou de s’y installer. Mais par « attractif », on n’entend pas nécessairement l’attractivité économique, qui est aujourd’hui le seul critère mis en avant. Dans le monde rural, un événement culturel est l’occasion de susciter des rencontres, de la cohésion sociale, de l’intergénérationnalité. Il s’agit d’avoir des territoires vivants, des territoires où il y a de l’échange, où il y a de l’interconnaissance. C’est tout cela qui peut donner envie d’y vivre !
Qui sont vos partenaires au niveau local ?
Nous travaillons avec d’autres associations locales, avec les centres sociaux culturels, qui sont souvent présents en monde rural, les MJC, les maisons de la jeunesse et de la culture. Avec certains cinémas, nous mettons en place des ciné-débats : la qualité des projections n’est pas la même qu’avec notre propre rétroprojecteur ! Nous travaillons aussi avec les médiathèques, les collectivités territoriales…
Et puis les sections locales du MRJC peuvent s’associer à des événements, des festivals organisés par d’autres. Dans le Rhône, les militants participent depuis quelques années au Printemps des poètes. Ils écrivent eux-mêmes des textes, puis vont les lire sur le marché. En Loire-Atlantique, ils se sont associés au festival de musique « La Folle journée », à Nantes, ce qui a permis de délocaliser des concerts dans des espaces ruraux.
Et puis nous développons nos propres lieux de culture, avec les « Fabriques du monde rural ». Il y en a une dans l’Oise, une dans l’Ain, une en Creuse et une en Haute-Saône, dans des villages, des hameaux. L’un des objectifs de ces « fabriques » est d’être un lieu de rencontres et d’échanges, reconnu sur le territoire, et de permettre un accès à la culture en milieu rural.
Y a-t-il une culture associative propre au MRJC ?
Nous sommes une association de jeunes, animée et gérée par des jeunes de 13 à 30 ans. Il y a une culture de l’engagement citoyen qui est très forte dans le mouvement. Nous nous retrouvons dans une équipe de trois à dix personnes, sur un territoire. Ensemble, on se demande : « Qu’est-ce qu’on a envie de faire dans notre commune ou dans notre communauté de communes ? » Souvent, cela nous conduit à rencontrer des élus, des partenaires, la caisse d’allocations familiales… Prendre la parole devant des élus n’est pas simple quand on est jeune. Au début, on est souvent un peu timide.
Des temps de formation politique sont proposés aux militants, sur des sujets précis, liés à des grands enjeux de société. Progressivement, on apprend à développer nos arguments, on gagne en légitimité et en assurance. C’est pour moi tout le principe de l’éducation populaire. On apprend à prendre la parole au sein de notre équipe, devant des partenaires ou des élus. Des jeunes montent en responsabilité au conseil d’administration local du mouvement. Certains auront ensuite un mandat national. Tout cela doit leur permettre de grandir, les encourager à prendre des responsabilités là où ils vivent, de devenir des acteurs ou des actrices de leur territoire. Et le fait que la culture de chacune et de chacun soit reconnue, valorisée, la culture de sa région par exemple, son accent, sa manière de s’exprimer, permet d’être pleinement soi-même, sans devoir nier toute une partie de soi.
Propos recueillis par Aurore Chaillou en juillet 2019, avec l’aide de Dominique Giraudel.