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L’avènement de la société industrielle puis post-industrielle a produit de nouveaux contrastes sociaux. De fait, la pauvreté qui caractérisait la majorité de la population de la société préindustrielle s’est muée en une pauvreté relative. C’est en comparaison avec la consommation des classes moyennes que l’on peut qualifier de « pauvre » la consommation de certains ménages démunis ; y compris lorsqu’ils possèdent un toit, de quoi se nourrir et quelques biens statutaires, tels un écran plat ou un téléphone portable dernier cri.
Au XXe siècle, le Front populaire puis la naissance de l’État providence ont conduit à ce que le travail soit un moyen d’obtenir un revenu stable et d’accéder aux protections collectives. La misère semblait éradiquée. Avec la fin des Trente Glorieuses et la crise économique, la pauvreté a changé de visage. Le mouvement ouvrier s’est affaibli et l’appartenance de classe a de moins en moins structuré les identités. Depuis le début des années 1980 et l’apparition des « nouveaux pauvres », ce sont des membres intégrés de la société de consommation (qui suivaient le mode de vie habituel de consommateurs moyens et d’accédants à la propriété) qui sont les premiers touchés par le chômage. La maison devait être vendue, le couple se fragilisait souvent et les espoirs d’ascension sociale pour les enfants étaient émoussés. Ces nouveaux pauvres ressemblaient à tout le monde. Leur misère était d’autant plus difficile à vivre qu’ils étaient socialisés dans un monde d’abondance, auquel ils avaient d’ailleurs participé tant que leur situation le leur avait permis.
Si les Trente Glorieuses furent des années d’intégration sociale, les trente années suivantes furent celles de la « désaffiliation », pour citer Robert Castel1. Les individus ont été confrontés au dénuement matériel, ainsi qu’à la perte de leur inscription sociale, et ce dans les deux domaines sur lesquels reposait le modèle d’élévation sociale : la famille et le travail. La généralisation du salariat en a fait l’un des piliers des statuts sociaux : le chômage n’a pas seulement provoqué des dégâts matériels, il a aussi remis en cause l’utilité sociale des chômeurs2. L’intégration par le tissu relationnel et familial a également été fragilisée. Sans travail, les hommes perdent leur légitimité en tant que père et époux. Les jeunes exposent l’ethos de la désaffiliation : leur manière d’être est celle de ceux qui se savent « inutiles au monde3».
Les pauvres de la fin du XXe siècle et du début du XXIe ont la particularité de recevoir des aides financières régulières, qui les mettent à l’abri de la pauvreté absolue : le pouvoir d’achat du RMI (instauré en 1988), devenu RSA, dépasse largement celui du revenu d’un prolétaire de 1850. Comment cependant conjuguer l’assistance avec la consommation ? L’assistance implique un usage parcimonieux du don social et des devoirs de modestie de la part du récipiendaire, tandis que la consommation incite à satisfaire des désirs qui ne se justifient pas toujours par leur caractère nécessaire. Mais nombre de biens sont désormais indispensables (réfrigérateur, téléphone, cuisinière, télévision, etc.)4. Plus encore, la participation à la société de consommation forme l’un des fils qui relient les individus à l’ensemble du groupe. En témoigne la mise en place en 1998 d’une prime de Noël pour les allocataires du RMI : le minimum d’insertion n’implique pas seulement d’avoir de quoi survivre, mais également d’être en mesure de faire des cadeaux à ses proches. La consommation serait-elle devenue pour nombre de Français la seule forme d’affiliation subsistante ? Elle offre à la fois un statut social et le réconfort d’échapper, même brièvement, à la contrainte et au manque. Pour autant, la consommation des pauvres est fortement encadrée par les services sociaux, à qui ils doivent rendre des comptes et qui portent des jugements moraux prônant la restriction5.
Jean-François Laé et Numa Murard ont montré les modes d’adaptation à la pénurie de ces pauvres d’un genre nouveau, modes d’adaptation liés aux services sociaux et à la gestion prudentielle des ressources6. Les cycles de consommation correspondent aux rentrées d’argent, bimensuelles : le 30 de chaque mois, les salaires et une partie des allocations, le 15 les allocations familiales. Les femmes qui tiennent les finances hiérarchisent leurs priorités, privilégiant l’alimentation, avec une stratégie de survie organisée. Une part importante du budget consacré à l’alimentation constitue d’ailleurs un indicateur de pauvreté7. Les autres modes d’adaptation à la pénurie consistent à développer une autoconsommation alimentaire8 supérieure à celle des autres groupes sociaux et à très peu s’alimenter en dehors du foyer. On peut y ajouter l’entraide entre voisins, tout comme le recours au crédit auprès de personnes de leur entourage, auprès de commerçants et, plus rarement, auprès d’organismes de crédit qui exigent des revenus salariaux.
Peut-on considérer les pauvres comme un segment de consommateurs ? En 1993, Jean-Noël Kapferer se réjouissait de la multiplication des magasins de hard discount en France : « La distribution française va entrer pour de bon dans l’ère de la segmentation.9» Ces magasins offrent aux ménages modestes une consommation qui ressemble fort à celle des catégories moyennes. Leur essor tendrait à prouver que les pauvres ne possèdent pas de culture de consommation propre, mais partagent celle des classes moyennes, tout en disposant de moyens monétaires inférieurs. L’univers de référence des allocataires de minima sociaux est le même que celui des salariés, que ces références soient transmises dans les cours de récréation ou par la télévision. Les travailleurs sociaux qui prennent en charge les allocataires du RSA cherchent d’ailleurs un équilibre entre les ressources des personnes et les normes sociales de consommation. Un écart trop important peut provoquer un déficit d’intégration : l’absence de voiture, de télévision, de téléphone, de vacances pour les enfants empêche souvent de « participer aux échanges10».
Ceux dont l’absence de travail et la faiblesse des sociabilités (autres que familiales) compromettent la participation à la société peuvent trouver dans la consommation un lien avec le monde extérieur. Les travailleurs sociaux soulignent la difficulté d’existences faites de désirs non satisfaits. « Le pauvre avec une maison, un appartement tout simple, une table et quatre chaises, c’est pas concevable aujourd’hui ! […] Le pauvre, il est aussi dans un système de consommation et on lui demande d’être dans un système de consommation. […] Et après on a un certain nombre de gens qui pensent que les pauvres ça doit se solvabiliser comme tout le monde11», faisait remarquer un cadre de l’action sociale. D’une certaine façon, les exigences en matière de consommation minimale dénient aux pauvres leur statut. Les « barrières à l’entrée » de l’installation sont très élevées, compte tenu de la cherté des loyers et de l’équipement minimal nécessaire. Alors que l’accès à un emploi stable se révèle de plus en plus tardif et délicat pour les jeunes, les garanties financières et de stabilité demandées par un bailleur ou par un banquier se multiplient.
La consommation est une obligation pour la vie matérielle et le maintien d’un semblant d’intégration sociale. Elle offre également un mode de compensation des « frustrations statutaires12» : les pauvres privés de satisfactions dans d’autres sphères compensent leur impossible mobilité sociale par une forte consommation, parfois d’une urgence impérieuse. Dans son travail sur les allocataires du RMI, Serge Paugam montrait que ceux qui consommaient le plus se trouvaient parmi ceux qui, presque définitivement éloignés du travail, avaient maintenu de solides liens sociaux. Le statut perdu de travailleur est remplacé par un fort investissement dans les rôles de parent et de consommateur13.
Les lois sociales ont peu à peu intégré ces éléments dans leur traitement de la pauvreté et une panoplie de mesures ont été adoptées, depuis la fin des années 1980, pour maintenir ce minimum de consommation qui semble désormais considéré comme légitime, voire vital. Ainsi la loi Besson instaure-t-elle en 1990 le Fonds de solidarité logement (FSL) qui donne les moyens d’accéder à un logement et éventuellement prend en charge des impayés de loyers, afin d’éviter l’expulsion. Mais le logement s’accompagne forcément de l’accès à l’énergie, au téléphone et à l’eau. Les factures sont alors souvent réglées par les services sociaux, qui parent au plus pressé, alors que se construisent progressivement des règles fixes. France Télécom propose en 1996 un service universel de téléphone : un abonnement moins cher pour les foyers à bas revenus ou dont un des membres est handicapé. En 1998, la loi contre les exclusions met en place un « fonds d’impayés d’énergie ». Il est destiné à venir en aide aux ménages ayant des difficultés à payer leurs factures d’eau, d’électricité, de chauffage et de téléphone. Cette loi proclame un « droit à l’électricité », un « droit au logement », un « droit à la santé », ainsi qu’un droit à « l’égalité des chances par l’éducation et la culture » : « L’égal accès de tous, tout au long de la vie, à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs constitue un objectif national. Il permet de garantir l’exercice effectif de la citoyenneté.14»
Les pouvoirs publics ont pris acte de la nécessité d’accéder à un certain nombre de biens de consommation. Ils y répondent en proposant de mieux segmenter les offres des services fondamentaux. Pourtant, avec 3 000 watts d’électricité, si un fer à repasser est branché en même temps que le chauffage, l’installation risque de ne pas résister. La limite de la segmentation est de nouveau perceptible : les pauvres se voient offrir les mêmes biens et services que les classes moyennes, ce qui leur permet d’en partager les valeurs ; mais connaissant ces valeurs, ils peuvent évaluer plus cruellement la mauvaise qualité de ce qui leur est proposé.
Les marchands qui commercent avec les pauvres sont facilement accusés de gagner un argent illégitime, en profitant de la misère et des manques de leurs clients. La participation à la société de consommation exige des compétences qui font parfois défaut aux plus pauvres : l’autonomie et la stabilité (en matière de crédit) notamment. Ainsi, pour profiter des produits les moins chers en confrontant les offres convient-il de savoir compter et d’entretenir un rapport serein et légitime aux activités marchandes. La participation au marché exige une forte autonomie dans la gestion de l’argent et dans la consommation. Les plus pauvres font alors en sorte de trouver des points d’appui15 – comme une caissière préférée – ou des techniques de gestion de l’argent rassurantes – telles que l’utilisation d’enveloppes d’argent liquide plutôt que de cartes de paiement qui empêchent la visualisation immédiate des comptes16. La fréquentation d’autres lieux de vente provoque chez eux la crainte d’être floué et de voir leur niveau culturel mis au jour17.
Les marchands qui se spécialisent dans la vente aux plus pauvres, ce segment que les Anglo-Saxons nomment subprime18, ne profitent-ils pas de ces difficultés d’accès ? En échange de relations moins impersonnelles, ils font payer au prix fort leur intermédiation avec le monde marchand, tels ces épiciers profitant de la dépendance de clients à qui ils font crédit pour leur vendre des quarts de beurre pesant cent vingt grammes au lieu de cent vingt-cinq19.
Ce soupçon irrigue les critiques adressées aux organismes de crédit à la consommation : on leur reproche d’être des usuriers modernes, exploitant la misère et la crédulité. Ils rétorquent que leur activité est un formidable instrument d’intégration sociale : le crédit offre à tous la valorisation de soi par l’acquisition de biens durables, qui non seulement élèvent les niveaux de vie mais permettent à une partie de la population d’accéder aux modes de vie dominants dont elle serait sinon exclue20. Les défenseurs de ce commerce avec les pauvres soulignent le pouvoir démocratique de la société de consommation : outre qu’il offre des biens et services en quantité, le marché ne discrimine ni ne méprise. Grâce à la segmentation, chacun peut trouver son bonheur et tous participent à la vie sociale. Ils procèdent même à un retournement du stigmate consistant à souligner la valeur morale de ceux qui acceptent de commercer avec des clients rejetés ailleurs.
En 1996, l’entreprise Crazy George’s implantait un magasin à Bobigny puis au Havre. Elle proposait des modalités de location-vente de biens d’équipement qui alliaient faiblesse des versements hebdomadaires et prix total usuraire : pour 49 francs par semaine pendant trois ans, un consommateur pouvait obtenir une machine à laver, au prix total de 7 176 francs, alors qu’elle lui aurait coûté 3 170 francs au comptant. Le magasin fut d’abord attaqué sous l’angle du respect de la loi : les étiquettes indiquaient uniquement le loyer hebdomadaire sans mention du prix total. Il fut contraint de fermer deux semaines, afin de mettre ses étiquettes en conformité avec la réglementation. Ses détracteurs se concentrèrent alors sur le terrain moral : ces exploiteurs profitaient de la misère et de la naïveté des gens21.
Étudier la consommation des pauvres revient finalement à interroger une forme de participation sociale qui rattache les plus précaires à la communauté. La pauvreté culturelle et politique supposée de cette participation incite plus souvent à la dénoncer qu’à l’analyser, de sorte que peu de travaux la prennent au sérieux comme un véritable objet d’étude. La controverse autour de Crazy George’s souligne ce qui peut paraître choquant et provoquant dans le fait de constituer les pauvres en un segment de consommateurs. La monétarisation de la vie quotidienne les force à recourir au marché, mais ils manquent des armes monétaires et sociales pour y participer. Dans le même temps, la consommation est devenue une norme de participation sociale, au détriment des modèles traditionnels d’adaptation à la pénurie par l’autoconsommation et la privation.
Néanmoins, cette sphère est parfois la seule qui leur offre une participation sociale. Ne risquerait-on pas, sans la consommation, d’arriver à un point où « les gens s’effacent complètement d’une société », comme l’affirmait un travailleur social22? Une approche exclusivement morale tendrait à ne pas prendre au sérieux le besoin de consommation des pauvres, décrits comme des candides, tant face aux pièges des magasins que face aux tentations consuméristes. Pauvres et marché sont considérés comme antithétiques : les pauvres risquent d’être floués et se dessine en creux la figure idéalisée du pauvre au mode de vie chiche mais authentique – nouveau symbole de la résistance à l’uniformisation destructrice des valeurs morales. Les obstacles que le pauvre rencontre dans l’accès aux biens rares seraient en mesure d’engendrer spontanément chez lui des valeurs substituables à celles de la consommation. Cette logique n’était pas sans fondement quand le travail, valorisant force et activité, assurait son statut23; mais le chômage a changé en profondeur cette réalité.
Cet article est une version abrégée et revue par l’auteure de « Les pauvres et la consommation », paru dans la revue « Vingtième siècle. Revue d’histoire », vol. n° 91, 2006, pp. 137-152.
1 Robert Castel, « De l’indigence à l’exclusion, la désaffiliation », dans Jacques Donzelot (dir.), Face à l’exclusion. Le modèle français, Esprit, 1991, pp. 137-168.
2 Paul Lazarsfeld et son équipe l’ont montré à propos des chômeurs de Marienthal : l’identité au travail structure les autres appartenances. Si la mine ferme ses portes, les associations culturelles et sportives disparaissent aussi : sans le travail, les liens sociaux se défont. Paul Lazarsfeld et al., Les chômeurs de Marienthal, Les Éditions de Minuit, 1981.
3 R. Castel, op. cit., p. 164.
4 Paul Dickes, « Ressources financières, bien-être subjectif et conditions d’existence », dans Françoise Bouchayer (dir.), Trajectoires sociales et inégalités. Recherche sur les conditions de vie, Érès, 1994, pp. 179-198.
5 Cyprien Avenel cite une allocataire du RMI parlant de son assistante sociale : « Pour les fêtes de Noël, je n’ai pas pu lui dire la vérité. Parce qu’elle m’aurait dit : “Vous avez des associations caritatives qui donnent des jouets plus ou moins abîmés.” C’est humiliant. Je veux offrir moi-même mes cadeaux à mes enfants. » dans « La relation aux aides sociales “du point de vue” des familles bénéficiaires », Recherches et Prévisions, n° 72, 2003, p. 41.
6 Jean-François Laé, Numa Murard, L’argent des pauvres, Seuil, 1985.
7 En 2005, les ménages en dessous du seuil de pauvreté consacraient 22 % de leur budget à l’alimentation contre 18 % pour l’ensemble de la population. Élise Andrieu et al., « L’alimentation comme dimension spécifique de la pauvreté », Le rapport de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, La documentation française, 2005.
8 L’autoconsommation est la « consommation de produits par leur producteur ». Le petit robert de la langue française, 2006.
9 Jean-Noël Kapferer, « Hard discount : la révolution qui vient d’Allemagne », L’Expansion, 20 décembre 1993.
10 Serge Paugam, La Société française et ses pauvres, Puf, 1993, p. 232.
11 Entretien réalisé par l’auteure.
12 David Caplovitz, The Poor Pay More, The Free Press, 1963.
13 S. Paugam, op. cit., p. 235.
14 Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, Journal officiel, n° 175, 31 juillet 1998, p. 11679.
15 Luc Boltanski et Ève Chiapello ont montré l’importance de l’autonomie dans Le Nouvel Esprit du capitalisme, Gallimard, 1999.
16 À propos des difficultés liées à la monnaie électronique, voir Jan Pahl, Invisible Money. Family finances in the electronic economy, The policy press, 1999.
17 Jean-Michel Servet, « La thune, le flouze, le blé en euro. Analyse socioéconomique des conditions d’une transition monétaire », Journal des anthropologues, n° 90-91 (3), 2002, pp. 231-260. Marie-Louis Bonvinci relate également la préférence des femmes immigrées pour le magasin où l’on se sent à l’aise entre gens qui paient en liquide, plutôt que pour le supermarché moins cher, où il faut « lire les prix, compter sa monnaie », dans Immigrer au féminin, Les Éditions ouvrières, 1992.
18 Subprime s’oppose à prime qui désigne les segments fortunés des consommateurs. Voir par exemple Michael Hudson, « Banking on misery : Citigroup, Wallstreet, and the fleecing of the South », Southern Exposure, vol. 31, n° 2, 2003.
19 Alwine de Vos Van Steenwijk, Comme l’oiseau sur la branche. Histoire des familles dans la grande pauvreté en Normandie, ATD Quart Monde, 1986.
20 Rosa-Maria Gelpi, François Julien-Labruyère, Histoire du crédit à la consommation, La Découverte, 1994, p. 15.
21 Jeanne Llabres, « Spéculer sur la misère est intolérable », entretien avec Bernard Birsinger, maire de Bobigny, L’Humanité, 11 novembre 1996.
22 J. Llabres, op. cit.
23 Florence Weber, Le travail à côté. Étude d’ethnographie ouvrière, INRA/Éditions de l’EHESS, 1989 ; L’honneur des jardiniers. Les potagers dans la France du XXe siècle, Belin, 1998.