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L’Église professe l’option préférentielle pour les pauvres. Mais, arrêtons-nous un instant : où sont les plus fragiles dans nos églises ? Quelle place leur réserve la vie de nos paroisses ? Dans plusieurs diocèses de France, des groupes réunissant des personnes isolées ou en situation de fragilité font une expérience rare et à bien des égards prophétique.
Les groupes de partage « Solidarité quartiers » du diocèse de Cambrai en sont un bel exemple. Depuis 1998, des chrétiens ont réuni autour d’eux des voisins, des amis, des collègues, pour exprimer ce qu’ils attendaient de l’Église. Ils ont ainsi rejoint des personnes en précarité et en marge de l’Église. À ce jour, il existe une trentaine de groupes, liés à des communautés religieuses, au Secours catholique, à la société Saint-Vincent-de-Paul, à la Mission ouvrière locale ou à des paroisses. Une permanente en pastorale assure le lien entre eux. L’orientation diocésaine est claire : « Soutenir et développer les groupes de partage de vie et de foi dans les quartiers, en particulier les quartiers en difficulté. Permettre aux uns et aux autres de pouvoir être écoutés, de pouvoir prendre la parole, d’être reconnus, de s’ouvrir à la foi et de l’approfondir, de retrouver l’espérance. »
Dans un climat de confiance mutuelle, quand on se sent accueilli, écouté, soutenu et non jugé, la parole exprimée relève. Elle remet en mouvement. Les groupes de partage sont vécus par ceux qui y participent comme une « seconde famille », des lieux où l’on peut compter les uns sur les autres, mais, surtout, où l’on compte les uns pour les autres. « Le groupe donne des racines. Discuter de ses difficultés, écouter les galères des autres, cela donne la force de s’en sortir. Le courage des autres nous donne de l’espérance. » Certains groupes se réunissent toutes les semaines et organisent des activités manuelles, d’autres font un partage de vie et d’évangile. Certaines personnes cherchent un approfondissement de leur foi, d’autres se déclarent non croyantes… Chaque groupe a sa vie propre, mais il a conscience, avec les autres, de « faire réseau » et de « faire Église ».
La fraternité se vit dans ces petites communautés, où la parole partagée redonne confiance. Chacun peut y découvrir ou y redécouvrir les richesses qu’il porte en lui. Ce sont, pour des milliers de personnes souvent en marge, des lieux qui permettent de retisser du lien. À l’heure où, à travers la démarche Diaconia, l’Église en France cherche comment permettre aux personnes en situation de fragilité de mieux trouver leur place en son sein, cette dynamique est une belle promesse pour l’avenir.