Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Les conditions sont aujourd’hui réunies pour s’affranchir du produit intérieur brut (PIB), ce fameux indicateur aveugle aux limites de la planète, mais tout-puissant aux yeux des dirigeants. Cette conviction se dégage de la seconde édition du Forum international pour le bien-vivre qui se tenait sur le campus grenoblois en juin dernier.
Trois jours durant, près de 1 000 personnes ont vécu au rythme de tables rondes, ateliers et conférences… Des acteurs politiques, associatifs, économiques et académiques soucieux de penser une autre vision du monde et de partager les leçons que l’on peut tirer de la mise en œuvre de nouveaux indicateurs de richesse.
« Les indicateurs sont des boussoles nécessaires pour orienter nos actions et nos politiques vers le bien-vivre pour tous et pour la planète. Ils ne peuvent être le seul fondement du projet de société, mais ils peuvent contribuer à le dessiner. Outils d’information et de pilotage, ils façonnent le réel et structurent notre vision du monde en nous montrant la direction à regarder », souligne le manifeste du 1er juillet 20221.
Le champ des indicateurs de richesse n’est pas une planète de doux rêveurs. La Revue Projet propose dans ce dossier de revenir plus spécialement sur deux expériences : les Indicateurs de bien-être soutenable territorialisés (Ibest) sur le territoire de la Métropole grenobloise, et le Donut à l’échelle de la région Bruxelles-capitale. Élaboré par l’économiste britannique Kate Raworth, ce modèle du Donut était déjà exploré dans la première édition du Forum de 2018 ; quatre ans plus tard, une cinquantaine de municipalités européennes sont engagées dans cette dynamique !
Cet indicateur aux vertus pédagogiques remplace la croissance du PIB par un autre objectif : stabiliser l’activité économique entre deux « frontières », celle des besoins humains de base comme « plancher » et celle de la préservation de l’environnement comme « plafond ». Une manière d’allier les enjeux de justice sociale aux enjeux environnementaux.
La question des indicateurs, certes ambitieuse et parfois technique, ne conduit pas seulement à repenser l’économie, mais à sortir du dualisme humain/non humain. Deux auteurs nous encouragent à imaginer la nature comme sujet de droit : Alberto Acosta, économiste équatorien et l’un des premiers théoriciens du « buen vivir », puis l’urbaniste Pascal Ferren, qui revient sur l’expérience inédite du Parlement de Loire.
La prise en compte du vivant ne peut plus se limiter à l’espèce humaine. Si le contrat social de Jean-Jacques Rousseau se fait exclusivement d’homme à homme, le contrat naturel du philosophe Michel Serres appelle à une nouvelle coexistence entre les humains et les autres vivants pour réapprendre à habiter la Terre. Construire des indicateurs, ce n’est pas seulement choisir des outils de mesure et de pilotage ; c’est fondamentalement un choix de société.
2002
Le rapport officiel « Reconsidérer la richesse », commandé par le Secrétariat d’État à l’économie solidaire et écrit par Patrick Viveret, est publié.
2008
Le Forum pour d’autres indicateurs de richesse (Fair), coprésidé par Célina Whitaker, voit le jour à Grenoble.
2012
Le « réseau Richesses » est créé à Grenoble à l’initiative de bénévoles du CCFD-Terre solidaire. Ce réseau assure une veille des nouveaux indicateurs de richesses et œuvre à les rendre accessibles à un large public.
2015
Le Center for Bhutan Studies invite le réseau Richesses à participer à la 6e conférence internationale sur le bonheur national brut (BNB).
2018
Le premier Forum international pour le bien-vivre, « Richesse(s), bonheur : quels indicateurs pour inventer demain ? », est organisé à Grenoble. Il est porté par des organisations de la société civile, des collectivités locales et des chercheurs.
2020
Le site ressource « Cap bien-vivre » est créé.
www.capbienvivre.org
2022
Le second Forum international pour le bien-vivre, « Tenir ensemble le cap d’une société juste et soutenable », est organisé à Grenoble. Le « manifeste du bien-vivre » est publié et ouvert pour signature.
1 Le manifeste « Prendre le cap du bien-vivre : compter ce qui compte » a été proposé à signature lors de la clôture du deuxième Forum international pour le bien-vivre.