Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Multiples sont les visages de l’inégalité. Ainsi l’espérance de vie est de 50 ans en Sierra Leone contre 82 ans en France. Si l’on s’en tient aux inégalités monétaires :
De très grandes disparités persistent entre pays, si l’on s’attache au Pib moyen par habitant en 2015 : de 270 $ environ au Burundi à 100 000 $ au Luxembourg (en dollars US courants) ; de 600 $ pour un Centrafricain à 140 000 $ pour un Qatari, si l’on tient compte du coût de la vie en parité de pouvoir d'achat (PPA). En tendance, les inégalités entre pays ont augmenté jusqu’en 1990, avant de décroître. D’où un tableau contrasté : un habitant des États-Unis était, en moyenne, 33 fois plus riche qu’un Chinois en 1960 ; il l’est 7 fois plus en 2015 (en dollars courants). Mais aujourd’hui, il est 40 fois plus riche qu’un Ghanéen, contre 16 fois en 1960. Entre 1990 et 2015, le revenu moyen d’un Chinois (en PPA) a été multiplié par 14, celui d’un Ghanéen a triplé et celui d’un Américain a un peu plus que doublé.
L’indice de Gini attribue 0 si tous les individus disposent du même revenu, 1 si un seul individu détient la totalité du revenu disponible. En 2012, il est à 0,26 en Suède et en République tchèque, contre 0,67 en Afrique du Sud… En moyenne mondiale, les indices de Gini ont augmenté de 3 points au cours des 25 dernières années, avec une hausse marquée en Chine et en Inde, mais un recul au Brésil. Depuis 10 ans, le Gini avoisine 0,3 en France, contre 0,4 aux États-Unis.
Si le monde était un pays, on trouverait dans le dernier décile (10 % les plus riches), près de 70 % des Allemands et des Américains, 60 % des Français, 10 % des Russes et des Sud-Africains, 5 % des Brésiliens, 1 % des Chinois… C’est à cette échelle que les inégalités sont les plus fortes (l’indice de Gini du monde avoisine les 0,7 depuis 20 ans). Comme l’a souligné Thomas Piketty, elles sont plus frappantes encore en termes de patrimoine : entre 1987 et 2013, les plus hauts patrimoines ont progressé à un rythme autour de 6 % par an dans le monde, contre à peine 2 % pour le patrimoine moyen. La situation est telle que, selon Oxfam, en 2016, 8 personnes détiennent un patrimoine cumulé équivalent à celui de la moitié de la population mondiale la plus pauvre (contre 388 milliardaires en 2010, et 62 en 2015)1.
Entre 2003 et 2014, le niveau de vie moyen des 10 % les plus pauvres est passé d’environ 690 € à 660 €/mois, pendant que celui des 10 % les plus riches passait de 4400 € à 4700 € (avec un pic à 5100 € en 2011). En 2015, 8,8 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté (fixé à 60 % du revenu médian), un taux comparable à celui de 1970. Les 10 % les plus riches détiennent 46,6 % du patrimoine national en 2015 (contre 46 % en 2003 et 48 % en 2010) et le patrimoine des 10 % des ménages les moins dotés a diminué de 30 % entre 2010 et 2015.
Encadré réalisé par la rédaction.Sources : Banque mondiale, Branko Milanovic2, Thomas Piketty, Insee, Observatoire des inégalités.
1 Objets d’un légitime débat méthodologique, ces chiffres n’en sont pas moins, pour l’économiste Jean Gadrey, « défendables et honnêtes : ils sont transparents sur la méthode s’appuient sur les meilleures sources disponibles à ce jour ».
«Sur la richesse des 1 % : les chiffres d’Oxfam sont-ils bidon ? », à lire sur le blog de Jean Gadrey, 21 janvier 2015
2 « Trends in global income inequality and their political implications», conférence à la Stockholm School of Economics, septembre 2014.
Branko Milanovic , «Global Income Inequality in Numbers : in History and Now», Global Policy, Volume 4, mai 2013.