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Les résultats des élections régionales de décembre 2015 ont vu le Front national (FN) obtenir au premier tour près de 30 % des suffrages exprimés et décrocher la première place dans six des 13 régions en jeu. Il a certes échoué dans sa conquête d’exécutifs régionaux, mais des sondages répétés installent semaine après semaine la quasi-certitude d’une qualification de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017. Depuis la vague boulangiste de la seconde moitié des années 1880, qui marque son émergence, c’est la première fois que cette famille politique – communément dénommée « l’extrême droite » mais qu’il serait plus logique, à l’échelle de l’histoire politique de la France contemporaine, de qualifier de « droite(s) nationaliste(s) » – est dans une situation électorale et politique aussi favorable, nonobstant plusieurs percées électorales remarquées, à l’instar du phénomène poujadiste, révélation des élections législatives du 2 janvier 1956. Au-delà du score réalisé par les listes du papetier de Saint-Céré, l’histoire en a retenu l’élection, pour la première fois, de Jean-Marie Le Pen à l’Assemblée nationale. Mais le poujadisme fut un feu de paille balayé par ses divisions et l’avènement de la Cinquième République en 1958. Une Cinquième République où, un quart de siècle durant, « l’extrême droite » occupa une position marginale (si on excepte les 5,2 % obtenus par Jean-Louis Tixier-Vignancour à la présidentielle de décembre 1965). Ainsi, de sa fondation en 1972 aux européennes de 1984, où il réalisa sa première percée nationale (10,95 %), le FN végéta à moins de 1 % des suffrages. Trente ans plus tard, cette formation a réussi à devenir non seulement une formation politique incontournable du jeu politique et médiatique, mais à transformer en profondeur le système partisan, puisqu’il est de plus en plus convenu de parler de « tripartisme ». Un « tripartisme » bien différent de son modèle original, cette coalition qui, de la Libération aux débuts de la Quatrième République, réunit dans une même majorité parlementaire et gouvernementale des démocrates chrétiens du Mouvement républicain populaire, des socialistes et des communistes. La configuration de 2016 est bien différente puisque ni les Républicains ni les socialistes et leurs alliés n’entendent gouverner avec le FN.
La montée en puissance du FN est un des marqueurs majeurs de l’histoire politique française de la fin du XXe siècle et du début du XXIe. Elle invite à une tentative de questionnement historique pour tenter d’en saisir les raisons et la signification à l’échelle de l’évolution politique de la France, mais sans doute aussi de l’Europe, car ce qu’il est convenu d’appeler parfois sommairement les poussées « populistes » s’observe aussi à cette échelle, comme l’a montré le score obtenu par le candidat du Freiheitliche Partei Österrreichs (FPÖ) au second tour de l’élection présidentielle autrichienne (49,7 % des voix) le 22 mai dernier. Une élection d’ailleurs invalidée depuis et qui doit être recommencée à l’automne.
Pour être mieux comprise, la poussée de « l’extrême droite » doit être analysée selon différents angles et à différentes échelles. Deux seront proposés ici. En premier lieu, un questionnement sur la pertinence d’un parallèle entre la situation française actuelle, marquée par le poids du FN, et la situation de « l’extrême droite » dans la France des années 1930. Dans un second temps, il importe de réfléchir sur le caractère européen du phénomène, un phénomène délicat à interpréter mais que renseigne tout de même un regard rétrospectif sur une histoire transnationale de l’extrême droite en Europe sur plus d’un siècle, où la référence française a joué, à certains moments, un rôle important.
C’est presque un lieu commun aujourd’hui, tant du point de vue médiatique que politique, de comparer la France de 2016 à celle des années 1930. La mise en regard renvoie à l’image très dépréciée qu’a l’avant-guerre dans la mémoire collective (Front populaire excepté pour la gauche) et à l’association faite entre ces temps forts que seraient ces deux moments pour les « droites nationalistes ». Si on y ajoute la référence au fascisme, la boucle se referme et les années 2010 peuvent être présentées comme un retour des années 1930. Mais le parallèle, pour commode et instrumental qu’il puisse être, est dénué de fondement historique sérieux. D’abord, parce que la crise actuelle (faut-il d’ailleurs se contenter d’une telle dénomination sachant que la dégradation de la situation économique remonte aux années 1970) est bien différente de celle des années 1930. La crise des années 1930 en France était polymorphe, touchant à la fois l’économie, les institutions (le parlementarisme était jugé par beaucoup à bout de souffle et justifiait pour ses détracteurs une réforme de l’État impliquant un renforcement de l’exécutif) et la politique étrangère, marquée par la perspective d’une menace de guerre européenne et par un fort pacifisme de l’opinion et des décideurs, dont le symbole, devenu un syndrome, est les accords de Munich (30 septembre 1938). Aujourd’hui, la situation est bien différente, même si des convergences sont repérables. On ne niera pas que la crise française actuelle soit aussi une crise institutionnelle, économique ou diplomatique. Cependant, si le pouvoir exécutif est peut-être plus affaibli encore que ne l’étaient les gouvernements de la Troisième République, la Cinquième République et ses institutions le protègent. Au plan économique, la crise actuelle (et son chômage de masse) est sans doute plus profonde en France que celle des années 1930. Enfin, si la menace d’une guerre intra-européenne est écartée, l’époque actuelle est marquée par des inquiétudes sur la politique étrangère à suivre, qu’il s’agisse des rapports avec le Moyen-Orient ou l’Afrique, des relations transatlantiques et, bien sûr, de la politique européenne qui peine à s’autonomiser et à trouver sa place entre enjeux intérieurs et extérieurs. Une seconde série de convergences renvoie cependant à des enjeux de définition et de perspective qui imprégnaient un des essais les plus emblématiques du temps, Pleins pouvoirs de Jean Giraudoux (Gallimard, 1939) : qu’est-ce que la France ? Est-ce un projet dépassé à l’heure de l’Europe et a-t-elle encore vocation à la puissance ? Que signifie sa mission ? Qu’est-ce qu’être Français ? Une dernière série, enfin, renvoie à la difficulté – pour ne pas dire l’incapacité – des responsables politiques d’alors comme d’aujourd’hui à opérer des choix clairs et à s’y tenir. En 2016 comme dans les années 1930, un point commun essentiel de la « crise » est qu’elle est une crise de la décision politique.
Les responsables politiques d’alors comme ceux d’aujourd’hui ont du mal à opérer des choix clairs et à s’y tenir.
Cependant, rapporté aux droites radicales, le parallèle trouve rapidement ses limites. Certes, on ne peut que constater, dans ces périodes marquées par les scandales et par un réel désarroi, l’impact de leurs discours et leur aptitude à irriguer le débat public. La conséquence est que les acteurs individuels ou collectifs (politiques, associatifs et syndicaux, intellectuels) se positionnent par rapport à eux. « L’extrême droite » occuperait donc une place centrale dans la vie du pays. Ceci dit, les modalités de son occupation de l’espace public sont bien différentes. Durant les années 1930, et ce jusqu’à l’interdiction des ligues par le Front populaire en 1936, les droites nationalistes ne représentent pas une force partisane et électorale conséquente. Leur force tient à leur aptitude à mobiliser des militants, notamment dans la rue et à l’occasion de manifestations qui ont pu, le 6 février 1934, se transformer en émeute sanglante (15 morts, essentiellement des ligueurs). La deuxième force des « droites nationalistes » tient à leur presse et aux mobilisations intellectuelles qu’elles peuvent organiser. L’Action française de Charles Maurras joue à cet égard un rôle de premier plan, réussissant à articuler propagande écrite et mobilisation dans la rue, avec ses étudiants et ses « camelots du roi ». « L’extrême droite » peut alors s’appuyer sur des quotidiens (Le Jour) et, surtout, sur des hebdomadaires en vue (Gringoire, Candide, Je suis partout) qui proposent des signatures prestigieuses et influentes.
La comparaison avec la situation du FN en 2016 est saisissante. Cette formation politique n’est appuyée aujourd’hui par aucun grand média national (quotidien, hebdomadaire, chaîne de télévision etc.), ce qui tranche singulièrement avec l’influence culturelle et politique des droites radicales françaises durant les années 1930. Le FN utilise de moins en moins (ainsi qu’en témoigne la dernière fête de Jeanne d’Arc) le recours à la rue. À l’inverse, il a réussi à mettre sur pied ce qu’aucun de ses devanciers (ligue ou parti) n’était parvenu à construire : une organisation politique hégémonique dans ce segment de l’opinion, qui jusqu’alors se caractérisait, au plan organisationnel, par une forte propension à la dispersion et des querelles de chapelles récurrentes. Conformément à toute l’histoire de « l’extrême droite » française contemporaine, les débuts du FN, durant les années 1970, ont été marqués par son opposition avec le Parti des forces nouvelles (PFN), mais ensuite, l’organisation a pu surmonter des crises intérieures sérieuses, en particulier à l’occasion de la scission de Bruno Mégret (1998-1999). Pour la première fois de leur histoire, les « droites nationalistes » françaises se sont dotées d’un parti politique conforme aux exigences du genre, qui se caractérise par son aptitude à engranger des résultats électoraux impressionnants et qui aspire ouvertement, sous l’égide de Marine Le Pen, à exercer un jour le pouvoir.
Pour la première fois de leur histoire, les « droites nationalistes » françaises se sont dotées d’un parti politique apte à engranger des résultats électoraux impressionnants et qui aspire à exercer un jour le pouvoir.
Il reste à interpréter ce qui peut être considéré comme un véritable tournant stratégique et qui a pu faire penser au choix qui fut celui de Gianfranco Fini en Italie lorsqu’il a transformé le Mouvement social italien (MSI, formation néofasciste) en Alliance nationale et opéré, à titre personnel, un véritable recentrage. Nous n’en sommes nullement là avec le FN « mariniste ». Pour autant, si le parti a gardé de son héritage un discours et un positionnement antisystème, il a entrepris, tout en continuant de le dénoncer, de vouloir s’y intégrer pour le transformer. Un pari que de très nombreux électeurs soutiennent, comme le montrent les scores de seconds tours. Mais un pari qui n’a pas encore été atteint, le FN continuant d’inquiéter une majorité de l’opinion qui n’a pas choisi de confier à ses candidates et candidats la gestion ne serait-ce que d’une région. Le sens du vote FN a en effet considérablement évolué depuis les années 1980. Il n’est pas seulement à considérer comme un vote de protestation ou d’adhésion : c’est aussi un choix qui peut permettre à cette force politique d’accéder à l’exercice du pouvoir, situation tout à fait inédite dans l’histoire politique contemporaine de la France.
Si une lecture franco-française de la poussée du FN est indispensable à l’intelligence de son ascension, cette dernière peut être aussi rattachée à un processus plus large qui touche l’ensemble des pays membres de l’Union européenne. En effet, depuis les élections au Parlement européen de 1984, marquées non seulement par le premier succès notable du FN mais aussi par la constitution d’un groupe parlementaire avec les Italiens du MSI et le représentant grec de l’Union politique nationale, une poussée à droite s’est opérée en Europe, concurrençant dangereusement les partis de gouvernement. Cette poussée pose malgré tout question si on rappelle qu’après les élections européennes de 2014, le FN a eu les pires difficultés à mettre sur pied un groupe parlementaire dans l’enceinte européenne, groupe qui aurait été en mesure de peser face aux deux grands blocs incarnant les forces de gouvernement, à savoir les libéraux et conservateurs Parti populaire européen (PPE) et les socio-démocrates. Il a fallu au FN plus d’un an pour faire naître, en juin 2015, le groupe « Europe des nations et des libertés » composé de 38 élus issus principalement de son parti, mais aussi d’Autriche (FPÖ), de Belgique (Vlaams Belang, « Intérêt flamand »), d’Italie (Ligue du Nord) et des Pays-Bas (Partij voor de Vrijheid), auxquels il faut rajouter des élus anglais ou polonais.
De cette énumération, trois enseignements se dégagent. Le premier est que ce groupe n’inclut pas les formations les plus radicales du Parlement et, en particulier, les Grecs d’Aube dorée ou les Hongrois de Jobbik. Mais le groupe piloté par le FN n’est pas non plus parvenu à fédérer autour de lui l’ensemble des eurosceptiques, puisque les Anglais de l’UKIP (UK Independence Party) se sont soigneusement tenus à distance. Une seconde question essentielle est donc posée qui concerne les thématiques fédératrices qui peuvent unir un tel groupe. On mentionnera bien sûr un rejet partagé des formations pilotant l’Union européenne, dans une forme de transposition à l’échelle européenne d’enjeux intérieurs : l’alternance bipartisane libéraux-conservateurs/socio-démocrates est jugée avoir fait son temps. Les enjeux migratoires sont un second point de ralliement, nourri à l’évidence par la menace du terrorisme islamiste. Pour le reste, on peut s’interroger : quoi de commun au plan de la relation à l’État-nation entre une formation ouvertement séparatiste comme le Vlaams Belang et le FN ?
On peut aller plus loin en revenant sur l’histoire des droites radicales envisagée sur la longue durée à l’échelle européenne. L’idée d’une « internationale noire » ou d’un « orchestre noir » relève du fantasme : malgré diverses tentatives, rien de sérieux ni de durable n’a été construit en cette matière, des tentatives fascistes des années 1930 à Montreux au Mouvement social européen lancé par le beau-frère de Robert Brasillach au début des années 1950. On ne saurait conclure pour autant à l’absence de relations transnationales entre nombre de groupements et de publications de différents pays européens. Ainsi, les droites nationalistes françaises ont entretenu, des décennies durant, des relations suivies avec leurs homologues wallonnes, avec des partenaires latins, de la Roumanie (durant l’entre-deux-guerres) à la péninsule ibérique et bien sûr à l’Italie (depuis la fin du XIXe siècle). L’alliance de 1984 entre le FN et le MSI s’inscrit dans le prolongement direct de ces relations, jalonnées par le culte de la latinité, des convergences de vues économiques et sociales – défense du corporatisme –, dans un ciment anticommuniste arrimé à la notion de « défense de l’Occident » qui a pu mobiliser à l’heure des guerres coloniales (de l’Algérie à l’Angola en passant par le Congo) et, enfin, avec des variantes selon les groupements considérés, dans une défense des « réprouvés » du second conflit mondial. L’effondrement des dictatures espagnole (Franco) et portugaise (Caetano, successeur de Salazar) au début des années 1970 et, surtout, la chute du Mur de Berlin et l’élargissement de l’Union européenne, au tournant des années 1990, ont bouleversé ces cadres originels. On pourrait même dire que le FN de Jean-Marie Le Pen est resté une sorte de dernier des Mohicans de cette mémoire beaucoup moins à l’ordre du jour dans le FN mariniste. Ajoutons que ces références partagées des décennies durant dans l’aire latine (de l’Europe aux Amériques) sont largement étrangères aux groupements avec lesquels le FN cohabite dorénavant sur la scène européenne. Dans de telles conditions, s’il est nécessaire de prendre la mesure, chiffres à l’appui, de la poussée de formations d’« extrême droite » en Europe, il faut se garder de vouloir l’analyser avec un regard rétrospectif (en y voyant une redite des années 1930) ou en succombant à la tentation de l’amalgame. En comparant les programmes de ces formations, déjà anciennes ou émergentes (Alternative pour l’Allemagne, AfD), on observe, certes, un certain nombre de rejets partagés. Il existe donc des potentialités pour faire de cette poussée radicale un phénomène transnational. Au demeurant, l’accent mis par ces partis ou groupements sur le fait national (qu’il relève ou non de l’État-nation) empêche, pour l’heure, faute d’un élément réellement fédérateur, l’émergence de véritables transversalités. Ce constat permet aussi de comprendre pourquoi les facteurs explicatifs de ces progressions renvoient principalement, sous la plume des spécialistes, à des explications à caractère endogène, mettant en jeu la singularité des histoires nationales considérées.
Des facteurs communs permettent de comprendre la poussée de l’« extrême droite » en Europe. On songe aux facteurs économiques et sociaux liés à la crise économique et à l’existence d’un chômage massif. Mais la corrélation n’est pas automatique.
Des facteurs communs permettent de comprendre la poussée de l’« extrême droite » en Europe. On songe, bien entendu, aux facteurs économiques et sociaux liés à la crise économique et à l’existence d’un chômage massif. Mais la corrélation n’est pas automatique : l’Espagne, plus touchée encore sur ce plan que la France, n’a pas connu cette poussée électorale, alors que d’autres pays, moins atteints (Allemagne, Autriche, Suisse) voient l’« extrême droite » enregistrer des scores en progression ou, comme en Autriche, se trouver aux portes du pouvoir. Le facteur transnational le plus marquant tient sans doute à la conjugaison de trois questions qui sont autant d’enjeux européens : le phénomène des migrants, la présence croissante de musulmans dans les sociétés européennes associée à la place qu’il convient d’y faire à l’islam et, enfin, une menace terroriste islamiste de haute intensité. Ces questions peuvent être déclinées de multiples façons mais, pour les forces d’« extrême droite » européennes, elles se cristallisent autour d’un thème fondamental et fédérateur, celui d’une identité menacée que les gouvernements nationaux et, plus encore, l’Union européenne seraient incapables de défendre. Ils en seraient même, du fait des présupposés multiculturalistes des élites, les premiers adversaires. Un double front, extérieur comme intérieur, est donc désigné et combattu. Ce diagnostic trouve un écho profond dans les sociétés européennes, prises dans leur diversité. Mais cet écho est d’autant plus visible que le constat dénoncé s’est accompagné d’une offre partisane dont le résultat est un bouleversement profond de la géographie électorale traditionnelle.
La poussée contemporaine de « l’extrême droite » invite à prendre conscience que l’histoire n’est jamais finie. Ce que Maurras traduisait en soulignant que « tout désespoir en politique est une sottise absolue ». Mais si l’histoire n’est jamais finie, comme certains l’ont cru naïvement après la chute du communisme à l’Est, on ne saurait se contenter, par commodité, de voir en elle une forme de recommencement en voulant, par exemple, amalgamer la crise des années 1930 à celle d’aujourd’hui (ce qui ne signifie pas qu’une comparaison rigoureuse soit inutile). S’il est peu opératoire, pour comprendre ce qui se joue aujourd’hui, d’en appeler à la menace d’un retour des fascismes, il est sans doute plus instructif de s’interroger, en même temps que sur la poussée de « l’extrême droite », sur la montée en puissance qui s’observe à gauche (et même au gouvernement) de forces politiques dénonçant les partis de gouvernement, qu’il s’agisse, en Grèce, de Syriza qui a évincé l’ancien parti socialiste (le Pasok), de Podemos en Espagne ou encore du Mouvement cinq étoiles de Beppe Grillo en Italie. On pourrait ironiser sur le parallèle entre la dénonciation opérée par Podemos entre le « PP-PSOE » (Parti populaire/Parti socialiste) et « l’UMP-S » longtemps chère à Marine Le Pen, voire avec le sarkho-hollandisme dénoncé par Arnaud Montebourg et gloser sur les deux visages du populisme. Mais les différences idéologiques sont aisément repérables : ce qui structure la rhétorique des « extrêmes droites », à savoir la question identitaire, n’a pas sa place chez ceux que d’aucuns appellent les « populistes » de gauche. Ceux-ci, en effet, combattent durement les discours dénonçant l’immigration associée à la menace islamiste et mettent principalement l’accent sur les méfaits du « néolibéralisme » associé à l’Union européenne. Mais voici, et c’est une des forces aujourd’hui du discours du FN, que ce dernier prétend faire sienne la dénonciation virulente du système économique et social et de ses inégalités, ce qui lui permet d’élargir substantiellement son offre politique. Quoi qu’il en soit, la poussée de toutes ces forces politiques et, d’abord, celle de l’« extrême droite », est sans doute un des signes majeurs de l’épuisement de modèles intérieurs confrontés à la « globalisation » et à la fin d’un cycle incarné par une forme de construction européenne et de fonctionnement de ses institutions.