Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
La périphérie dans laquelle les cités sont condamnées à vivre n’est pas que géographique. Elle est aussi celle de leurs droits pour les habitants, quand ils n’ont pas la capacité de les exercer.
Après les émeutes de 2005, le gouvernement a nommé dans plusieurs départements des préfets « à l’égalité des chances », remplaçant les anciens sous-préfets à la ville. Mais des « chances », la capacité redonnée à chacun d’utiliser ses atouts pour accéder comme d’autres à la formation, à l’emploi, au logement, seront-elles le fruit d’un meilleur accompagnement individuel ou le résultat aussi de transformations des institutions ?
L’école et l’entreprise sont des lieux de discrimination (le logement social aussi : cf Projet n°294). Les jeunes des cités doivent plus que d’autres « faire leurs preuves » et ils ont le sentiment d’être enfoncés, dans l’absence de règles claires et de valeurs partagées : quand les stages et les CDD ne conduisent pas à l’emploi, quand les jugements des enseignants ne respectent pas leur itinéraires, leurs efforts, quand des standards extérieurs sont imposés sans être explicités, quand on est renvoyé à des images dans lesquelles on est enfermé. Lutter contre les discriminations vécues dans les banlieues suppose d’agir contre celles venues du cumul des difficultés. Cela passe par l’ouverture des jeunes à d’autres réseaux que ceux de leurs îlots, des tutorats, l’accès à d’autres écoles… Mais c’est aussi agir sur des discriminations structurelles, à l’embauche, dans l’orientation, à la fin d’un contrat. Les cités vivent ces épreuves comme des injustices et non comme les étapes communes à tout itinéraire.
Et quand les lieux collectifs qui aident à comprendre les règles du jeu et à peser sur elles – la ville, les groupes de parole, les syndicats – sont dévalorisés, ne reste comme expression collective que la révolte.