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Dossier : Ce que l’écologie fait à la politique

Dans les rouages des COP

L’accord de Paris, adopté lors de la COP21 en 2015, est le premier traité international visant à lutter contre le réchauffement climatique.  
© Arnaud  Bouissou
L’accord de Paris, adopté lors de la COP21 en 2015, est le premier traité international visant à lutter contre le réchauffement climatique. © Arnaud Bouissou

Les mobilisations citoyennes en faveur du climat doivent se conjuguer aux négociations avec les politiques dominantes. Exemple avec le débat sur les marchés carbone.


Les Conférences des parties sur le climat (COP) sont souvent vues comme des espaces où les États et leurs représentants rivalisent de grandes déclarations sans que celles-ci soient suffisamment suivies d’actions concrètes. Aussi, nombre d’acteurs de la société civile, découragés, refusent d’y perdre plus de temps. Pourtant, le multilatéralisme sur le climat est bien structuré et organisé, contrairement à d’autres domaines, comme l’économie ou la biodiversité. Il reconnaît la représentation des divers intérêts.

Le CCFD-Terre solidaire a fait le choix de s’y investir, convaincu de la complémentarité entre une présence ad intra et au dehors de ces lieux de négociations. S’il ne faut pas tout attendre des négociations intergouvernementales – une mobilisation des opinions publiques et des réseaux militants reste indispensable –, il est essentiel de ne pas laisser des intérêts privés accaparer davantage les espaces onusiens. De nombreux arbitrages se jouent lors de ces rencontres, qui appellent une représentation et une participation de tous les pays et de toutes les parties prenantes.

Le CCFD-Terre solidaire entend influencer les négociations relatives aux « marchés carbone ».

À l’occasion de la COP26 prévue à Glasgow (Écosse) en novembre 2021, le CCFD-Terre solidaire entend, au nom de la justice climatique, influencer les négociations relatives aux « marchés carbone », qui permettent d’échanger des droits d’émission de CO2 de la même manière que des titres financiers.

Plus précisément, l’organisation compte peser dans les discussions autour de l’article 6 de l’accord de Paris, qui entérine un système d’échange des droits d’émission de gaz à effet de serre. De nombreux marchés carbone reposent sur des logiques de compensation : cela signifie qu’au lieu de réduire les émissions dans un domaine donné, il y a achat de crédits à travers la réduction des émissions d’un autre secteur. La séquestration du carbone dans les forêts ou les sols agricoles est un outil pour compenser.

Vigie des ONG

Faire des marchés carbone un levier majeur des politiques de lutte contre les dérèglements climatiques présente deux grands risques. Le premier concerne les objectifs. Se focaliser sur la compensation des émissions de CO2 (notamment par la séquestration du carbone dans les sols) relègue au second plan l’atténuation drastique et impérative de celles-ci.

L’autre risque porte sur les droits humains. Face à l’épuisement des ressources, les terres suscitent déjà la convoitise en tant que « puits de carbone ». Considérer les sols comme tels augmentera la financiarisation des terres et leur accaparement, au détriment des peuples qui y vivent et s’en nourrissent. Aussi l’objectif du CCFD-Terre solidaire est-il de faire en sorte que le secteur des terres soit sorti de l’article 6 et que toute politique climatique visant ce secteur se base sur des approches non marchandes.

La séquestration du carbone dans les sols est réversible et non-permanente. 

La « séquestration du carbone » dans les sols correspond à la capacité de ces derniers à absorber et stocker du CO2 de l’atmosphère. On parle de « puits de carbone » naturels ou « d’émissions négatives » pour les sols. Ce phénomène biologique naturel est bénéfique dans la mesure où la richesse en carbone d’un sol est associée à sa fertilité, à condition d’être obtenue par de bonnes pratiques. Cependant, rien ne prouve que la séquestration induise un stockage sur le long terme : elle est réversible et non-permanente.

Or nombre d’initiatives et de politiques actuelles de lutte contre les dérèglements climatiques y recourent dans une simple logique de compensation. Ainsi, le carbone séquestré dans les sols et les arbres est utilisé pour contrebalancer des émissions de gaz à effet de serre. L’exemple le plus médiatisé est celui de la plantation d’arbres. Cette pratique apparaît souvent comme réparatrice des émissions d’un vol en avion. Or elle présuppose que les arbres séquestrant le carbone ne brûleront pas ou ne se décomposeront jamais, et que ni l’évolution des pratiques ni aucun événement météorologique extrême ne libéreront jamais le carbone séquestré dans le sol, ce que rien ne garantit.

L’agroécologie paysanne constitue un véritable outil d’adaptation face à la crise climatique.

Beaucoup d’acteurs politiques et économiques misent aujourd’hui sur la compensation carbone via le secteur des terres. C’est pourquoi la présence du CCFD-Terre solidaire au sein de la COP26 est indispensable, afin de dénoncer cette stratégie et de plaider pour des politiques publiques capables de soutenir d’autres choix. Le déploiement de l’agroécologie paysanne, par exemple, constitue un véritable outil d’adaptation face à la crise climatique.

Mais le plaidoyer ne suffira pas à lui seul. La médiatisation et la mobilisation citoyenne sont ici essentielles. L’adhésion de l’opinion publique à une vision critique des marchés carbone constitue un enjeu crucial, tout comme les relais médiatiques de ce message, qui contribueront à influencer les décideurs. La mobilisation des citoyens et les actions en collectif peuvent rendre visible leur opposition avec des alliés qui fédèrent les acteurs autour de la question climatique, comme l’alliance Clara1 ou le Réseau action climat. Car tout le défi consiste à créer un réel contrepoids au discours dominant, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’arène politique. 

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