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La manière dont les politiques nomment les personnes en situation de migration traduit leur vision de la place qui devrait leur être accordée et ce que devraient être les politiques migratoires. Relayées par les médias, ces manières de voir et de dire participent à une certaine vision des migrations.
Il est impossible de parler sans catégories. Nommer, en effet, c’est déjà catégoriser, découper le monde avec les moules des mots et des concepts culturels dont nous avons hérité. Les catégories juridiques (« réfugié », « étranger »), administratives (« primo-arrivant ») et statistiques (« immigré », « allochtone ») sont employées pour préserver les droits des nationaux et particulièrement leur accès à l’État providence, mais parfois aussi les nouveaux arrivants par le biais d’une protection assurée par l’État. Si certains de ces termes ont une longue histoire depuis l’Antiquité (pensons à « étranger » ou « réfugié »), leur signification actuelle est tributaire des caractéristiques de l’État-nation moderne, qui se fonde sur une appartenance ethnoculturelle pour protéger ses ressortissants et qui distribue au compte-gouttes le droit d’appartenance aux individus venus d’ailleurs.
Pour comprendre la fonction de ces catégories et pourquoi elles font l’objet de tellement de débats, il faut examiner certaines de leurs caractéristiques. Tout d’abord, il faut bien voir que ce sont des mots qui ont un sens spécialisé mais également un sens courant : ils font partie du répertoire de la langue et nous les utilisons en permanence, tantôt dans un sens technique, tantôt non technique. Et c’est cette oscillation qui permet une synonymie entre « étrangers » et « immigrés », ou entre « migrants » et « réfugiés », alors que leurs sens spécialisés sont très éloignés.
Une tendance lourde du discours journalistique est de présenter le phénomène migratoire sous le prisme des chiffres, ce qui a pour effet de créer une image de la migration comme un phénomène débordant, incontrôlable.
La deuxième caractéristique de ces catégories est que, pour évidentes qu’elles paraissent,
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