Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Le programme JRS Welcome accompagne des foyers qui,
le temps de quelques semaines, ouvrent leur porte à une personne en demande d’asile. Deux couples témoignent de leur expérience.
Kady, Shardad, Ibrahim, Mahmoud, Nura, Reza, Christopher, Bakary… des prénoms qui résonnent en nous comme des rencontres magnifiques, des histoires singulières, toutes lourdes de souffrances, d’angoisses, de séparations, de peurs. Quand JRS Welcome nous les confie, nous ne savons pas pourquoi ils ont atterri (ou amerri) là. Nous savons seulement qu’ils sont dans la rue et ont besoin d’être nourris, logés, entourés, « cocoonés », comme on dit en Provence !
Un nom (pas toujours le leur), une date de naissance (ou deux suivant le passeport fourni par le passeur), un pays et une langue (les francophones sont rares), une religion parfois. C’est tout, et ça suffit ! Le reste viendra plus tard, peut-être, un soir de confidences ou devant un thé, en tête à tête entre femmes… Chaque parcours est unique. Les raisons étaient politiques, religieuses ou personnelles, pas économiques. Ils ont laissé des parents, des enfants, un pays pour fuir la prison et la mort, c’est tout.
Après, c’est plutôt simple ! Il suffit de savoir s’ajuster à chacun. La situation est différente lorsqu’il s’agit d’un presque gamin de 20 ans, d’un père de famille de 40, d’une femme martyrisée par les hommes qu’elle a croisés… Alors, bien sûr, il faut beaucoup de temps pour s’apprivoiser. Nous avons accepté que tout ne se passe pas comme sur le papier, et c’est bien !
« Savoir que d’autres prennent le relais nous permet de ne pas nous sentir indispensable. »
Mais JRS Welcome, c’est aussi un réseau bien organisé où l’on se sent guidé, soutenu. Savoir que chaque accueil a une durée limitée, mais que d’autres prennent le relais, nous permet de ne pas nous sentir indispensable. Nous sommes les maillons d’une chaîne de solidarité. Nous sommes heureux de vivre ces temps d’accueil avec chacun, nous recevons beaucoup plus que nous ne donnons ; la confiance et le courage de ces personnes sont des exemples et permettent de resituer nos difficultés quotidiennes à leur juste place. Ce qui nous touche beaucoup, c’est qu’année après année, nous continuons à avoir des nouvelles de nos demandeurs d’asile devenus réfugiés et de voir ceux qui sont restés dans la région. Même si les difficultés restent présentes, ils ont trouvé leur chemin et n’oublient pas leurs premières maisons de France !
Profondément touchés et interpellés par les images de migrants perdus en mer et parfois sauvés, nous avons été sensibles à l’appel du pape François en leur faveur. Nous avons proposé notre aide en tant que famille d’accueil avec le programme JRS Welcome. Confortés par les responsables de l’antenne, nous avons accueilli quatre garçons depuis 2018. James, 32 ans, grand gaillard du Nigeria, était frigorifié après trois mois d’hiver à dormir sur le parvis d’une église. Un garçon plein de foi (« Dieu pourvoira »), qui nous a appris à bénir la table. Refusé par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), il est resté à Nice sans papiers et sans aide. Nous gardons contact avec lui.
Hamid, 30 ans, iranien, n’a pas réussi à se sortir d’affaire malgré sa gentillesse.
Boubacar, 28 ans, guinéen, le seul parlant français, a dû beaucoup souffrir dans son enfance d’orphelin. Il a été très choqué par son refus par la CNDA, moment difficile pour nous aussi. Rendant visite à des amis à Marseille, il n’est plus revenu.
Afshin, Iranien de 35 ans, était marié, père d’une petite fille et intellectuel. Il a été difficile de rentrer en contact avec lui. Il s’est ouvert dans les familles suivantes.
Nous avons tenté pour chacun de les aider par nos conseils, en les accompagnant dans l’apprentissage de la langue, par notre vie simple, par une nourriture saine, et de leur montrer le mode de vie en France. Sans questionnement de notre part sur les raisons de leur migration, nous avons compris par bribes les moments terribles de leur vie.
Les difficultés rencontrées pour s’en sortir nous ont apporté des désillusions. Peut-être attendions-nous inconsciemment la réussite de l’un ou de l’autre dans l’insertion... Désormais nous devrons gommer nos quelques déceptions et continuer de donner généreusement sans rien attendre d’autre que ces moments de partage et d’amitié.
Ces témoignages sont issus de www.jrsfrance.org.
Ce programme propose un hébergement provisoire et gratuit au sein d’un réseau national de familles, pour une personne dont la demande d’asile est en cours de procédure et qui est laissée à la rue, faute de place dans le dispositif national d’accueil. L’hébergement peut aller jusqu’à neuf mois, avec un changement du lieu d’accueil toutes les quatre à six semaines. Un accompagnement individualisé hebdomadaire est assuré par l’association.