Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
« Citoyen, enne n. (de cité) [...] Personne jouissant, dans l’État dont il relève, des droits civils et politiques, et notamment du droit de vote (par opposition aux étrangers). »
« Citoyen·ne1 n. Personne participant activement, qu’elle en ait ou non le droit, à la vie et l’organisation de la cité, sous quelque forme que ce soit (par exemple à travers un collectif formel ou non, en manifestant avec ou sans cailloux, en votant ou non), en général de manière collective. » UnderConstruction, Dictionnaire des Redéfinitions 2016-2017.
La participation, l’engagement, la mobilisation, ce qu’on appelle communément « l’exercice de la citoyenneté », passent avant tout par la prise de parole, le questionnement sur l’autre, sur l’autour, avec ou sans détours, sur le débat d’idées, l’échange d’idéaux, le positionnement de chacun et chacune. La discussion est au fondement de l’organisation collective, de la construction des luttes, de l’établissement d’un contre-pouvoir, de nouveaux regards sur le monde. Sans elle, point de citoyenneté collective, plus que le vote pour s’exprimer (pour certain·es, trié·es sur le volet). Pour échanger, il faut de l’espace, des espaces. Espaces de libres paroles, de discussions formelles et informelles, de mise en commun, espaces collectifs et accessibles à tou·tes. Nous pourrions théoriser sur les nouvelles formes d’architectures urbaines et des lieux publics pour expliquer que nous manquons de ce type d’espaces. Ce ne sera pas ici le propos.
Un principe : vient qui veut et tout le monde peut.
Parlons plutôt de ces espaces à (re)-créer. UnderConstruction est une association d’éducation populaire qui crée et anime des jeux de société sur des questions sociales et citoyennes. En foyers de jeunes travailleur·euses, en pieds d’immeuble, en festival, en prison, en média-biblio-ludo-thèque, etc. Un principe : vient qui veut et tout le monde peut. À travers le jeu, nous cassons les débats entre expert·es télégéniques, et chacun·e, avec son vécu, apporte son grain de sel à des discussions enflammées.
Le jeu, en lui-même, est un espace d’apprentissages, d’interactions, de réflexions, d’expérimentations. Il crée un petit vécu commun, entre des personnes qui ne se connaissent pas toujours, un moment hors du temps pour redécouvrir et refaire le monde. Le jeu est une façon d’établir un cadre, pour amener chacun·e à prendre part à une discussion, questionner le monde et se questionner soi-même et, pourquoi pas, prendre position, s’autoriser à s’affirmer. Dans ces espaces, on se croirait au bar du coin, car « le comptoir d’un café est le parlement du peuple » dirait Balzac. Ce sont les deux facettes d’un même objet : celui de construire, pour un temps, un monde différent.
« On ne construit pas un monde différent avec des gens indifférents », tel est le leitmotiv de l’association. Lorsque nous ouvrons un espace de parole, les personnes ne semblent pas si indifférentes à ce qui les entoure. Chacun·e est touché·e par la société et les expériences personnelles rejaillissent comme autant d’arguments, d’exemples, de théories sur le monde.
La parole et l’échange sont nécessaires à l’émancipation et à la transformation sociale.
Reste à savoir comment agir sur la société et là, le constat est amer : les possibles sont souvent peu prometteurs, selon les participant·es. Malgré tout, les barrières sont tombées, les langues se sont déliées le temps d’un jeu, et puis, avec ou sans nous, des groupes pourront se former, débattre, s’organiser. Mais toujours en collectif, car si la citoyenneté est un jeu où chacun·e peut établir les règles, alors la parole et l’échange sont des conditions nécessaires à l’émancipation et à la transformation sociale.
1 UnderConstruction privilégie la féminisation des termes, dans toutes ses publications. Ce que nous avons choisi de respecter [NDLR].