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Dossier : Monde cherche citoyens

« Pas de politique sans passion »

Nuit Debout Paris 41 mars ©Olivier Ortelpa
Nuit Debout Paris 41 mars ©Olivier Ortelpa
Entretien - Confrontés directement à la mondialisation, les citoyens se sentent parfois dépossédés de toute prise sur le réel. Démocratie directe, délibérations, tirage au sort... Comment renouveler les pratiques politiques dans un tel contexte ?

Le sociologue Jean Viard parle de « l’individu monde1 » pour décrire « un affrontement direct et terrible entre chacun de nous et la mondialisation (…) [qui] met en crise profonde la nation républicaine (…) voire l’idée de politique ». Quelle est votre vision de cet individu-monde ?

Yves Sintomer - Tous les individus ne vivent pas de la même façon la mondialisation. Des élites évoluent effectivement dans un espace mondialisé et en tirent des opportunités : elles sont les gagnantes de la mondialisation. D’autres s’inscrivent, eux aussi, dans une perspective globale, dans le domaine de l’écologie notamment, même s’ils peuvent la décliner très localement. Mais bien d’autres restent, pour l’essentiel, prisonniers de leur espace national ou local – dans leur recherche d’emploi ou leurs études par exemple – s’ils veulent éviter des migrations coûteuses et risquées : ce sont plutôt les perdants de la mondialisation. Aussi n’y a-t-il pas un rapport individu-mondialisation, mais plusieurs.

« Des élites évoluent dans un espace mondialisé et sont les gagnantes de la mondialisation. Mais bien d’autres restent prisonniers de leur espace national ou local. »

Le mouvement de mondialisation nous fait prendre conscience que nos appartenances sont multiples. Le concept de souveraineté nationale, assis sur l’État-nation, avait pu donner l’impression d’une citoyenneté unique, reposant sur un face-à-face entre des individus et un État protecteur. C’était particulièrement le cas en France, beaucoup moins dans des États fédéraux. Mais il devient évident aujourd’hui que l’on a une multiplicité d’appartenances et d’identités : une situation qui ne va pas de soi pour certains, en période de crise économique et politique.

N’est-ce pas pour mieux pouvoir dire qui ils sont, et décider de leur avenir, que certains expriment le besoin d’un retour des frontières ?

Yves Sintomer - La mondialisation croissante fait changer d’échelle, un peu comme lorsque l’on est passé des cités-États du Moyen-Âge et de la Renaissance aux grands États-nations modernes. Ce nouveau cap ne veut pas dire que ces derniers (ou les gouvernements locaux) n’ont plus de rôle, mais leur capacité d’action est objectivement réduite. On voit apparaître une gouvernance globale qui fragilise les États et, avec eux, les démocraties qui s’étaient coulées dans ce cadre. Les grands partis politiques ont largement perdu le contact avec les citoyens : ils décident de programmes qui sont dans l’adaptation au présent, avec des modulations de détail. Quant à l’extrême droite et certains courants de la gauche radicale, ils rêvent d’un retour en arrière.

« Les grands partis ont perdu le contact avec les citoyens : ils décident de programmes qui sont dans l’adaptation au présent, avec des modulations de détail. »

Mais l’échelon national est-il le plus adapté pour décider de son avenir ? Un réseau de villes n’est-il pas, dans certains cas, plus efficace pour mener la transition écologique ? Les transformations nécessaires supposent sans doute une articulation entre les différentes échelles. S’engager à des échelons qui dépassent l’État-nation n’est pas en soi déstabilisateur : l’Europe a longtemps été perçue comme synonyme de bien-être, de paix, de dépassement des conflits anciens. Si elle ne jouit plus de la même popularité, c’est parce qu’elle n’est plus synonyme de sécurité sociale et qu’elle semble incapable d’apporter des réponses aux défis de la mondialisation. Dans ce contexte, on peut comprendre que des gens soumis à une pression vive en Europe comme aux États-Unis – qui pouvaient bénéficier, auparavant, d’un bien-être croissant parce qu’ils vivaient au centre du monde – soient tentés par un discours de repli sur le passé. Cette pression, qui affecte les plus fragiles des pays du centre, permet à des forces réactionnaires d’y trouver des alliés dans les couches populaires.

Le discours des citoyens engagés pour un monde plus juste semble plus difficile à faire partager, dans un contexte où la tentation du repli est forte...

Yves Sintomer - Nous sommes dans une phase de crise de l’universalisme2, mais c’est un certain universalisme qui est mis en cause. Un universalisme pensé à partir des pays du centre, et qui voyait l’universel comme une extension progressive au reste de la planète de ce qui avait été mis en place en leur sein. Une telle vision n’est évidemment pas sans poser problème sur le plan écologique, mais aussi dans l’organisation du politique : on a voulu plaquer notre système électoral, issu de nos expériences fondatrices, sur des sociétés très différentes, souvent pluriculturelles. Cet universalisme-là est aujourd’hui remis en question, mais des éléments se dégagent pour en reconstruire un plus large, moins univoque.

« Nous sommes bien dans une phase de crise d’un certain universalisme. »

Car il ne peut y avoir un seul modèle. On connaît insuffisamment les expériences issues de pays du Sud, qui nourriront sans doute demain un nouvel universalisme. Il suffit de partir de cette question de base : qui émet les gaz à effet de serre ? Quel modèle de développement est universalisable ? Certainement pas l’American way of life ni le mode de vie européen ! Or il y a des réflexions en Inde, au Brésil… pour éviter que les classes moyennes de ces pays, par la simple duplication du mode de vie occidental – aussi tentant soit-il –, ne mènent le monde à la catastrophe.

De même, en matière politique, n’y a-t-il pas d’autre voie que la démocratie élective ? En Amérique latine, depuis quinze ou vingt ans, le néo-constitutionnalisme s’est constitué en un grand mouvement pratique et théorique pour penser une autre démocratie adaptée aux défis du XXIe siècle. De même, les débats chinois, à l’intérieur et à l’extérieur du parti communiste, pour promouvoir, à l’échelon national et local – dans un contexte de parti unique – , d’autres formes de responsabilité du système politique envers les citoyens, ouvrent de nouvelles pistes. Il ne s’agit évidemment pas de les imiter sur tous les points ! Mais dès lors que la perspective d’une remise en cause fondamentale du système de parti unique est assez improbable, et parce que de nombreux Chinois se demandent si un système politique capable de mener Donald Trump au pouvoir est la solution à leurs problèmes, des réflexions sont possibles. Elles visent à améliorer la communication entre citoyens et élites hors des temps d’élections (qui de toute façon ne sont pas libres), et de multiples initiatives sont prises : elles portent, par exemple, sur le rôle de l’élu de proximité. On est bien loin des clichés occidentaux sur la Chine, qui se focalisent sur une dimension autoritaire et répressive – qu’il ne s’agit certes pas de nier, elle s’est même récemment renforcée. Mais on ne peut pas davantage juger la Chine uniquement sur la censure d’internet et la répression des dissidents que juger l’Occident sur la victoire de Trump et l’ascension du Front national.

Si on demandait aux citoyens européens d’écrire sur une feuille blanche une constitution idéale, mettraient-ils en son cœur des partis de professionnels monopolisant la prise de décision politique ? Sans doute pas. Mais il faut partir de la situation qui est la nôtre, comme les Chinois pensent à partir de l’héritage d’un système de parti unique, ou comme l’Inde qui connaît des débats riches et complexes depuis des décennies, autour de la prise en compte des minorités ethniques et religieuses.

La construction européenne avait pu apparaître, pour Habermas notamment, comme le lieu par excellence d’un développement de la démocratie à l’heure de la mondialisation. Comment analysez-vous le désamour dont elle fait l’objet, y compris chez des universalistes ?

Yves Sintomer - Habermas avait tendance à idéaliser la construction européenne. Or elle s’est faite de façon technocratique, et s’est bâtie sur la crainte des peuples après le traumatisme de la seconde guerre mondiale et de la division de l’Europe. Ces moteurs-là ont fonctionné tant que les citoyens pouvaient jouir effectivement d’un surcroît de sécurité matérielle et sociale. Dès lors que cette dynamique s’est grippée, cette construction étrange, avec des élites coupées des citoyens ordinaires, est fortement remise en question. C’était certes un rêve de paix, de démocratie, de bien-être social, soit des aspirations qui restent très importantes. Mais voyez à quelle vitesse les peuples d’Europe de l’Est ont été déçus et se montrent sceptiques par rapport au nouvel ordre politique qui leur était proposé, même si rares sont ceux qui veulent revenir en arrière.

Les défis pour l’Europe sont objectivement difficiles : elle est frappée directement par l’instabilité au Moyen-Orient, à laquelle elle a contribué par son implication directe ou par sa proximité avec les États-Unis ; elle est affaiblie sur le plan géopolitique ; elle doit faire face à la rude concurrence économique des pays émergents ; sa croissance est atone, son modèle de développement insoutenable… Quoi d’étonnant que bon nombre de responsables politiques, faute d’avoir grand-chose d’autre à dire, jouent sur ces peurs et trouvent dans l’Union européenne un coupable idéal ?

Vous estimez qu’Habermas fait par trop abstraction des rapports de force, mais aussi du rôle des passions en politique, en appréhendant uniquement l’espace du politique comme l’espace d’une délibération qui, moyennant quelques précautions de méthode, aboutirait à la meilleure décision possible. La passion européenne ayant du plomb dans l’aile, l’universalisme serait-il orphelin d’une passion ? Le soin de la planète et de ses habitants peut-il en esquisser une autre ?

Yves Sintomer - Habermas se focalise sur l’une des dimensions de la politique, qui est l’échange d’arguments plus ou moins forts. Mais au-delà de la délibération rationnelle, il n’y a pas de politique sans éléments de rêve, sans passion. Si l’on reprend l’idée qu’il peut y en avoir des joyeuses et des tristes, comme le disait Spinoza, l’Europe a semblé être, à un moment, une passion joyeuse. Qu’est-ce qui peut remplacer cette passion aujourd’hui ? À sa façon, Trump y répond, en scandant « Make America great again ! ». D’autres disent « Rendons à la France sa grandeur » (François Fillon), même s’ils savent que le retour en arrière est impossible. Le défi est de réinventer des « utopies réalistes », comme le dit le politologue américain Eric Olin Wright, autrement dit des horizons vers lesquels se diriger dès aujourd’hui, en multipliant les expérimentations et les innovations à toutes les échelles, même si l’horizon en lui-même reste toujours inatteignable. Pensons aux initiatives pour démocratiser la démocratie par plus de participation citoyenne institutionnelle ou par l’expérimentation de formes horizontales de coordination, comme dans les mouvements de type Occupy ou Nuit debout ; à celles qui visent à favoriser l’empowerment des groupes subalternes ; aux communautés écologiques radicales qui veulent préfigurer un autre mode de production et de consommation ; à la valorisation des communs, au-delà de l’État bureaucratique et du marché capitaliste ; ou encore à ce que chacun d’entre nous peut faire dans sa famille, son quartier, son association, son travail. L’écologie peut être une passion joyeuse, mais à elle seule, elle ne suffit pas. Rechercher comment réinventer une protection sociale à une échelle autre que celle des États-nations, inventer une nouvelle démocratie, un nouvel ordre mondial où les conditions de vie s’améliorent pour tous, sont des défis qui peuvent aussi nourrir de grands rêves.

« L’écologie peut être une passion joyeuse, mais à elle seule, elle ne suffit pas. »

Le statut de citoyen est assis sur l’idée d’une capacité universelle à porter un jugement de bon sens. Confronté à un monde complexe, que même les élites peinent à décrypter, comment comprenez-vous la demande d’explications simples, d’un retour à une échelle plus proche, où les enjeux sont perçus comme plus intelligibles ?

Yves Sintomer - Les sondages, en France comme dans d’autres pays, révèlent à la fois la demande d’un recours accru aux experts et la demande d’un surcroît de participation citoyenne. Cette double requête peut sembler contradictoire, mais elle a sa cohérence : elle vise une cible commune, les professionnels de la politique et leurs partis, aujourd’hui discrédités dans toutes les couches de la population. Du coup, les citoyens, conscients du besoin d’expertise dans un monde compliqué, et de la dimension politique des choix à opérer, souhaitent s’en remettre à ces deux autres pôles (expertise et participation).

Cette situation n’empêche pas les difficultés concrètes et la tentation d’une partie des politiciens de jouer sur des recettes faciles. Ils mettent en avant un passé idéalisé, flattant ainsi un réflexe naturel. Mais voudrait-on vraiment revenir aux Trente glorieuses ? À une société de croissance productiviste, aveugle sur son impact environnemental, dans laquelle les femmes étaient absentes des lieux de pouvoir et n’avaient pas le droit d’ouvrir un compte bancaire sans l’accord de leur mari, à une période marquée par les guerres coloniales, par les tortures de l’armée française en Algérie… ?

Le slogan des Verts allemands dans les années 1990, « penser globalement, agir localement », devrait continuer de nous guider – le local pouvant être un tremplin pour l’échelon national et international. Toute autre voie est une impasse. C’est évidemment plus facile à dire qu’à faire : pour mener cette pensée globale, il n’existe pas de partis politiques à l’échelle internationale, guère que des coordinations dans le monde syndical. Quelques grandes ONG font exception, ainsi que certains gouvernements qui formulent des propositions avec une vision mondiale, mais on est encore au début du chemin.

Vous distinguez la raison ordinaire de chaque citoyen, le savoir politique de ceux qui en font profession et l’expertise citoyenne. En quoi celle-ci peut-elle redynamiser la politique ?

Yves Sintomer - Il y a plusieurs manières d’envisager l’expertise citoyenne. Fondamentalement, l’idée qui prévaut est que pour beaucoup de sujets, les usagers directement concernés apportent un savoir fondamental pour régler les questions, un savoir que n’ont pas les experts « certifiés ». Comme le disait le philosophe pragmatiste américain John Dewey : « c’est la personne qui porte la chaussure qui sait le mieux si elle fait mal et où elle fait mal, même si le cordonnier est l’expert qui est le meilleur juge pour savoir comment y remédier.3 ». Outre ce savoir d’usage, les citoyens peuvent aussi s’appuyer sur les contre expertises techniques que proposent des syndicats ou des associations. Trop souvent, l’expertise vient uniquement des gouvernants et des groupes économiques privés. Il est important de rééquilibrer la balance. Greenpeace a ainsi joué un rôle central dans la compréhension par l’opinion des enjeux écologiques. De même, le syndicat Sud a initialement dû son succès non seulement à sa radicalité, mais au sérieux de ses contre-expertises – les syndicats plus modérés d’Europe centrale ou du Nord ont également cette habitude de ne pas laisser le monopole des analyses techniques aux entreprises. Ce travail est décisif, car bien des décisions qui affectent notre vie de tous les jours sont prises de façon routinière par des technocrates, à travers des normes, des procédures, des règlements, des autorisations de mise sur le marché – et qui en parle vraiment dans la campagne présidentielle ? Créer des espaces démocratiques dans ces processus de décision et trouver sa place dans ces arènes sont des enjeux majeurs pour éviter que les décisions ne soient captées par des intérêts étroits. L’idée n’est pas de parvenir à une impossible neutralité de l’expertise : au contraire, c’est à travers la confrontation d’expertises de différents types que nous pourrons prendre les meilleures décisions, et les plus démocratiques.

« Bien des décisions qui affectent notre vie sont prises de façon routinière par des technocrates, à travers des normes, des procédures, des règlements, des autorisations de mise sur le marché. »

Au Canada, en Islande, en Grèce, on a vu réapparaître dans le jeu politique le tirage au sort que pratiquait Florence à la Renaissance ou l’Athènes antique. Cette pratique est-elle à même de contribuer à réconcilier les citoyens avec les décisions politiques prises en leur nom ?

Yves Sintomer - Après avoir été largement oublié, le tirage au sort est en train d’être réintroduit dans des expériences de plus en plus nombreuses. Cela s’est tout d’abord effectué dans une perspective de démocratie délibérative. Le processus vient d’en haut, on forme un « mini-public » – comme disent les anglo-saxons – c’est-à-dire un échantillon diversifié ou représentatif de la population, et on lui demande de donner un avis aux responsables politiques, après une délibération de qualité (matériel informatif riche et contradictoire, modération des discussions en assemblée générale et en petits groupes, auditions d’experts et de parties prenantes…). Cet outil venait ainsi en complément de la démocratie représentative. Aujourd’hui, le recours au tirage au sort est plus varié, plus dynamique, parfois adossé à la démocratie directe. En 2014 et 2015, c’est à la suite d’une assemblée citoyenne, majoritairement tirée au sort, que les Irlandais ont proposé une révision constitutionnelle pour un mariage pour tous, soumise ensuite à référendum et adoptée. Ce n’était pas une décision anodine dans un pays majoritairement catholique.

Le recours au tirage au sort présente plusieurs avantages. Il permet plus d’impartialité, car les citoyens tirés au sort n’ont pas une carrière politique à défendre et ils ne sont pas juges et parties. Il introduit des points de vue différenciés, des segments représentatifs de la variété des expériences des citoyens, alors que les élites sont recrutées dans un milieu social très étroit. Il offre aussi la possibilité de délibérer dans d’autres conditions, meilleures que dans les parlements, souvent réduits à des échanges rhétoriques. Enfin, dès lors qu’on ne peut pas faire de la démocratie directe tous les jours, et des référendums sur tous les sujets, le tirage au sort est un moyen assez économique pour faire valoir des mécanismes démocratiques nouveaux, et ce quelle que soit l’échelle. À côté des élections et de la démocratie directe, il pourrait représenter un troisième pilier procédural. Du moins, les expériences qui se multiplient en ce sens méritent une véritable attention.

« Les citoyens tirés au sort n’ont pas une carrière politique à défendre ».

L’une des leçons que vous tirez des pratiques de démocratie délibérative est que l’opinion de mini-publics, mobilisés pour des conférences citoyennes et autres forums, tend à s’éloigner de celle des masses à mesure que la délibération progresse. Ce qui en limite la portée. Mais inversement, quelles leçons en tirer pour faire évoluer le jeu démocratique dans son ensemble ?

Yves Sintomer - Il s’agit de multiplier ces espaces délibératifs, de leur donner plus de visibilité, de les insérer dans un débat politique, plutôt que de les opposer à l’espace public large et de les dresser contre les mouvements sociaux, comme certains des inventeurs de l’instrument en ont eu la tentation. En Oregon, aux États-Unis, un jury citoyen est ainsi organisé avant chaque votation résultant d’un référendum d’initiative populaire. Délibération de qualité et démocratie directe ne sont pas nécessairement antagoniques. Ce n’est pas un hasard si c’est en Suisse qu’on a la plus grande concentration de presse sérieuse. C’est le pays par excellence de la démocratie directe. Les expériences délibératives peuvent contribuer à enrichir la dialectique démocratique pour autant qu’elles comptent vraiment, qu’il ne s’agit pas simplement d’un exercice de communication pour en faire un vague supplément d’âme aux instances décisionnelles… Dès lors que ces espaces sont pris au sérieux, qu’ils peuvent mener à des modifications constitutionnelles, ils prennent tout leur sens. Evidemment, ils n’épuisent pas la question et ne seront pas véritablement signifiants tant que, en parallèle, l’espace médiatique sera monopolisé par des capitaux extérieurs au monde de la presse, ou que l’on pourra, comme aux États-Unis, investir sans limites en politique, tant que celle-ci reste un espace de cumulards professionnels...

Des propos recueillis par Jean Merckaert, le 6 janvier 2017.


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1 Jean Viard, Le nouvel âge du politique. Le temps de l’individu-monde, éditions de l’Aube, 2004.

2 Karl Polanyi l’avait annoncée dans La grande transformation : aux origines politiques et économiques de notre temps, Gallimard, 1983.

3 John Dewey, Le public et ses problèmes, Publications de l’Université de Pau, 2003 [1927].


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