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Fils et filles de la modernité, nous avons appris à nous émanciper à l’égard de tous liens aliénants. Cela vaut aussi pour la nature. Car qu’elle se fasse sol, terroir, enracinement ou replis identitaires en des communautés néo-rurales, voici une référence qui a aussi pu enfermer et aliéner. Dès lors, comment vivre le retour de la terre comme autre chose qu’un nostalgique retour à la terre, pour le dire avec les mots de Bruno Latour ? Alors que l’approche comptable de la nature l’emporte aujourd’hui dans un économisme aveugle, la spiritualité réinstallerait-elle du conte, sinon du féerique, sous nos comptes ? L’expérience spirituelle de la nature, religieuse ou séculière, n’est-elle pas une manière de convoquer des images qui donnent accès à une autre réalité, sensible, voire invisible ? Entre le XVIe et le XVIIe siècle, le christianisme a délaissé comme n’étant que fétichisme, idolâtrie et paganisme la référence, jugée archaïque, aux voix de la nature. Pourtant, le langage sensible et symbolique de la nature que mobilise aujourd’hui la dimension spirituelle de l’écologie pourrait être la voie d’accès à un essentiel. Et l’expérience de la nature, celle d’un réenchantement du monde.
La dimension spirituelle de l’écologie peut être envisagée comme l’alternative à une nature doublement désenchantée par notre civilisation technologique. Un premier désenchantement scientifique a préparé la maîtrise technique d’une nature réduite à un matériau, une ressource extérieure manipulable. Pour la science moderne (physique, chimie, biologie), la nature est intelligible mais n’est plus intelligente. Elle n’est plus une déesse à adorer, comme l’écrivait déjà Descartes dans son Traité du monde et de la lumière (1664). Elle n’est plus un mystère à déchiffrer, mais une énigme à décoder (du tableau périodique des éléments atomiques au code génétique) pour la maîtriser. Nous en vivons les conséquences dans ces relations instrumentales à la nature qui en oublient la dimension relationnelle, sensible et systémique : de l’élevage industriel, qui réduit l’animal au rang de protéines, à la biotechnologie végétale de type OGM, qui fait de l’agriculture une production indifférente à son milieu, une « machine à nourrir ».
Pour la science moderne, la nature est intelligible mais n’est plus intelligente.
Un second désenchantement est d’ordre métaphysique et théologique. On ne voit plus dans la nature un ordre des choses qui serait un ordre pour les choses et les êtres. Pour les anciens, ce dont « la loi naturelle » était l’expression, c’est que la nature était porteuse d’une finalité, d’un dessein qu’il fallait scruter pour y trouver une trace du divin. Ce désenchantement supposa de ne plus sacraliser la nature, qui n’est plus que la créature du créateur. Simplifiant à l’extrême, on trouvera là les racines théologiques de la crise environnementale actuelle1. La religion d’un Dieu transcendant parut imposer de s’éloigner de toutes les valorisations sensibles données par l’intermédiation de la nature, les astres (contre l’astrolâtrie), les sources et les bois sacrés (contre le paganisme), les animaux (contre la zoolâtrie)2. Elle encouragea, en un sens, une forme d’anthropocentrisme exacerbé, trouvant à bon compte sa justification dans un verset biblique, « peuplez la terre et soumettez-la3 », apparente bénédiction pour toute entreprise de domestication et d’arraisonnement de la nature au nom d’une autonomie de l’humain.
Or d’autres mots permettent aujourd’hui de réenchanter ces relations homme-nature, pensées comme des relations de dépendance mutuelle et non seulement comme des rapports fonctionnels, instrumentaux et univoques. Ils manifestent un renversement anthropologique. À l’opposé d’une autonomie humaine exaltée et désaffiliée, ils tentent d’élaborer une autonomie dans la vulnérabilité, dans la conscience des relations liant l’humain aux non-humains et à son milieu. Ainsi ne dira-t-on plus « nature », mais « environnement » ou « milieu ». On ne dira plus « religion » mais « spirituel ». À quoi on peut ajouter : on ne dit plus « morale » mais « éthique ». Cette évolution sémantique est plus qu’une simple euphémisation. Elle manifeste l’invention d’une langue qui cherche à rendre le côté sensible, singularisé et relationnel de la vie avec la nature.
Si des termes anciens (nature, religion, morale) ont, aux deux sens de l’expression, fait leur temps, nous faisons l’hypothèse que le milieu, le spirituel, l’éthique, trois termes du moment écologique, le consacrent aussi comme un moment de postchrétienté… En eux se redéploie la compréhension de notre être comme être avec les humains, les non-humains et les milieux, dans une relation nue, fragile, natale. Ils expriment une expérience originaire de notre « être avec la nature » avant qu’elle ne soit instruite, élaborée et recouverte par les catégories et les thèmes d’une culture. Parler d’expérience spirituelle de la nature, c’est se placer au point d’émergence d’une co-naissance. Manifester un spirituel qui n’est pas le monopole de la religion. Parler de spiritualité, c’est se référer à une forme de religieux d’avant la religion. « Avant », non pas dans un sens chronologique, qui ferait référence à une mentalité religieuse ancestrale, mais au sens d’une forme d’expérience non encore instruite et déchiffrée au sein d’une tradition religieuse singulière. Car le profond mouvement de sécularisation que nous connaissons ne peut pas se comprendre entièrement, comme le dit le philosophe canadien Charles Taylor, comme un mouvement soustractif (la sortie de la religion). La sortie de la religion est aussi l’avènement d’un spirituel foisonnant, vivant, anarchique, même s’il est désaffilié ou délibérément autonome si l’on pense à la spiritualité laïque.
Une expérience spirituelle de la nature est plus qu’éthique mais moins que religieuse. Là où l’éthique (même environnementale) répond d’abord à la question d’un « se conduire », visant la vie bonne, en vue d’une réforme de soi, le spirituel creuse le désir d’être, en explicitant la joie d’être là, présent avec la nature, entendue comme un milieu. Certes, le spirituel peut avoir des effets éthiques, en termes de transformation ou de réforme de soi dans l’élaboration d’un genre de vie « sage » ou mesurée (la quête de sagesse des mouvements de la frugalité volontaire par exemple), mais il manifeste une aspiration à un « plus d’être », à une augmentation de soi qui résiste à sa seule interprétation disciplinaire et volontariste. Il convoque l’expérience d’une coprésence avec la nature vécue comme plénitude.
L’expérience spirituelle de la nature en dehors de soi n’est sans doute pas séparable d’une expérience spirituelle de la nature en soi : l’écologie renvoie aussi à une dimension psychique. Dans une société de consommation, où la nature disparaît pour s’envisager comme bien consommable illimité, la dimension spirituelle a sans doute pour premier effet d’apprendre à faire la part en soi entre jouissance et désir, à approfondir au-delà de la facile opposition entre envie d’avoir et désir d’être ce qu’il y a comme source d’être dans les biens possédés. Si la consommation installe une confusion entre la flatterie des envies, en concurrence mimétique avec celles des autres, et l’émergence du désir d’être profond qui vise une forme d’accord entre la nature et ce à quoi l’on aspire, une expérience spirituelle creuse cette force du désir4.
Cette attention à la vie intérieure éclaire la réflexion sur les ressorts de l’économie et de la demande. La croissance infinie dans un monde fini, qui repose sur une forme de stimulation infernale de nos envies et de la demande, brouille le cœur intime de notre désir dans un appel illimité à la consommation. Le bénéfique ne se situe pas toujours dans les bénéfices. Aussi bien l’expérience spirituelle de la nature n’est-elle pas sans liens avec l’éthique de l’authenticité : au-delà d’une quête narcissique et égoïste, cette éthique de l’authenticité renouvelle la compréhension de soi dans ses relations aux autres et à la nature. Plus profonde qu’un simple profil sociologique (celui du bourgeois bohème écolo), elle associe le développement spirituel avec un choix de vie, qui est en même temps une tentative de faire coïncider une aspiration à être et des expressions ajustées de cette aspiration dans des manières d’être. Dès lors, ce n’est pas une appartenance (à une Église, à une tradition) qui est ici première, mais l’exigence authentique d’une expression de soi, dans son être, avec la nature. Il s’agit moins d’un consumérisme spirituel que d’une forme d’irruption du désir d’authenticité, bouleversant les traditions religieuses stabilisées et mesurées. On aurait tort de n’y voir qu’un effet de l’individualisme : il s’agit d’une attente exigeante d’individuation.
Mais cette expérience spirituelle n’est pas tant celle de la nature en général que celle d’un territoire singulier : un petit Liré5, un « pays ». Une forme d’entente lie une histoire personnelle à une nature bien circonscrite. Il s’agit de vivre un milieu où le je a « lieu d’être ». Le spirituel explore la signification et la part d’ouverture de notre ancrage corporel dans le monde. Le texte opaque de ce que signifie pour soi être avec la nature, vivant parmi les vivants, se déchiffre dans la confrontation à la texture singulière de cette même nature, vents, montagnes et eaux, minéralité ou force du végétal. Sensible à cette texture du monde, l’expérience spirituelle n’en fait pas encore des symboles, avec ce qu’ils ont de médiateurs, comme le feront les religions (le symbole du ciel ou de l’eau), mais des épreuves disponibles à ce qui apparaît et se donne. De cette entente, une expérience spirituelle ose en dire qu’elle est signifiante de plus que soi. C’est en creusant cette intimité sensible (lors d’une traversée en mer, d’une marche en montagne, de la lenteur désirée d’un geste de jardinage ou de l’attention portée à la fragile voilure de la libellule) que se vit la joie d’un accord plus vaste qui emporte jusqu’à une forme possible de bonheur d’admiration. Une expérience spirituelle se déploie dans cette jubilation jusqu’à la louange dans la gratitude. Elle exprime cette harmonie, cet équilibre, dans la joie native d’être au monde, avec le monde. La joie du psalmiste qui chante : « Et vous, montagnes et collines, bénissez le Seigneur » (Daniel 3, 75) se nourrissait de cette joyeuse plénitude de la présence.
L’expérience spirituelle cultive la joie de l’appartenance à la nature.
Finalement, le spirituel encourage une forme d’écologie à la première personne, sensible, imaginative ou poétique, narrative et contextuelle, déjà présente dans le Walden6 de Thoreau ou la promenade solitaire de Rousseau. Thoreau découvre que c’est lorsque l’on a perdu le sens de ce qui nous attache à la nature que l’on commence à se trouver et à découvrir l’essentiel. L’attachement à la nature n’a de sens que s’il permet un détachement émancipateur. De la sorte, si le détachement nous fait voir l’étendue infinie de nos relations avec le monde des vivants et nous fait redécouvrir notre quotidien, l’expérience spirituelle, par un autre attachement en retour, cultive la joie de l’appartenance à la nature. Un attachement où la foisonnante diversité des formes de vie est signifiante d’autant d’explorations possibles. La diversité, que nous avons appris à nommer « biodiversité », se scrute alors à chaque fois comme une chance donnée à une forme de vie inédite et inouïe qui mérite d’être saluée. Mais de la biodiversité adulée à la théologie d’une création continuée, qui y voit autant de signes à scruter du dessein divin, il y a un saut.
Se sentir fils ou fille de la terre : voilà le lien originaire qu’une expérience spirituelle de la nature invite à découvrir et à approfondir. Ce lien n’est-il pas celui qui conduit du visible vers l’invisible ? Mais cette expérience personnelle peut-elle se déployer collectivement ? Cette question investit le point de jonction entre le spirituel et la religion, laquelle peut donner un langage, des catégories, une structuration, un bouquet de symboles partageables… Mais parce que spirituel ne veut pas dire religieux, on conviendra que la sécularisation n’est pas la fin des questions transcendantes.
Une expérience spirituelle de la nature manifeste une consistance, une insistance et une résistance de la vie intérieure corrigeant l’envahissement matérialiste de l’existence. Consistance d’une expérience sensible qui ne juge pas irrationnelles les émotions que suscite la nature. Insistance d’une expérience qui maintient dans le registre de la valeur et de l’expression, à la fois intrigante, surabondante et vivifiante, une nature que nos savoir-faire ont réduite à un prix ou à un intérêt. Résistance, enfin, à l’empire généralisé du manipulable, pour lequel la nature s’exploite et se domine mais ne signifie rien, ne donne rien.
L’expérience spirituelle accompagne ce passage du percevoir vers un sentir originaire. Elle invite à s’ouvrir à la grandeur présente de ce que le croyant, dans un acte de foi, osera nommer « présence ». Tel sera aussi le rôle des arts, de la poésie et de la littérature que d’ouvrir en images à cette solidarité profonde des vivants entre eux. Cette fraternité sensible, poétique et spirituelle, avant d’être une fraternité éthique et politique, n’est-elle pas la sororité de « sœur eau » ou de « frère loup », chère à François d’Assise, ou bien la fraternité sensible de l’« Hymne à la matière » d’un Teilhard de Chardin ?
L’expérience spirituelle de la nature, au cœur de la vie intérieure, se fait recueillement ou disponibilité.
L’expérience spirituelle de la nature, au cœur de la vie intérieure, se fait recueillement ou disponibilité. La disponibilité sonde plus en profondeur que l’attention. Si l’attention (de l’écologue, du botaniste, du naturaliste) interroge, scrute et déchiffre la nature en « y faisant attention », la disponibilité ne regarde pas la nature : elle y participe dans un « être avec ». Elle laisse réellement la place à ce qui se donne et, ce faisant, donne à son tour, c’est-à-dire fait le jeu de la relation. On pense ici au soin porté au souffle dans le yoga ou la méditation, « au goûter les choses intérieurement » de la tradition spirituelle ignatienne, au grand silence disponible du chartreux ou à ce moment de réceptivité du marcheur de haute montagne. Cette découverte d’être soutenu par la nature et peut-être enveloppé par elle a été valorisée par les penseurs du sentiment océanique. Elle ouvre une voie qui rend visible ce qui est invisible dans des expressions de l’excès, d’un surcroît.
Inattentif, l’économisme ambiant ne pense la nature qu’en termes d’échanges quantifiables (les interactions systémiques comme la pollinisation ou la purification de l’eau dans les zones humides y deviennent des « services écologiques gratuits » que l’on peut quantifier, s’échanger et vendre), là où l’expérience spirituelle de la nature la laisse se dire en termes de don. L’acte de foi inscrit dans une tradition religieuse, lui, ira du don au donateur, voire au créateur. Quand on y songe, les mouvements écologistes dits « alternatifs », les engagements militants – qui vont parfois jusqu’à des peines d’emprisonnement ou la mort, sans pourtant parler de martyre ou de fanatisme vert – ne supposent-ils pas un véritable étayage intérieur, pour que la défense d’une zone humide, d’une variété de fleur ou d’une espèce animale mobilise à ce point ? Si oui, cet étayage est-il spirituel ?
La spiritualité n’est pas qu’une vague sensiblerie ou un sentiment du sublime. Elle engage une tournure d’esprit – une conversion ? – envisageant la nature non plus comme une matière à exploiter mais comme une invitation à s’engager dans un jeu relationnel. Cette joie relationnelle procure une dilatation du cœur, bien plus dynamisante qu’un discours culpabilisant ou catastrophiste7.
La spiritualité, en nous mettant en phase avec notre profonde aspiration à être, prépare tout d’abord une réforme intérieure. Elle peut servir de mobile pour une éthique engageant des pratiques de soi (écocitoyenneté), voire un discours de sagesse (frugalité volontaire, sobriété heureuse). Avant de se faire réforme du monde, elle se fait métamorphose de soi, initiant un genre de vie.
Avant de se faire réforme du monde, la spiritualité se fait métamorphose de soi, initiant un genre de vie.
En prenant en compte les émotions que suscite en nous la nature, en investissant en imagination les liens et les relations qu’entretiennent entre eux les humains et les non-humains, cette expérience spirituelle conteste l’anthropologie utilitariste qui sous-tend notre économie. Le modèle du choix rationnel, qui réduit le marché à un grand équilibre entre des intérêts égoïstes concurrents, ignore les sentiments et les aspirations qui animent les acteurs socioéconomiques. C’est une abstraction, là où une expérience spirituelle mobilise des formes de désir et de sensualité, de conscience vécue des relations de coopération. Ces relations, bien plus riches, contextuelles et individuantes, peuvent jouer un rôle en enrichissant notre compréhension de la vie sociale et économique et du développement. Elles sont, de plus, mobilisatrices.
Il nous semble que l’énergie spirituelle a de quoi alimenter le passage d’une écologie de réparation, qui se contente de panser les conséquences des désastres écologiques sans remédier aux causes, à une écologie de fondation, qui modifie substantiellement, dans une conversion, les relations de l’homme à la nature, pensées non plus comme « une emprise sur », mais comme « un être en prise avec ». « Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent (…) Observez les lis des champs », écrivait Matthieu (6, 26). Mais une expérience spirituelle, aussi intense soit-elle, ne fait pas, à elle seule, une culture. Trouvera-t-elle à se traduire et à irradier l’ensemble d’une culture par la médiation des institutions politiques et religieuses ? Une religion peut-elle se mettre à l’école spirituelle de l’écologie, via une théologie de la création ?
Quid également d’une politique attentive aux changements de consommation et aux enjeux environnementaux, capable de traduire cette conversion du regard porté sur la nature dans des institutions, des modes de décision, des options fiscales ? Une mystique écologique peut-elle enrichir une mystique républicaine en ayant une conception intensive de la liberté consciente de ses appartenances, une visée d’égalité environnementale couplée à la justice sociale, un enrichissement de ce qu’engage l’idée de fraternité à l’égard des humains, mais aussi des non-humains et des milieux ?
Le spirituel contemporain, qui s’exprime aussi comme spiritualité laïque, refusant d’accorder aux religions le monopole du spirituel, est une expérience. C’est une expression profonde du cœur de l’homme, qui veut dire en l’homme ce qui le dépasse dans sa communion avec la nature. Aussi résiste-t-il à son institutionnalisation, à sa traduction dans une communication religieusement et liturgiquement instituée et contrôlée, théologiquement « raffinée ». Profondément anarchique, et pour cette raison très vite jugée et déjugée comme païenne (new age, antichrétienne et idolâtre), cette expérience spirituelle paraît universelle, regimbant à son inscription dans une culture, une religion, une société, un langage. Mais ne renvoie-t-elle pas toutes les religions à une expérience de l’essentiel dont elles sont aussi le mémorial et qu’elles célèbrent ? Cette expérience spirituelle ne vient-elle pas ouvrir ce que la religion, avec ses dogmes, risque de fermer ? Le spirituel rappelle le caractère fondamentalement instable, finalement, de toute religion, laquelle tente d’instituer dans le langage du monde des hommes une épreuve transcendante qui bouleverse, par sa puissance fécondante, novatrice. Toute tradition religieuse est prise dans cette tension qui est de reprendre et d’aménager en manières, rites et dogmes la fragilité native de cette épreuve d’être vivant parmi les autres vivants, humains et non-humains. La spiritualité écologique redonne une consistance à cette précaire intensité de relations. Il s’agit de la faire sonner et durer !
1 Lynn White Junior, « The historical roots of our ecologic crisis », Science, vol. 155, n°3767, mars 1967, pp. 1203-1207.
2 L’astrolâtrie et la zoolâtrie sont des cultes rendus respectivement aux astres et aux animaux ou à leurs représentations [NDLR].
3 Genèse 1, 28.
4 La tradition biblique, d’ailleurs, ne craignait pas d’en témoigner : « Comme un cerf altéré cherche l’eau vive (…) Mon âme a soif de Dieu » (Psaume 42), sollicitant une phénoménologie de la soif qui fait de l’eau non seulement la garantie d’une subsistance mais aussi ce qui augmente notre substance.
5 Dans son recueil Les regrets, Joachim du Bellay a consacré un sonnet à sa ville natale de Liré, dans les Mauges, en la comparant à la splendide Rome : « Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine : Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin, Plus mon petit Liré, que le mont Palatin, Et plus que l’air marin la douceur angevine » [NDLR].
6 Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois, Gallimard, 1990 [1854], chapitre VIII.
7 Cf. Patrick Viveret, « Écologie : pourquoi bouge-t-on si peu ? », Revue Projet, n°344, février 2015 [NDLR].