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« Maîtres et possesseurs de la nature ». Détachée du contexte dans lequel Descartes l’avait employée et amputée du « comme » qu’il avait prudemment utilisé, cette expression a fait florès et sert, le plus souvent inconsciemment, de mot d’ordre pour définir les relations de l’être humain avec son environnement, du moins jusqu’à la prise de conscience des enjeux environnementaux. Maître, l’homme se sent placé au centre de l’univers sur lequel il prétend pouvoir exercer une souveraineté illimitée. Possesseur, il entend pouvoir en disposer librement.
De prime abord, ces conceptions rejoignent parfaitement celles exprimées dans le mythe de la création de l’univers dans la Genèse (Gn 1). Ses auteurs font de la création de l’être humain le point culminant de l’œuvre créatrice de Dieu. Ils y expliquent qu’après avoir fait surgir du chaos initial la terre et sa végétation par une succession de séparations, Dieu créait les êtres vivants, œuvre cette fois-ci entièrement originale. D’abord ceux qui allaient peupler la mer et le ciel, puis ceux qui allaient vivre sur la terre ferme. Parmi eux, les animaux et les bestioles précèdent les êtres humains, ultime création de Dieu. Les auteurs précisaient par ailleurs que Dieu les avait créés à son image ou, plus exactement, comme sa statue – car tel est le sens exact de l’hébreu tsèlèm –, une précision qui renvoyait à la fonction qu’il leur attribuait, à savoir être son représentant tant auprès du monde animal que du monde végétal. De même que la statue d’un roi le représente, au sens diplomatique du terme, en son absence, de même l’être humain joue, par rapport au reste de la création, le rôle de Dieu. Cette mission, notons-le, est confiée par Dieu à l’ensemble des êtres humains, quel que soit leur sexe, quelle que soit leur origine et même leur religion. La nature exacte de cette mission est précisée dans le cadre de la bénédiction prononcée sur eux.
Après leur avoir octroyé une vie débordante : « Croissez, fructifiez, remplissez la terre », Dieu les investit de la mission de « soumettre la terre » et d’« assujettir » les autres espèces vivantes. Les verbes utilisés sont très durs, il ne faut pas chercher à les édulcorer. Nos mêmes auteurs emploient le premier de ces verbes pour désigner ailleurs le résultat de la victoire militaire des tribus israélites sur les populations de Cisjordanie, dont le territoire leur est désormais attribué et dont les populations leur sont soumises (Nombres 32, 22.29 ; voir aussi Josué 18, 1). Ailleurs, ils utilisent le second verbe pour qualifier la relation de maître à esclave, considérée comme naturellement empreinte de violence. Dans ce mythe, l’être humain est ainsi présenté sous les traits d’un conquérant violent, qui soumet des territoires ennemis – en l’occurrence le monde végétal – et réduit en esclavage ses populations – à savoir le monde animal. Le monde végétal apparaît de la sorte comme un espace à conquérir et coloniser, le monde animal comme une population qu’il faut mettre à son service.
Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que les milieux chrétiens sensibles aux questions écologiques aient été gênés par ce premier mythe. Ils ont cherché leur salut dans un autre mythe, non plus celui de la création de l’univers mais celui de la création de la végétation et des vivants (Gn 2, 4a-25). Après avoir planté un jardin, Dieu, appelé ici « Yhwh », fabrique un homme – au sens précis de masculin – afin d’y « travailler » et de « veiller dessus », pour reprendre la traduction de la « Bible des écrivains » (La Bible nouvelle traduction, Bayard, 2001). « Garder », « veiller sur », « sauvegarder », « protéger », « préserver » ou « maintenir », comme on traduit couramment, semble convenir davantage à ceux qui ont le souci de l’environnement. Il n’est malheureusement pas sûr que ces associations de mots correspondent au sens réel du terme hébreu que l’on traduit par « garder ». Dans la suite du mythe (Gn 3, 24), le même verbe est utilisé pour désigner la mission des chérubins que Yhwh a placés à l’entrée du jardin d’Éden. Armés d’une épée flamboyante, ces redoutables êtres célestes y sont chargés de « garder » le chemin menant à l’arbre de vie, afin d’empêcher le couple originel d’y accéder. « Garder », dans cette perspective, ce n’est donc pas « préserver », mais exercer une mission de police.
Il n’est pas sûr non plus que l’idée selon laquelle il revient à l’homme, masculin, de travailler ce jardin, et donc de l’entretenir, soit pleinement satisfaisante pour nos contemporains. Sans doute, dans ce mythe, l’homme n’est pas « maître et possesseur » puisque le jardin appartient à Dieu qui l’a planté et qu’Adam n’en est que le régisseur. Mais la conception qu’il développe concernant les relations des humains aux animaux ne convient pas nécessairement aux personnes sensibles à la condition animale. Constatant que l’homme est trop faible pour y satisfaire – selon ce second mythe, il n’est en effet que poussière de la terre, et donc fragile et évanescent –, Yhwh décide de lui adjoindre d’autres êtres vivants, à commencer par les animaux. Dans cette perspective, ils sont créés pour lui en venir en aide, pour être à son service en somme.
Le rapport de dominateur à dominé est d’ailleurs clairement exprimé par le fait que l’homme va attribuer un nom à ces animaux, tout comme le fait un suzerain avec les rois des peuples qu’il a soumis, afin de leur signifier qu’ils sont ses vassaux. Sur ce point, le second récit de la création n’est donc pas très éloigné du premier : l’être humain est au centre, le jardin lui permet de se nourrir, l’animal est là pour l’aider dans sa mission. L’image que ce récit donne de la femme ne correspond pas davantage à nos attentes : même si celle-ci est présentée dans une relation de supériorité par rapport à l’homme, il n’en reste pas moins le personnage central, celui que Dieu a spécifiquement chargé de garder et de cultiver le jardin et à qui animaux et femme sont seulement adjoints pour l’aider dans sa tâche.
Ici encore, celui qui veut s’appuyer sur la Bible pour justifier des rapports plus respectueux à l’environnement végétal et animal se trouve devant une impasse. Ou bien il respecte le texte, et celui-ci le renvoie à des rapports de domination, ou bien il le trahit pour le faire correspondre à son idéal. Au demeurant, il n’est pas sûr que l’on puisse légitimement extrapoler ce qui est dit à propos du jardin des délices (car tel est le sens de « Éden ») à l’ensemble de la terre.
Revenons au premier mythe. Car la lecture qui en est faite habituellement et qui nous a conduits, dans un premier temps, à le disqualifier, n’est peut-être pas tout à fait correcte. Elle pèche, en effet, en considérant que ce mythe trouve son point culminant dans la bénédiction que Dieu prononce sur les humains et que la suite n’est qu’un simple appendice, dont on peut parfaitement se dispenser. Des études récentes estiment ainsi que le récit de la création de l’univers s’arrête en Gn 1, 28. Tel n’est pourtant pas le cas.
En effet, après les avoir bénis, Dieu s’adresse une seconde fois aux êtres humains. Ce passage est souvent négligé par les commentateurs. Pourtant, le fait même qu’il s’agisse là des toutes dernières paroles adressées par Dieu aux humains aurait dû attirer l’attention. Ce discours, d’apparence bien prosaïque, porte sur la nourriture que Dieu destine aux êtres vivants : « Voici, je vous donne toute herbe qui porte semence sur toute la surface de la terre et tout arbre dont le fruit porte sa semence ; ce sera votre nourriture. À toute bête de la terre, à tout oiseau du ciel, à tout ce qui remue sur la terre et qui a souffle de vie, je donne pour nourriture toute herbe mûrissante. » Il ne s’agit pas, à l’évidence, de simples recommandations diététiques destinées à promouvoir un régime végétalien permettant aux humains et aux animaux de mener une vie plus saine. Une lecture moins naïve appelle deux observations.
La première est que la même nourriture (les végétaux) est attribuée par Dieu aux humains et aux animaux. C’est là leur seule nourriture. Ce qui implique que les humains, pas plus d’ailleurs que les animaux, ne sauraient accaparer pour leur usage exclusif cette ressource indispensable à leur vie. Ils doivent donc la partager. Dans cette perspective, l’être humain a une responsabilité particulière : il doit veiller à ce que les animaux puissent, eux aussi, jouir pleinement de cette ressource et en tirer des forces pour leur vie. Mais il y a plus. Partager la même nourriture, c’est aussi manifester et renforcer des liens de solidarité, c’est établir une communion entre les différents partenaires de ce repas. Par le biais de la nourriture est ainsi exprimée cette réalité que tous les êtres vivants, humains et animaux, sont unis par le fait d’avoir été, les uns et les autres, créés par Dieu.
Tous les êtres vivants, humains et animaux, sont unis par le fait d’avoir été créés par Dieu.
L’on peut aussi tirer de ce verset une seconde conclusion, négative. Puisque la nourriture assignée aux humains et aux animaux est exclusivement végétale, que celle-ci suffit à assurer leur existence, il n’y a nulle nécessité vitale, ni pour l’être humain ni pour l’animal, à tuer un autre être vivant. L’être humain, auquel la végétation suffit, n’a pas même besoin d’utiliser l’animal comme un moyen de production. Celui-ci n’est nullement destiné à lui procurer de la viande, du lait ou des œufs. L’animal peut vivre en pleine autonomie, sans être au service d’un autre animal ou d’un humain.
Il ne s’agit pas là, de la part des auteurs de ce mythe, de déclarations programmatiques. Ils savent aussi bien que nous qu’il existe des animaux carnivores, que le lion ne mange pas d’herbe mais se nourrit d’autres animaux. Ils n’ont évidemment pas la naïveté de croire qu’une quelconque injonction permettrait de contraindre les carnivores à devenir de paisibles végétariens. Ce que veulent ces versets, c’est promouvoir des valeurs : la solidarité entre vivants, la non-violence et le respect de la vie. Nos auteurs savent bien qu’il ne s’agit là que de donner une orientation, que la pleine mise en œuvre de ces valeurs ne peut devenir réalité que dans les temps eschatologiques. Mais dans l’attente de ce moment, dans un monde encore imparfait, marqué de fait par la violence, elles indiquent l’idéal vers lequel les humains doivent tendre, celui qui doit diriger toute leur action.
Ces ultimes instructions de Dieu aux humains ne marquent pas encore la fin du premier mythe. Celui-ci se prolonge au début du chapitre 2, qu’une coupure artificielle a d’ailleurs contribué à marginaliser. Marginalisation renforcée par le fait que les chrétiens ont souvent estimé que, s’agissant de la mise à part du septième jour, et donc de l’institution juive du sabbat, ils n’étaient pas véritablement concernés. Pourtant, le soin avec lequel ces quelques versets ont été composés aurait dû, ici encore, attirer l’attention sur leur importance. Leurs auteurs, en effet, se sont préoccupés de clairement les isoler pour les mettre en valeur, comme dans un écrin. Le verset 4a fait le lien avec le tout début de ce premier mythe de la création par la reprise de ses mots-clés (en séquence inversée), à savoir le couple « cieux et terre » et le verbe « créer » : il en marque ainsi la conclusion. Par ailleurs, la notice sur le septième jour est rédigée d’une bien curieuse façon, reprenant à trois reprises les mêmes formulations, tout en y ajoutant à chaque étape un élément : « Dieu acheva le septième jour son œuvre qu’il avait faite » (v. 2a), « et il se reposa le septième jour de toute son œuvre qu’il avait faite » (v. 2b), « car il se reposa en lui de toute son œuvre que Dieu avait créée pour la faire » (v. 3b). Ces redondances, dans lesquelles les commentateurs n’ont souvent vu que le signe d’une maladresse stylistique ou la marque d’interventions rédactionnelles, mettent en valeur les mots de la création qui, lus de la fin vers le début, en forment comme un résumé : « Dieu », comme unique auteur, « créer », pour caractériser la nouveauté de cette œuvre, « toute », pour suggérer qu’il n’y a rien que Dieu n’ait créé, « se reposer », qui marque l’achèvement. Ces redondances visent surtout à attirer l’attention sur l’affirmation centrale : « Dieu bénit le septième jour et le sanctifia » (v. 3a), autrement dit, le mit à part pour s’en réserver l’usage exclusif.
Les humains ne sont pas « maîtres et possesseurs de la nature », mais gestionnaires d’un bien dont ils ne peuvent disposer librement, car il n’appartient qu’à Dieu.
Ainsi, en lisant jusqu’au bout ce premier mythe de la création, on comprend que la mission de soumettre et d’assujettir ne constitue en aucun cas un blanc-seing permettant aux humains d’agir comme ils l’entendent vis-à-vis du reste de la création. Une double limite est imposée à cette mission. L’asservissement des animaux ne peut aller jusqu’à les priver de ce qui est indispensable à leur existence (la végétation), encore moins jusqu’à les utiliser comme simples producteurs et en aucun cas à les tuer. Les humains, bien au contraire, doivent veiller à ce qu’ils puissent, eux aussi, profiter pleinement de la nature, source de vie pour eux aussi. Le septième jour marque une seconde limite : les humains sont responsables devant Dieu de leur gestion. Ils ne sont justement pas « maîtres et possesseurs de la nature », mais seulement gestionnaires d’un bien qui ne leur appartient pas et dont ils ne peuvent, de ce fait même, disposer librement, car il n’appartient qu’à Dieu.
Ces leçons seront inculquées par le biais du rite et insérées dans le quotidien. L’interdiction absolue de « manger le sang », qui contient la vie, qui est vie, édictée par Dieu à l’issue du déluge (Gn 9, 2-4), rappelle que la vie appartient à Dieu qui l’a créée. Les humains n’ont donc pas sur l’animal un pouvoir de vie et de mort. La vie est sacrée. Y attenter constitue un sacrilège. Mais si, désormais, dans un monde bien éloigné de l’utopie originelle et marqué par la violence, Dieu autorise l’abattage des animaux en vue de servir à la nourriture humaine, c’est afin d’offrir aux humains un dérivatif à la violence, à l’origine du déluge (Gn 6, 8). La mise à mort d’un animal n’est pas pour autant un acte banal. Elle reste une forme de meurtre, que Dieu, par réalisme, se voit contraint de tolérer. Si Dieu autorise alors la consommation de toute espèce animale, la loi propre à Israël n’autorise la consommation que d’un nombre limité d’espèces, interdisant la majorité d’entre elles (Lévitique 11 et Deutéronome 14). Par cette limitation, Israël devient le témoin et le porteur des valeurs données au moment de la création de l’univers : le respect de la vie et la non-violence. De son côté, l’obligation du respect du sabbat, qui se traduit par l’interdiction absolue de toute activité quelle qu’elle soit, rappelle semaine après semaine, mois après mois, année après année, la souveraineté de Dieu sur l’univers dont il est le créateur, un univers dont l’être humain n’a que l’usufruit. Et l’institution du sabbat lui enseigne encore qu’à l’instar de Dieu, qui en a fait son régisseur, il a droit, après avoir travaillé pendant six jours, à un repos qui lui permet de reprendre souffle (Exode 31, 17).
Dieu autorise l’abattage des animaux en vue de servir à la nourriture humaine afin d’offrir aux humains un dérivatif à la violence, à l’origine du déluge.
Mais alors pourquoi ces verbes « soumettre », « assujettir », qui expriment une telle violence ? En réalité, ils marquent clairement d’autres limites, indiquées par ailleurs par le fait que poissons et oiseaux sont créés le cinquième jour alors qu’animaux et humains le sont le sixième, et que, à la différence des humains, les animaux terrestres ne font pas l’objet d’une bénédiction. Par l’emploi de ces verbes, les auteurs signifient la distance qui doit séparer les humains du reste de la création. Les animaux ne sont pas les égaux des humains. Et la nature végétale n’est pas à mettre sur le même plan qu’humains et animaux : elle est uniquement destinée, grâce au travail des humains, à produire de la nourriture pour les uns et les autres. Il s’agit encore moins de les diviniser : les animaux sont des créatures, non des dieux. Les arbres, les plantes, contenues en germe dans le chaos initial, doivent leur existence à Dieu qui les a fait surgir par sa parole, ce ne sont pas des divinités. Il y a dans ces verbes la marque d’une volonté de désacralisation qui s’inscrit dans la lutte contre toute forme d’idolâtrie. Il n’y a de dieu que Dieu. La gestion confiée aux humains – aux hommes comme aux femmes – devra trouver son équilibre dans la bonne distance qui sépare les humains du monde animal. Ni trop proche, car cela reviendrait à nier la spécificité des humains, ni trop éloignée, car ce serait ignorer ce qui les unit, à savoir la vie que Dieu leur a donnée, et mépriser la responsabilité que Dieu leur a confiée – à savoir : veiller à ce qu’ils puissent vivre de manière pleinement autonome.
Les militants chrétiens de l’écologie, mais aussi tous ceux pour qui ces écrits font autorité, peuvent ainsi fonder à bon droit leurs réflexions sur le mythe de la création de l’univers qui ouvre la Bible. Mais à condition de le lire jusqu’au bout, sans l’amputer de ses prétendus appendices. Ce mythe les renforcera dans leur conviction d’une gestion responsable de l’environnement, prenant en considération le droit des autres êtres vivants et des générations futures. Il leur rappellera qu’ils ne sont pas « maîtres et possesseurs de la nature », mais seulement ses gérants, et qu’ils doivent rendre compte de leur gestion auprès de Dieu.
Dans son Discours de la méthode (au début de la sixième partie), Descartes écrivait, à propos de ses notions générales de la physique : « Elles m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices, qui feraient qu’on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie ».
Sur ce récit, voir Paul Beauchamp, Création et séparation. Étude exégétique du chapitre premier de la Genèse, Cerf, 2005 [1969] et sur Gn 1-11 plus généralement, et moins technique, Pierre Gibert, Bible, mythes et récits de commencement, Seuil, 1986, pp. 57-155.
Traditionnellement attribués à Moïse, les cinq premiers livres de la Bible sont, en fait, le résultat d’un long travail mené par des auteurs anonymes sur plusieurs siècles et achevé vers la fin du VIe siècle avant notre ère.
La gêne est clairement perceptible chez certains commentateurs. « Plutôt que d’impliquer une autorisation d’exercer un pouvoir dictatorial sur le reste de la création, les verbes [« soumettre » et « assujettir »] dans ce contexte de création et de bénédiction doivent être compris comme référant à une suprématie qui est harmonieuse et mutuellement bénéficiaire » (James McKeown, Genesis. The two horizons Old Testament commentary, Wm. B. Eerdmans Publishing Co., 2008, p. 27). Considérations pieuses, que ne saurait compenser l’absence d’arguments.
Contrairement à ce que donne à penser le mot français « aide » (avec une connotation d’infériorité) utilisé à son propos, son équivalent hébreu ‘ézèr implique l’idée d’une supériorité, d’une possibilité de venir en aide. Il est tout à fait significatif que, sur la vingtaine d’emplois de ce terme, les trois quarts le sont à propos de Dieu et le reste (en dehors des deux attestations de Gn 2) à propos d’une nation étrangère que l’on appelle à l’aide.
Bill T. Arnold, Genesis, Cambridge University Press, 2008 et J. McKeown, Genesis, op. cit., ne le commentent même pas !
« Toute herbe mûrissante » ne désigne pas une catégorie particulière de végétaux ; comme le montre clairement Gn 9, 3, c’est une expression générique qui recouvre toutes les formes végétales.
Cf. Isaïe 11.
Ceci uniquement afin de mieux les différencier des humains.