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« Elle a payé son loyer plutôt que le gaz et l’électricité »


À l’accueil social de Montpellier, le nombre des personnes en situation de précarité énergétique qui sollicitent une aide pour payer leurs factures d’électricité et de gaz a tellement augmenté que le Secours catholique a dû repenser sa façon de les accueillir et de traiter leurs demandes.

Depuis décembre 2012, une demi-journée est réservée aux questions d’énergie. Chaque mois, une trentaine de personnes sont reçues : elles bénéficient d’un atelier collectif suivi d’un entretien individuel avec un bénévole pour étudier leur situation et trouver des solutions appropriées. Cela a pu se mettre en place grâce à la signature de deux conventions : l’une, au plan national, entre EDF et le Secours catholique (novembre 2010), l’autre, au plan local, entre GDF-Suez et la délégation du Secours catholique de l’Hérault (janvier 2012).

Dans le cadre de ces partenariats, les fournisseurs ont mis en place une formation pour une dizaine de nos bénévoles. Quels gestes permettent de maîtriser sa consommation d’énergie ? Comment lire et comprendre ses factures ? Quels sont les dispositifs de délais de paiement ? Quels tarifs sociaux permettent aux personnes à faibles ressources de réduire leurs factures de gaz ou d’électricité ?… Autant de sujets maintenant abordés dans les ateliers hebdomadaires.

Par ailleurs, nous avons des échanges privilégiés avec les pôles solidarité d’EDF et GDF-Suez, qui rendent accessibles aux travailleurs sociaux et aux associations partenaires le suivi des dossiers des clients en difficulté. Nous pouvons ainsi, en cas de coupure, faire rétablir le gaz et l’électricité moyennant le paiement d’environ 20 % de la facture, ou éviter la coupure pendant deux mois, le temps de chercher une solution, mettre en place des échéanciers de paiement ou des plans d’apurement de dettes (jusqu’à douze mensualités). Cette démarche se fait avec l’accord et la participation des familles : nous les accompagnons donc sur une longue durée.

Je prendrai l’exemple de cette jeune femme qui élève seule ses deux enfants. Reconnue travailleur handicapé à 50 %, elle travaillait comme aide à domicile chez un couple de personnes très âgées. Elle n’a pu continuer ce travail pour raison médicale et son contrat de travail a été rompu d’un commun accord. Aujourd’hui, elle cherche un reclassement avec l’appui de Pôle emploi. Ses ressources mensuelles sont d’environ 1000 euros (allocations retour à l’emploi, familiales et logement) pour 835 euros de charges fixes. Avec le « reste à vivre », 165 euros, elle doit nourrir et vêtir trois personnes. Comment, dès lors, payer toutes ses charges courantes, surtout quand l’allocation d’aide au retour à l’emploi est versée tardivement ? Elle a privilégié le paiement de son loyer et n’a pas acquitté ses factures d’électricité et de gaz d’octobre à décembre (390 euros au total). Nous l’avons rencontrée à la demande de son assistante sociale et lui avons accordé une aide financière de 200 euros. Lors d’un deuxième entretien, nous avons discuté avec elle des modalités de paiement du reste de la dette et négocié, avec les pôles solidarité d’EDF et GDF-Suez, un étalement du remboursement sur dix mois, pour que les mensualités n’excédent pas 20 euros. Nous avons mis en place un règlement par mandat cash plutôt que par virement et choisi les dates de paiement pour s’assurer de l’approvisionnement du compte bancaire. Nous avons ensuite obtenu son inscription à l’épicerie solidaire du Secours catholique pour trois mois, lui donnant ainsi accès à des provisions à prix modiques le temps qu’elle rééquilibre son budget. Des rencontres régulières permettent de suivre les remboursements et d’aborder l’ensemble de sa situation. Ainsi, lorsque la facture d’énergie du mois de février (165 euros) est arrivée, nous avons obtenu un étalement de paiement sur deux mois.

Le bilan de ces partenariats, réalisé une à deux fois par an au cours de rencontres entre les bénévoles de notre accueil énergie et les correspondants solidarité d’EDF et GDF-Suez, est positif. Pouvoir accompagner les familles sur du long terme, avec leur participation active, avec l’assurance que l’aide du Secours catholique permettra de maintenir la fourniture de gaz et d’électricité au-delà de la période hivernale (1er novembre-15 mars), est un réel progrès pour tous. Nous restons toutefois vigilants, en faisant part régulièrement de notre inquiétude aux fournisseurs de gaz et d’électricité face à la hausse des prix et à l’augmentation du nombre de familles en précarité énergétique.

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