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S’atteler à définir ce qu’est la littérature expose perpétuellement à des vents contraires aussi anciens que la littérature elle-même. Et si cette tension restait irrésolue ?
Pour enseigner la littérature, encore faut-il savoir ce qu’elle est et se montrer capable de la définir. Rien n’est plus difficile aujourd’hui, à supposer qu’aucune définition de la littérature ne nous ait jamais paru consistante et durablement tenable. Dans une déploration dont la modernité est coutumière, qui répète la critique de l’« universel reportage » de Mallarmé, beaucoup se plaignent qu’elle n’existe plus, ou que trop peu, qu’on l’ignore ou qu’on la noie dans des usages automatisés de la langue.
Mais le lamento à propos de la disparition de la littérature n’est que le revers de sa diffusion au-delà de ce qui parut durant quelques siècles à des lettrés. Car, en réalité, ce qu’on appelle « la littérature » est un domaine qui s’étend à vue d’œil depuis le début du siècle. À mesure de cette extension, son idée menace en effet de devenir inconsistante ou vide. On pourrait donc être tenté de la recentrer, mais, dès qu’on la concentre, on la démultiplie. L’idée de littérature devient alors à la fois beaucoup trop autoritaire et trop étroite. Il est vrai qu’il est aisé de confondre la littérature avec une en particulier.
Lorsque Sartre répond à la question « Qu’est-ce que la littérature ? », en distinguant quasi ontologiquement la poésie comme règne du son sur le sens et la prose, à l’usage véhiculaire du mot et de sa matérialité en vue d’une signification, il force à la fois une distinction intenable historiquement, mais révèle aussi la situation du corpus à partir duquel il voudrait penser la littérature dans son universalité : c’est la littérature enseignée à l’école de la République française.
L’idée même de la poésie comme travail de la matérialité du mot contre son sens y semble construite ad hoc à partir d’une obsession mallarméenne et on peinera à y
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