À quoi sert la littérature ? À rien, et à tout. Inutile, dans une approche étroitement utilitariste, elle est pourtant une invitation à une expérience radicalement subjective du monde. Elle propose une confrontation immédiate à de multiples altérités, celles de la langue, de la culture, du temps, de l’humanité d’avant la nôtre, des mœurs, de l’espace, etc. Seule, la littérature est en mesure de proposer cette expérience intime. En cela, elle nous humanise.

En interrogeant la littérature et ses pratiques, cette édition de la Revue Projet répond à l’invitation du pape François formulée dans sa Lettre sur le rôle de la littérature dans la formation, parue en juillet 2024.

« Gymnase du discernement », elle nourrit notre vie intellectuelle, émotionnelle et intérieure. Elle lui donne une richesse et une épaisseur auxquelles fait obstacle l’instantanéité de l’affect médiatique. Elle nous accompagne dans nos engagements, nous fait sentir et penser autrement en fragilisant nos certitudes. Le lecteur n’est pas un juge de surplomb, un critique moralisateur. Dans la lecture, il est incertain et tâtonnant. La lecture fait grandir « une liberté de conscience et d’hospitalité en quête d’universalité » (cf. C. Tuduri).

La lecture sollicite l’intelligence et l’imagination, le jugement et l’émotion d’une manière absolument singulière. 

Et pourtant « la littérature et les discours qui la glosent ont bel et bien perdu la place centrale qu’ils occupaient depuis l’Antiquité dans les sociétés européennes, au profit des sciences et des techniques » (cf. S. Baudry). L’industrie du divertissement et ses supports démultipliés (écrans, téléphones, jeux) contribuent à cette marginalisation croissante. Par ailleurs, « les institutions qui garantissaient la valeur économi