Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Depuis toujours s’opère une alternance d’oublis et de réhabilitations des œuvres littéraires, mettant en lumière des crises de lisibilité. Comment un grand texte voyage-t-il à travers le temps ?
Mille dispositifs critiques passent au crible les œuvres littéraires, mais ces dernières survivent encore à leur « enterrement » scientifique. Nulle évaluation définitive et normative ne peut s’approprier leur faculté à signifier la vie, l’homme, son histoire et ses histoires. Même la plus bornée des œuvres de fiction forme un monde à part : nous devenons par elle contemplatifs dans la lecture.
De plus, en refigurant une œuvre, nous nous exposons aussi à être lus de l’intérieur par les pensées, les émotions, les événements du livre en train de se donner en partage. La lecture ne peut pas s’opérer sans la simultanéité salvatrice d’une interprétation et d’une introspection. La littérature a beau avoir donné lieu à mille formes d’institutions, elle demeure, contre vents et marées, une énigme. Sans objet constitutif irréfutable ni statut vraiment légitime, a-t-elle autre chose à transmettre que l’intransmissible ?
En la critiquant, nous la faisons vivre, mais nous ne sommes jamais à la hauteur de l’engagement des auteurs que nous souhaitons faire connaître. Le commentaire littéraire est une médiation entre l’excès et la mesure, entre le monde fuyant et inassimilable de l’œuvre et le commerce de sa réception par une raison éducative et pédagogique.
Le Bateau ivre de Rimbaud se change en bateau de croisière ou en un Nautilus positiviste à la Jules Verne.
Pour le dire en une seule image, le Bateau ivre de Rimbaud se change en bateau de croisière ou en un Nautilus positiviste à la Jules Verne, la foudre d’un génie adolescent en un prêt-à-consommer politiquement correct.
Que faire d’un « mystique à l’état sauvage » aussi éclatant qu’encombrant ? Nous devons monnayer sa présence avec une prudence habile face à des publics parfois jeunes et fragiles prêts à tout imiter.
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