Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Deux événements bornent la perception actuelle du « monde arabe » dans les opinions occidentales : le soulèvement tunisien de 2010 – qui a enclenché le « printemps arabe » –, et l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 sur les kibboutz et les postes militaires qui constituent « l’enveloppe de Gaza ».
Ainsi, soit les Arabes sont en marche vers les « Lumières », cherchent à s’affranchir de leurs archaïsmes et aspirent à « nous » ressembler, soit ils sont irrémédiablement barbares, assignés à un obscurantisme violent et, pour tout dire, les « ennemis de notre civilisation ». En ce sens, le 7 octobre a élargi et durci une fracture ancienne. Il a rendu presque inaudible toute tentative de compréhension des sociétés arabes en dehors de ces clichés.
Au-delà de l’effroi légitime qu’ont suscité les violences perpétrées ce jour-là, cet effort de compréhension reste nécessaire. Entre ces deux pôles, Lumières et barbarie, les sociétés arabes continuent à formuler leurs propres projets de libération et de progrès, contre les forces rétrogrades intérieures, mais aussi contre la domination occidentale, souvent articulée aux despotismes locaux. C’est à cet effort de décentrement qu’invite ce dossier.
Qu’avons-nous raté dans la compréhension des soulèvements arabes pour être aussi décontenancés par leur évolution ? N’avons-nous pas projeté sur cet écran nos rêves et nos cauchemars ? De quels imaginaires les acteurs ont-ils investi ces événements, en Syrie notamment ?
Les chrétiens d’Orient sont généralement perçus comme un prolongement de l’Occident en terre islamique hostile. Or, loin de les protéger, cette victimisation a pu au contraire fragiliser leur position et occulter leur puissance d’agir dans un univers dont ils sont partie prenante.
La question palestinienne est plus que jamais le nœud de la relation entre Occident et monde arabe. Quelles sont les dynamiques politiques qui travaillent la société palestinienne ? Alors que les aspirations à la justice et à la liberté devraient réunir Arabes et Occidentaux, pourquoi la Palestine cristallise-t-elle autant d’incompréhension ? Quel est le projet régional des puissances arabes, partenaires privilégiées des pays Occidentaux ?
Alors que les tensions régionales approchent d’un seuil paroxystique, il est plus urgent que jamais de dépouiller les mondes arabes des clichés qui entravent leur compréhension. Puisse ce dossier apporter une petite contribution à cette tâche historique.