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Après avoir vécu en Algérie, la romancière palestinienne Suzanne el Kenz s’est exilée en France. à ses yeux, le « pays des droits de l’homme » a perdu ses idéaux universalistes, autrefois incarnés dans les luttes anticoloniales.
Avant de m’établir en France vers la fin de l’année 1995 pour un nouvel exil – mon mari, Ali el Kenz, sociologue algérien renommé, m’ayant précédée –, ma connaissance de ce pays avait été marquée par les lectures de Français « engagés » dans le combat pour l’indépendance de l’Algérie ou contre la torture : André Mandouze, Pierre Vidal-Naquet, Claude Bourdet, Gisèle Halimi et tant d’autres. Ces hommes et ces femmes avaient dans mon esprit une filiation directe avec les valeurs de justice et de liberté de la Révolution française.
Mon mari avait grandi à Skikda, nommée Philippeville jusqu’en 1962, ville côtière de l’est algérien dont la géographie avait été structurée par les autorités coloniales pour organiser la ségrégation, la domination et la surveillance des colonisés, ce qui en fit l’un des viviers du mouvement national de libération. Il était d’ailleurs issu d’une famille de militants au sein du Front de libération nationale (FLN) entre le djebel [littéralement « la montagne » au sens où l’on parle du « maquis » pour les résistants français, ndlr] et la ville.
Lui et les siens ont toujours témoigné d’un immense respect pour ces intellectuels français qui ont su penser « contre les leurs » en choisissant la justice. Ils étaient l’expression sans équivoque d’un esprit universaliste où les valeurs d’humanité ne sont pas l’apanage d’une nation, d’une ethnie, ou d’une « couleur ». Pour beaucoup d’Algériens, ces Français, souvent honnis dans leur pays, ont sauvé l’honneur de la France.
Pour la Palestinienne que je suis, le regard que ces femmes et ces hommes ont porté sur les Algériens avait une signification intime. Ils ne considéraient pas les combattants du FLN comme des fellaghas – terme à connotation péjorative employé pour désigner les
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