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Pour asseoir son idéologie totalisante, le président chinois n’hésite ni à instrumentaliser les philosophes classiques ni à réinventer l’histoire. Sans ambages, la sinologue Anne Cheng, spécialiste de Confucius, analyse cette torsion.
La silhouette frêle d’Anne Cheng, professeur au Collège de France et titulaire de la chaire d’histoire intellectuelle de la Chine, masque une travailleuse infatigable, qui passe d’un projet à l’autre sans s’accorder beaucoup de répit. De retour d’Inde, où elle est allée rencontrer des collègues philosophes, elle s’extasie : « Ah, la Chine aurait tant à apprendre de l’Inde en matière de “soft power”. L’Inde a beau être dirigée par un ultra-conservateur, son attrait pour le monde reste intact, alors que la Chine… » Un grand soupir. La Chine est devenue sa douleur, dit-elle, d’un souffle. « Comment a-t-on pu en arriver là ? »
Elle qui a consacré tant d’énergie à la traduction des Entretiens de Confucius (Points, 2014) se dit ulcérée par l’usage que les dirigeants chinois en font. « L’utilisation de la personnalité de Confucius par les dirigeants chinois date de bien avant Xi Jinping. Ses prédécesseurs avaient commencé à s’en inspirer et à parler d’harmonie sociale, ce qui a donné le fameux concept de hexie. »1
Au nom de ce hexie, le prédécesseur de Xi Jinping augmentait le budget de la police de façon stratosphérique pour garantir la stabilité sociale, dans un contexte où les manifestations de mécontentement ne cessaient d’augmenter. « Nous sommes déjà bien loin de la sagesse confucéenne qui prône la paix sociale par l’exemple et le respect », regrette la sinologue.
Sinologue, Anne Cheng a mené ses travaux sur l’histoire intellectuelle de la
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