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En France, la prévention des manifestations violentes justifie politiquement la pénalisation du mouvement social, au détriment de la séparation des pouvoirs. Réelle ambition ou faux nez d’une volonté de museler les voix contestataires ? Le regard d’une magistrate.
Chargé de résoudre les litiges afin d’empêcher qu’ils ne s’achèvent dans la violence, le juge exerce une fonction pacificatrice dans nos démocraties. Cette pacification impose de sanctionner les atteintes les plus graves aux valeurs que notre société défend. Au premier rang desquelles figure la dignité de l’individu, dans son intégrité physique et psychique.
Or il est un domaine dans lequel le juge échoue à assurer cette fonction : celui des violences commises à l’occasion des manifestations. La réponse judiciaire ne satisfait ici personne. Il faudrait réprimer plus sévèrement les manifestants violents qui s’en prennent aux forces de l’ordre et confisquent le droit de manifester du plus grand nombre. Mais il faudrait aussi sanctionner les violences policières – au sens de violences illégitimes commises par les forces de sécurité intérieure, police ou gendarmerie – qui sapent la confiance des citoyens en leur police et les dissuadent d’aller manifester
Ces demandes sociales ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Force est pourtant de constater le profond déséquilibre dans l’action de l’autorité judiciaire en la matière. Dans un contexte de fortes contestations sociales contre certains projets de loi ou mesures gouvernementales (loi travail, réforme des retraites, loi sur la sécurité globale, passe sanitaire, etc.), un discours politique déniant aux citoyens le droit d’exprimer leur opinion par la manifestation s’est systématisé. « Ce n’est pas la rue qui gouverne », répète-t-on. Les gouvernements successifs ont progressivement focalisé leur attention (et celle des médias) sur les violences en manifestation, privilégiant à l’excès la réponse pénale à la réponse politique de fond.
Soulignons d’abord que la doctrine du maintien de l’ordre a évolué. Elle intègr
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