Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Après avoir enseigné la programmation informatique à l’université, j’ai eu l’occasion d’intervenir dans le secondaire (lycée et collège). Et j’ai rapidement préféré les activités avec les collégiens au cours magistral devant un amphithéâtre d’étudiants. Mes compétences en code informatique m’ont naturellement orienté vers une réflexion sur l’intégration des usages numériques au service de la pédagogie. J’ai ainsi développé une multitude d’outils dans le cadre d’un site web. Lors de la préparation des séquences, je recherche des situations où je ne sois plus dans une démarche de transmission directe de connaissances, mais où je me positionne comme celui qui aide l’élève à résoudre un problème.
Depuis cinq ans, j’enseigne dans un collège de Saint-Brieuc où les élèves sont d’origines sociales très diverses (près de 45 % des élèves sont boursiers) et cette mixité est d’une grande richesse. L’établissement est réparti sur deux sites, avec une équipe pédagogique en partie commune. Chaque site dispose d’une classe « Unité locale inclusion scolaire » pour les élèves présentant des difficultés particulières d’apprentissage. L’équipe pédagogique est très sensible aux problématiques liées aux élèves en difficulté, à l’inclusion d’élèves en situation de handicap et à la prise en compte d’enfants en situation de précarité.
Pour ma part, j’ai expérimenté, depuis la rentrée 2012, un dispositif de « classe inversée ». Outre qu’il modifie radicalement la posture et le rôle de l’enseignant, l’un des objectifs est d’impliquer davantage les élèves, de les rendre actifs, de leur permettre de s’approprier les connaissances, de rédiger ou de participer à la rédaction de leur propre trace écrite.
L’un des objectifs de la classe inversée : impliquer davantage les élèves, les rendre actifs, leur permettre de s’approprier les connaissances.
La première année, j’ai développé une plate-forme internet pour mettre à leur disposition des ressources accessibles à tout moment et en tout lieu (maison, CDI et classe). L’expérience, extrêmement riche, se heurtait cependant à ce dilemme : comment rendre des activités obligatoires à la maison sans créer des inégalités supplémentaires ? Pour de multiples raisons, les élèves ne pouvaient pas tous consulter les ressources convenablement (équipement numérique obsolète ou absent, difficulté d’accès à internet, etc.). J’ai ainsi été conduit à revoir l’organisation de la classe inversée en faisant en sorte que les ressources soient accessibles directement en classe, le travail à la maison et à distance devenant plus facultatif et complémentaire.
Depuis la dernière rentrée, Microsoft nous prête des tablettes, qui offrent une solution pour pallier cette inégalité. Tous les élèves peuvent désormais consulter les ressources mises à leur disposition. Chaque groupe (en général trois élèves par groupe) dispose d’une tablette. Les élèves peuvent l’utiliser en classe et la restituent en fin de cours. Ces tablettes favorisent ainsi la participation active des élèves à la production de traces écrites riches et variées. Il ne s’agit plus d’un document uniforme, distribué à toute la classe, mais d’une production adaptée qui correspond aux spécificités d’un élève ou d’un groupe d’élèves. Certains seront plus réceptifs à des supports type carte mentale, d’autres privilégieront l’explication ou les schémas.
Dans une situation de classe inversée, je ne suis plus simplement un transmetteur de savoirs : je deviens le plus souvent possible un accompagnateur, un guide et un animateur. Modifier le scénario pédagogique des séquences suppose un changement radical de posture : consacrer moins de temps à l’enseignement magistral afin de se rendre davantage disponible auprès de chaque élève.
Inclure des élèves qui présentent des difficultés particulières, bien identifiées, n’est plus alors un problème insurmontable, car je suis désormais dans une démarche d’accompagnement. Mon rôle est de donner des priorités dans les besoins de chaque groupe. Un « élève à problème » est un élève « normal » à aider et encourager comme les autres. Cette proximité de l’adulte peut alors être vécue par l’élève comme une prise en compte de sa difficulté et de l’intérêt qu’on lui porte. Le travail sur des séances de cours adaptées facilite son implication. L’aménagement de la classe, qui favorise la circulation et les échanges, peut aussi être un terrain favorable à l’intégration des élèves en situation de handicap.
Les réflexions de l’équipe pédagogique sur la démarche nous ont poussés à modifier et adapter la durée des séances. Réorganiser une demi-journée complète autour d’un cycle central est propice au travail en équipe, aux échanges, et favorise la création de projets interdisciplinaires, la co-animation, et le suivi des élèves en difficulté.
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