Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Les nouveaux élus, ou réélus, lors du scrutin de ce mois de mars, vont ceindre leurs écharpes aux couleurs de la République. A l’occasion de ce renouvellement des responsables politiques locaux, ce dossier de Projet se propose de réfléchir aux transformations de la représentation politique et d’en éclairer les enjeux pour notre démocratie.
Nouvelles, les écharpes le sont puisqu’un nouveau mandat commence : les équipes en place ont changé, parfois totalement, parfois seulement dans leur composition et dans leur équilibre. Les responsabilités sont réparties différemment. Mais, surtout, c’est à une évolution dans le rôle des élus que l’on assiste, une évolution des rapports entre les habitants et leurs mandants. Car les nouvelles écharpes du maire sont multiples. Il est le représentant de la République, le premier magistrat municipal. Il est, encore, l’animateur d’une participation démocratique, le président de l’instance délibérative, le conseil municipal. Il est enfin chargé des intérêts de la commune au sein des structures de coopération plus larges qui prennent de plus en plus d’importance.
La première partie de ce dossier souligne la complexité du métier de maire. Il se trouve en rapport avec des catégories d’acteurs très divers de sa commune : habitants des quartiers, associations, « communautés » étrangères, commerçants et entrepreneurs, enseignants et parents d’élèves, services municipaux, etc. Il négocie ou se concerte avec les représentants de l’Etat, les responsables économiques, ceux des communes voisines ou du département... En tout cela, il est chargé de représenter la commune, dans son unité et sa diversité.
La décentralisation a accentué ses responsabilités. Libérés de la tutelle a priori de l’Etat, les élus sont en première ligne pour répondre à tous les problèmes de leur territoire. Leur charge de travail s’est aggravée, au risque d’ailleurs de quelques abus de pouvoir. Pourtant, le maillage communal joue un vrai rôle de représentation de proximité, auquel les Français demeurent attachés.
Paradoxalement, deux chantiers se présentent ensemble pour la démocratie locale – la deuxième partie du dossier éclaire leur concomitance : celui de la proximité et celui du partenariat, de la coopération à un échelon plus large. On a besoin de « généralistes », rappelle le maire d’Orléans. Le maire a toujours été un médiateur, proche des gens, de leurs attentes, chargé de faire remonter leurs problèmes aux échelons supérieurs. Or son rôle de gestionnaire s’accroît et il devient plus lointain. La demande insistante s’exprime d’une démocratie renouvelée, plus participative, souhaitant que les débats autour des grands projets ne soient pas réservés aux techniciens et aux experts. Les élus se font organisateurs de cette prise de parole. Un travail de préparation, de dialogue, devient nécessaire, dont les conseils d’habitants sont l’une des faces. Reste à s’assurer que cette volonté nouvelle de communication ne se réduise pas seulement à une stratégie de marketing, avec le poids – là encore – des experts du rapport à l’opinion. Il est vrai que le dialogue s’accompagne de questions. Une somme d’intérêts particuliers ne produit pas nécessairement l’intérêt général. Au nom de l’efficacité, le maire est responsable de cet intérêt général, mais il y a plusieurs façons de le construire. Il peut y avoir, en particulier, des habitants non représentés dans cette élaboration.
Mais, par ailleurs, dans de nombreux domaines, les enjeux pour l’avenir de la vie locale se trouvent fragmentés entre de multiples territoires. Cette segmentation n’assure pas une vraie cohérence, sur le plan fiscal et sur le plan politique. Des coopérations s’organisent, mais on n’a guère mobilisé les intérêts pour les construire. Elles demeurent une affaire entre élus... Au travers des « pays », des syndicats, des communautés, l’environnement de ces derniers a changé : insérés dans des réseaux de politiques publiques, ils deviennent des développeurs locaux, dont le pouvoir est dispersé entre de multiples structures. En même temps, l’autonomie fiscale des collectivités recule, alors qu’on leur demande davantage en matière économique et sociale. Si au couple commune/département se substitue peu à peu l’union entre intercommunalité et région, les enjeux pour la représentation n’en sont pas complètement perçus.