De nombreux préjugés font obstacle à la compréhension de la grande pauvreté : par exemple, les personnes en situation de pauvreté seraient dénuées de savoirs ou même d’intelligence, elles ne seraient pas forces de propositions ou d’actions contre la misère.

Combattre ces idées reçues est un enjeu de justice épistémique – c’est-à-dire en matière de connaissance et de savoir – et de lutte contre la pauvreté. Donner aux personnes vivant la pauvreté la possibilité d’exercer et de voir reconnaître leur puissance de pensée, c’est placer au cœur de la lutte contre la misère les savoirs qui en sont issus et qui sont trop souvent ignorés.

Une recherche participative (2019-2023) initiée par le mouvement ATD Quart Monde a fait le pari de la co-construction d’un savoir sur la pauvreté, fondé sur une « égalité radicale des intelligences1 ». Elle a réuni une trentaine de co-chercheurs issus de mondes culturels et sociaux très éloignés : des militants ayant l’expérience de la pauvreté et engagés dans le mouvement, des volontaires ou alliés d’ATD Quart Monde (identifiés comme « praticiens ») et des philosophes de profession.

Chercher ensemble

Le point de départ de cette recherche était : comprendre la pauvreté ne doit pas invisibiliser celles et ceux qui la vivent, mais implique de reconnaître leurs savoirs de l’injustice. Co-chercher a pris la forme d’un « croisement des savoirs », méthodologie inventée par ATD Quart Monde dans les années 1990 pour permettre aux personnes vivant la pauvreté de construire leur savoir en autonomie et en réciprocité, avec des savoirs d’action et des savoirs théoriques universitaires.

Nous nous sommes réunis deux fois par an pour des séminaires de quatre à cinq jours en immersion, pend