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Les émeutes de novembre 2005 ont profondément choqué l’opinion publique. Pendant plus d’un mois, tous les soirs, les journaux télévisés montraient des jeunes en train de brûler des voitures et de « caillasser » les forces de l’ordre, et ceci dans toute la France. Sous prétexte de respecter les identités, les visages floutés et encapuchonnés rendaient les jeunes encore plus menaçants. Déjà beaucoup d’adultes se demandaient comment des moins de 30 ans, ainsi « dévoyés », pourraient trouver du travail. De là à accuser les jeunes chômeurs, leurs parents ou leurs éducateurs, il n’y avait qu’un pas, trop facilement franchi par des hommes politiques en mal de rhétorique sécuritaire.
Or les responsabilités éducatives sont toujours collectives. Responsabilité de l’école d’abord, du fait de son rôle déterminant : Stéphane Beaud montre comment le décrochage scolaire1 touche d’abord la jeunesse populaire, handicapée par la paupérisation des familles et l’intensification de la compétition scolaire. Responsabilité des politiques publiques qui promeuvent plus l’animation qu’elles ne soutiennent l’éducation populaire, comme le dénonce Bernard Bier. Fracture d’usage entre des parents qui ne savent pas prendre du recul par rapport aux nouvelles technologies de la communication et ceux qui accompagnent les découvertes de leurs enfants (voir l’analyse de Serge Tisseron). Et si les adultes étaient aveuglés par le mythe de l’autoéducation, véhiculé par une culture qui valorise l’expérimentation et la réussite individuelle ? Pour Jacques Arènes, la publicité et les médias promeuvent un modèle illusoire que les milieux favorisés se gardent bien d’appliquer à leurs enfants. Ce que décrit Éric Marlière, à partir d’une cité de Gennevilliers, serait ainsi l’image de la fragmentation de la jeunesse française. Elle est pourtant notre avenir.