Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
« J’ai 32 ans, je travaille comme ingénieure dans la recherche-développement sur les énergies renouvelables. Je me suis intéressée de plus près à la politique en 2007, non satisfaite d’en être réduite à choisir le moindre mal aux législatives. C’est en témoignant lors d’une session de « La Politique, une bonne nouvelle » en 2008 que j’ai décidé de m’engager, avec le souci de la dimension sociale. Je suis aujourd’hui déléguée du Parti chrétien-démocrate pour le Morbihan – ce qui m’a valu d’être, un temps, déléguée de circonscription UMP – et impliquée dans la campagne de Christine Boutin [entretien réalisé quelques heures avant le désistement de celle-ci au profit de Nicolas Sarkozy], notamment sur le volet environnement et énergie du programme.
Sur le terrain, nous avons d’abord un rôle d’éducation civique. Que peut-on attendre de la politique? Beaucoup n’ont pas la culture de l’action et s’imaginent qu’il suffit de vouloir, sans avoir conscience du champ de contrainte… Des chrétiens soucieux de pureté, en particulier, refusent de voir que la politique avance par étapes. Par ailleurs, la sémantique électorale relève parfois du défi : allez expliquer que les cantonales servent à élire un conseil général pour le département! Ensuite, les réactions sont diverses. Si certains répondent par des anathèmes ou passent leur chemin – à Lorient, quelqu’un m’a jeté le tract à la figure : ‘Vous avez une bonne tête, comment pouvez-vous être aussi facho?’ –, d’autres s’arrêtent. Quelques-uns, parmi les plus âgés, s’émerveillent qu’une jeune s’intéresse à la politique et m’encouragent. Beaucoup commentent la personnalité des candidats, ce qui est logique car les idées sont incarnées par des personnes, mais ils sont finalement contents de parler du fond. Ils soulèvent souvent un point particulier, trouvant là le moyen de communiquer leurs attentes. Et je transmets effectivement à Christine Boutin ce que j’entends.
Sur les marchés, on dispose d’un temps limité pour discuter. Mais quand on fait du porte-à-porte ou qu’on vient déposer des tracts dans les boîtes aux lettres à la campagne, même s’il faut se coltiner les chiens, c’est souvent l’occasion de rencontres. J’apprécie beaucoup ce contact direct. Les réunions d’appartement elles aussi offrent le temps de creuser. J’essaie d’aborder des questions qui concernent personnellement les gens, je leur demande les mesures qu’ils proposent, comment les financer. J’ai participé à des réunions publiques dont les gens ne voulaient plus partir, car on leur parlait enfin du programme, dont ils ignoraient à peu près tout. Au fond, je ressens chez beaucoup un rejet des partis politiques plus que de la politique. Or ces partis sont simplement des associations si importantes qu’elles sont spécialement protégées par la loi… La liberté de créer des partis est quand même une grande victoire du printemps arabe! Mais on peut se sentir noyé dans un grand parti : j’apprécie, personnellement, d’avoir pu m’investir rapidement dans les structures et le programme de mon parti. »