Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Anabella Rosemberg, syndicaliste, Philippe Quirion, économiste, Christophe Rynikiewicz, économiste, et Claire Tutenuit, déléguée générale d’Entreprises pour l’environnement, ont débattu des enjeux sur l’emploi lié à la transition énergétique à l’occasion du colloque « Quelle justice sociale à l’heure de la transition énergétique ? » (organisé par le Ceras et la Revue Projet du 10 au 12 septembre 2014, à Paris). Un débat autour de Thibaut De Jaegher, directeur de la rédaction de L’Usine nouvelle.
On s’attarde beaucoup sur la création de nouveaux emplois, dès lors qu’il s’agit de traiter du lien entre travail et transition énergétique. Or Anabella Rosemberg nous met ici en garde contre cette tendance : elle inquiète les syndicalistes et les salariés des secteurs menacés. Ainsi incite-t-elle les décideurs politiques et les entrepreneurs à se consacrer à la question des mutations professionnelles et des reconversions d’emplois, notamment via la formation professionnelle. Il s’agit de rétablir une certaine confiance car « les transitions professionnelles du passé se sont souvent faites sans justice et sans planification ». Elle appelle également à une réflexion sur le long terme qui implique une nouvelle approche du travail, afin de sortir de l’idée que seule la croissance est une réponse face au chômage. Elle nous invite finalement à nous inspirer de ce qui s’invente à l’étranger, sans vouloir y trouver un modèle universel.
L’économiste Philippe Quirion présente ici l’étude qu’il a réalisée sur le potentiel de création d’emplois si le scénario Négawatt était appliqué. Il détaille sa méthodologie, notamment une prise en compte des destructions d’emplois liées aux politiques proposées par ledit scénario et surtout les conclusions qu’il en tire : un effet positif net sur l’emploi. Une perspective macroéconomique qui lui permet d’identifier des secteurs porteurs : le bâtiment, les énergies renouvelables, les transports.
A contrario de Philippe Quirion, Christophe Rynikiewicz estime que la transition énergétique fera davantage évoluer des métiers existants, voire traditionnels, plus qu’elle n’en fera émerger. À partir de ses recherches, il démontre la pertinence d’une réflexion sur le développement d’activités soutenables établies à un échelon local, et notamment régional. Illustrant son propos par divers exemples, il donne des propositions d’actions politiques pour soutenir le développement d’une économie de proximité et des pistes pour développer la recherche (notamment le développement d’outils de quantification aux échelles régionales et locales).
Claire Tutenuit, déléguée général d’Entreprises pour l’environnement, présente ici la position des entreprises. Si elles reconnaissent qu’il sera nécessaire de s’adapter pour faire face aux enjeux climatiques, elles demeurent prudentes sur la question des métiers liés à la transition et sur les voies de leur transformation. Deux causes sont notamment identifiées pour l’expliquer : un manque d’orientations publiques dû à un défaut de politiques climatiques ambitieuses et un marché pour l’instant inexistant.
Texte : Marie Drique (Ceras/Revue Projet)
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