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L’enracinement de la France dans la modernité démocratique ne s’est pas faite dans le silence de l’Église catholique. En dépit des requêtes du courant républicain « intégriste ». Les évêques n’ont cessé de prendre part au débat public, en excipant toujours du même argument : sans être du monde, l’Église a reçu mission de son fondateur de placer ce séjour terrestre sous la gouverne du Verbe divin, non point par appétit de pouvoir, mais pour permettre aux hommes de construire leur bonheur et d’accéder au salut dans l’autre monde.
Si la raison de l’intervention épiscopale est demeurée inchangée, sa forme a évolué, pour des motifs qui tiennent, tout à la fois, à la réflexion théologique de l’Église et à sa position dans la société française. Le XXe siècle a vu se succéder deux grandes formules d’intervention. Des années 1880 aux années 1940, l’épiscopat s’inscrit dans une logique de la résistance. Encore attachée au modèle de l’État catholique, l’Église se tient dans l’opposition à la République laïque, dont elle réprouve le pluralisme constitutionnel.
À partir des années 19601, c’est une logique de l’« animation »2 qui s’impose. Porté par la théologie de la libertas religiosa mise en avant au concile Vatican II, l’épiscopat admet alors, sans réticence, la validité intrinsèque de l’ordre démocratique, en s’évertuant cependant à en infléchir les normes, par son intégration dans l’espace délibératif.
Alors que l’ordre concordataire établi par Napoléon en 1801-1802 avait constitué la société sur l’assise d’une morale religieuse, la Troisième République, qui s’installe en 1877, introduit une nouvelle civilisation morale. Elle entend, selon la formule de Jules Ferry, « construire l’humanité sans Dieu et sans roi », sur le fondement de la seule raison délibérante3. Or ce modèle n’agrée nullement à l’épiscopat français.
Le conflit avec le nouveau régime se noue, d’abord, autour de la question de la nation. Les républicains la pensent indépendamment de sa généalogie catholique. C’est même, estiment-ils, en s’extrayant de l’emprise de l’Église, lors de la Révolution de 1789, que la France a pu se révéler à elle-même. Elle réunit, sous la tutelle d’un État unificateur, des individualités autonomes qui ont décidé de faire société par leur seule volonté. Pour les évêques, au contraire, la nation n’a nulle existence en dehors de son essence chrétienne. À son principe, on trouve la providence divine, et non, comme le soutiennent les contractualistes, la délibération humaine : la France est « la fille aînée de l’Église », et rien d’elle ne serait sans la geste, de Clovis à Jeanne d’Arc, de ses héros et de ses saints. Ce discours substantialiste, qu’on retrouve dans l’encyclique de Léon XIII Nobilissima gallorum gens (« La très noble nation française », 1884), structure tous les textes épiscopaux de cette période. Retenons celui-ci, de 1882, qu’on doit à l’évêque d’Aire-et-Dax : « Sans religion, une nation ne peut subsister. Sans le christianisme, la France cesserait d’être la France. » En conséquence, l’État ne peut se soustraire à la souveraineté de Dieu. Les normes qu’il produit ne valent que par leur conformité à la loi de Dieu.
Les évêques d’alors dénoncent quasi unanimement la loi de 1905, perçue comme une loi de perdition pour la nation.
La question de la laïcité fournit un second motif de discorde. Les républicains militent dès les années 1830 en faveur de la séparation des Églises et de l’État. C’est la loi du 9 décembre 1905 (précédée par les lois scolaires des années 1880) qui l’installe dans l’ordre juridique. Aristide Briand, qui la porte, accorde aux Églises une large latitude, qu’il fixe cependant en dehors de l’espace public de l’État : « La République ne reconnaît, ne subventionne, ni ne salarie aucun culte » (article 2). Les évêques dénoncent quasi unanimement ce nouvel appareillage législatif, perçu non seulement comme une loi d’oppression à l’encontre de l’Église, mais aussi comme une loi de perdition pour la nation. Or cette ligne, qui reflète celle exprimée par le pape4, ne s’efface pas vraiment après la Première Guerre mondiale. Le dégel du début des années 1920 traduit un compromis pratique, nullement une connivence substantielle : ce régime de séparation est décidément une atteinte insupportable à la civilisation française. En 1925, les archevêques et cardinaux déclarent : « Les lois de laïcité ne sont pas des lois, elles ne sont que des corruptions de la loi, des violences plutôt que des lois. » Le renouvellement de l’épiscopat opéré sous Pie XI, après la condamnation de l’Action française en 1926, ne change pas en profondeur le discours : en atteste ce mot, en juillet 1940, du cardinal Liénart, archevêque de Lille, où s’annonce déjà le soutien de la hiérarchie (qui demeurera jusqu’en juin 1944) au régime de Vichy : « À force d’être laïcisée, la France risquait de mourir. »
À la déréliction de la République s’oppose l’utopie d’une restauration. Ce projet ne vise pas, bien sûr, comme le souhaiteraient les adeptes du « catholicisme bourgeois », à réformer simplement les consciences individuelles. Il s’agit de recomposer le collectif dans son entier. On trouve une illustration de cet intégralisme dans cette adresse de Mgr Freppel, dont on connaît le rôle contre la laïcisation de la vie publique, à son peuple d’Angers en 1876 : « L’Église n’a pas pour mission seulement de faire régner la loi de Dieu en vous-mêmes (…) ; elle ne peut se dispenser de porter son regard sur la scène du monde pour y répandre la lumière et les bienfaits de son enseignement ». Ce dessein « restitutionniste » suppose de mettre en place, éventuellement dans un cadre républicain5, un État catholique, fondé sur l’unité de foi, qui replacerait toutes choses dans la conformité à la doctrine sociale de l’Église où se trouve conservée la loi divine. Comment procéder ? Sauf sous Vichy, il n’est plus question de faire alliance avec les gouvernants. L’épiscopat entend désormais passer « par le bas ». Il s’agit, en faisant usage des ressources juridiques de la République (libertés de parole et d’association), de mobiliser le peuple catholique. L’épiscopat met en place une double stratégie. L’une, de capillarisation sociale, engage les croyants à quadriller la société civile, à travers les mouvements d’Action catholique, les syndicats ou les écoles chrétiennes. L’autre, de pénétration politique, consiste à user de l’arme du vote.
Cet engagement électoral, non plus d’ailleurs que l’engagement social, ne se fait pas sans condition. Les modernes appréhendent l’acte électoral comme une affirmation subjective, où chacun s’emploie, associé à ses concitoyens, à définir souverainement l’avenir de sa communauté politique. Les évêques du temps entendent bien, quant à eux, le transmuer en un geste communautaire, totalement absorbé dans une sacralité régulée par la hiérarchie. Ce projet de subordonner la citoyenneté à la confessionnalité comporte deux volets. Un volet injonctif, d’une part : le chrétien n’opinera pas à son gré. Son vote se portera toujours sur les candidats dont l’évêque aura signalé l’impeccable volonté de défendre les principes de la civilisation catholique. Cette visée structure, à quelques exceptions près, toutes les déclarations épiscopales. « La morale civique oblige les électeurs à poursuivre, à l’aide de leurs bulletins de vote, l’abolition des lois de laïcité et la restauration de l’ordre chrétien », affirme en 1926 le cardinal Andrieu, archevêque de Bordeaux. Un volet répressif, d’autre part. Puisque le vote est un acte religieux avant d’être un acte politique, il peut donner lieu à des sanctions canoniques, ou même à des pénalités surnaturelles, en cas d’hétérodoxie. L’évêque de Chambéry a cette formule en 1902 : « Un chrétien de France ne doit-il pas songer au compte qu’il lui faudra rendre un jour au souverain guide d’un acte aussi gros de conséquences pour la nation et l’Église ? »
On voit ce qui fait le propre de cette première phase, qui perdure jusque dans les années 19406 : l’Église ne parle pas le langage de la raison publique. Ad extra, elle défend encore, à distance de la séparation laïque, le principe d’une Respublica unanimement rassemblée autour de la religion chrétienne. Ad intra, elle réunit les chrétiens en un « bloc de la foi », dont les membres doivent abdiquer la subjectivité de l’ordre moderne pour se soumettre, jusque dans le champ politique, aux règles posées par l’Église.
La « modernisation » de la parole épiscopale avait été amorcée déjà sous la quatrième République, notamment avec le ralliement (partiel), dans une déclaration de novembre 1945, au régime de laïcité. La mutation s’accentue sous la cinquième République : abandonnant sa position de surplomb, validant désormais, comme le veut la constitution conciliaire Gaudium et spes (1965), l’« autonomie des réalités terrestres », l’épiscopat se présente alors, sans donner pour autant dans le relativisme7, comme un simple acteur de la délibération civique. Cette mutation est le fruit à la fois de logiques exogènes (la société française connaît un processus d’individualisation qui rend impensable la pérennisation de la stratégie antérieure de recouvrement total des existences) et de logiques endogènes (avec le concile Vatican II, l’Église consacre la légitimité substantielle du régime démocratique et donc la valeur de la délibération horizontale).
En sa forme traditionnelle, le régime catholique s’appuie sur l’unité des sphères d’existence : le politique est absorbé par le religieux, la liberté subsumée sous la vérité.
Le régime démocratique entend, en rupture avec l’âge pharaonique, dissocier le politique et le religieux : fondé sur le principe de liberté, il fait de la recherche de la vérité une affaire purement personnelle. En sa forme traditionnelle, le régime catholique s’appuie, tout à rebours, sur l’unité des sphères d’existence : le politique est absorbé par le religieux, la liberté subsumée sous la vérité. Or ce régime-là se défait dans l’après-concile. L’épiscopat admet alors clairement le principe de différenciation. Il adhérait hier à la théorie incarnative de l’État catholique ; il se reconnaît désormais dans la théorie représentative de l’État constitutionnel. La laïcité, dans cette perspective, n’est plus un mot qui fait peur. On relève même qu’elle n’est plus envisagée, comme c’était encore le cas jusqu’en 1958, comme solution provisoire (« hypothèse »), mais comme une formule idéale (« thèse »). Mgr Dagens accentue le trait en 1996 dans son rapport à l’Assemblée plénière de l’épiscopat, Proposer la foi dans la société actuelle : « La séparation de l’Église et de l’État (…) offre aux catholiques de France d’être des acteurs loyaux de la société civile. Affirmer cela revient à reconnaître le caractère positif de la laïcité (…) telle qu’elle est devenue après plus d’un siècle d’évolutions culturelles et politiques. » Ce qui amène le cardinal Ricard à demander, en juin 2005, de ne pas toucher, même d’une main tremblante, à ce « régime par lequel a été rendu possible en notre pays l’apaisement d’aujourd’hui ». Cette approche a partie liée avec une théologie renouvelée de la nation. S’il faut revivifier la part catholique de la France, ce n’est plus, comme naguère, en jetant l’anathème sur la Révolution française : comme l’a si fréquemment noté le cardinal Lustiger, la Déclaration des droits de l’homme de 1789 n’est pas née ex nihilo ; elle trouve son champ d’émergence dans le terreau même des valeurs chrétiennes.
Mais la reconnaissance de l’autonomie vaut aussi au sein de l’Église. La période antérieure avait subordonné la citoyenneté à la confessionnalité : le chrétien était voué à se faire, sur le terrain politique, l’instrument de la hiérarchie. La période contemporaine admet un écart. Le corps épiscopal, depuis les années 1960, n’intervient plus dans la joute électorale, sauf en de rares circonstances (qui ont concerné, récemment, le Front national). Doués d’une conscience libre, les catholiques doivent pouvoir opiner comme bon leur semble, pour peu, certes, qu’ils n’adhèrent pas à des mouvements qui se situeraient dans une opposition radicale aux principes chrétiens et aux droits de l’homme. La doctrine est posée dès l’après Vatican II, en 1972, dans la déclaration des évêques Politique, Église et foi8, rédigée par Mgr Matagrin. Elle sera ensuite constamment réaffirmée. On pense, par exemple, à la déclaration de la Commission sociale de l’épiscopat, en 1999, intitulée « Réhabiliter la politique ». Après avoir défini la démocratie occidentale, « fondée sur l’équilibre des pouvoirs et la souveraineté d’un peuple de citoyens égaux en droit, (…) comme le modèle le plus humanisant », les rédacteurs du document se tournent vers les chrétiens. Nulle injonction de bien voter, nul interdit non plus. Ils se satisfont de les convier, à partir de leurs lieux librement choisis de solidarité, au partage des actions et des paroles politiques avec leurs concitoyens : « L’Église invite les chrétiens à chercher dans leurs groupes et mouvements respectifs, à discerner, à agir avec les autres croyants et avec les hommes de bonne volonté. » Ce programme signale un déplacement décisif : l’Église dénonçait hier la constitution pluraliste de la modernité ; elle est désormais l’un des supports de « la citoyenneté républicaine et des acquis fondamentaux de la démocratie9 ».
L’Église dénonçait hier la constitution pluraliste de la modernité, elle est désormais l’un des supports de la citoyenneté républicaine.
Faut-il, alors, que l’Église soit assignée à résidence cultuelle ? Nullement. La différenciation du politique ne saurait, estiment les évêques, avoir pour corrélat la privatisation du religieux. Si le catholicisme ne peut plus englober le siècle, du moins doit-on lui reconnaître, parce qu’il en va de ses missions salvifique et civilisatrice, de pouvoir l’éclairer. Pour le cardinal Lustiger, « l’Église a un rôle politique. Elle est certes du côté du spirituel, mais le spirituel est réel ».
Tout le problème est de savoir comment jouer ce rôle d’« animateur » (au sens de celui qui, tel le chrétien de l’épître à Diognète, donne une « âme » au corps social qui l’abrite10) du débat public. L’épiscopat articule une double rhétorique. Une rhétorique, d’abord, de l’inculturation : il s’agit d’intervenir en s’appuyant sur le langage commun, en évitant un lexique qui ne serait recevable que par un cercle restreint de fidèles. Dans cette perspective, l’épiscopat présente ses textes, non point comme les conservatoires d’une vérité éternelle qu’il faudrait recevoir passivement, mais comme des contributions à la délibération collective, en les exposant à l’éventualité de la contestation. En 2009, Mgr d’Ornellas, archevêque de Rennes, sous-titre son ouvrage sur les questions relatives aux enjeux humains des biotechnologies : « Propos pour un dialogue ». En 2012, au moment de la controverse sur le mariage entre personnes du même sexe, Mgr Lacrampe lui fait écho : « L’Église est dans son droit quand elle apporte sa propre contribution à un débat de société, dans le respect des opinions diverses. »
Mais une autre rhétorique intervient aussi, celle de la nécessité. S’ils placent la forme démocratique au sommet de la hiérarchie des régimes et adoptent en son sein, à rebours, par exemple, des épiscopats espagnol ou italien, la posture du « magistère modeste », les évêques français entendent bien, simultanément, rappeler au législateur qu’il ne dispose pas à lui seul de la possibilité de définir le bien et le mal. C’est un point persistant et probablement indépassable du discours catholique : au-dessus de la loi des hommes, trône la loi divine-naturelle, sans le secours de laquelle la société ne peut que sombrer dans l’hybris (la démesure). Le cardinal Lustiger l’expliquait ainsi à Fribourg en 1987 : « La gestion des idéaux humains et des sociétés des hommes ne peut pas s’accomplir sans la fidélité des hommes à leur vocation propre, à leur fin divine. » Son successeur à Paris, le cardinal Vingt-Trois, allait dans le même sens lors de la « Rencontre mondiale des familles » en 2012 : « Le cœur de la difficulté n’est pas dans telle ou telle disposition particulière, mais dans le fait d’accepter ou non que l’existence humaine de tout homme et de toute femme soit habitée par la présence transcendante de Dieu, qui structure la manière de vivre et les comportements des hommes. » Comment assurer le transfert de la loi divine vers l’ordre politique ? De manière très classique, les évêques rappellent que la mission leur en échoit, au nom même du privilège de véridiction que leur assure leur inscription dans la généalogie divine : « Nous n’avons pas besoin d’autorité pour dire ce que nous croyons et ce que nous pensons, déclarait ainsi le cardinal Vingt-Trois lors de la rencontre précitée, dans la mesure où nous sommes fidèles à un certain nombre de critères qui appartiennent autant à la révélation judéo-chrétienne qu’à la simple rationalité humaine. » Le dissensus entre le gouvernement et l’épiscopat lors du débat autour du mariage pour tous trouve là son lieu d’origine : ce sont bien deux imaginaires irréconciliables qui se sont opposés, celui d’un côté de la souveraineté du politique, celui, de l’autre, de la prévalence du religieux11.
On a pu relever que la période contemporaine nous confrontait à la conversion, au niveau du siège romain, à un modèle nouveau, « adapté » ou « ajusté », d’intégralisme12. Le parcours qu’on vient de suivre révèle, au niveau épiscopal cette fois, une mutation analogue. D’un côté, les évêques ont accédé aux requêtes de la pluralité, tant au plan externe (en récusant la doctrine de l’« État catholique ») qu’au plan interne (en réfutant la doctrine du « bloc catholique »). De l’autre, cependant, contre le principe de souveraineté, ils attachent encore l’ordre politique à une norme supérieure divinement instituée, dont ils font, du reste, le fondement et la garantie des droits de l’homme. Cette stratégie de l’hybridité, dont Michel de Certeau relevait, au début des années 1970, qu’elle était l’indice de l’installation du catholicisme dans un statut minoritaire, n’est pas sans efficacité, auprès d’une partie de l’opinion en tout cas : sans doute est-elle en phase avec le moment présent d’une modernité qui, tout en validant l’idéal individualiste, requiert d’en stabiliser les effets d’incertitude en le plaçant sous le contrôle d’une éthique du lien.
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1 Les années 1950 marquent un moment intermédiaire, où le vieux commence à s’effacer sans que le neuf ait, pour autant, trouvé tout à fait sa forme.
2 Pour reprendre l’expression de Mgr Dagens dans sa « Lettre aux catholiques de France », cf. Claude Dagens, Entre épreuves et renouveaux, la passion de l’Évangile, rapport présenté à l’assemblée des évêques, Cerf, 2010.
3 Jean-Marie Mayeur, La question laïque (XIX-XXe siècle), Fayard, 1997.
4 Cf. ses encycliques Vehementer nos (février 1906) et Gravissimo officii munere (août 1906).
5 L’encyclique de Léon XIII Inter sollicitudines en 1892, confirmée par Pie XI, a admis la légitimité du régime démocratique.
6 Avec une euphémisation cependant dans les années 1930 : les menaces explicites concernant le salut s’atténuent grandement.
7 On entend par relativisme la position morale selon laquelle il ne peut y avoir de vérité en soi, la recherche même de la vérité étant illusoire. Cette position, défendue par des philosophes comme Richard Rorty, est rejetée par l’épiscopat. En dépit de son adhésion aux règles formelles de la démocratie libérale, il considère que la politique doit être subordonnée à la loi divine naturelle.
8 Cf. l’introduction à la déclaration « Pour une pratique chrétienne de la politique », Documentation catholique, n° 1620, novembre 1972.
9 Selon l’expression de Jean-Paul Willaime dans Europe et religions. Les enjeux du XXIe siècle, Fayard, 2004.
10 Dans l’épître à Diognète (À Diognète, Éd. du Cerf, 1951), œuvre d’un auteur anonyme du IIe siècle, il est dressé le portrait suivant du chrétien : « Les chrétiens sont dans le monde ce que l’âme est dans le corps. L’âme est répandue dans toutes les parties du corps, les chrétiens le sont dans toutes les parties de la terre. L’âme habite le corps sans être du corps ; les chrétiens sont dans le monde sans être du monde… » Cette lettre est souvent invoquée dans la réflexion magistérielle postconciliaire sur le rapport entre l’Église et le monde. Elle inspire le rapport précité de Mgr Dagens à l’assemblée des évêques (note 2).
11 La présentation ici adoptée a homogénéisé les positions de l’Église autour de celles du groupe central de l’épiscopat. J’ajouterai deux remarques. D’abord, il existe au niveau du monde laïc, dans les rangs des catholiques d’ouverture, des dissensions sur le fond avec l’épiscopat, notamment sur les questions relevant de la politique de l’intime. Ensuite, au sein même de l’épiscopat, des écarts se manifestent aussi, le plus souvent sur des questions de stratégie. L’affaire du mariage pour tous a illustré ce point, même si la force dominante était, tant au niveau des évêques que du côté des laïcs, du côté du pole identitaire de l’Église. Sur ce point, cf. Céline Beraud et P. Portier, Métamorphose catholique, Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 2014.
12 P. Portier, La pensée de Jean-Paul II, Éd. de l’Atelier, 2006.