Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Attention, pauvretés ! Oui, mais cette attention n’exprime pas tant l’appel à un surcroît de compassion. Elle est d’abord une interrogation sur notre société, qui parle d’autonomie, mais prend son parti de l’incapacité à laquelle sont réduits les plus fragiles. La pauvreté est une question politique. Les articles de ce dossier le soulignent, chacun à sa manière.
Certes, l’urgence de bien des situations est réelle… Parfois moins visible qu’à d’autres époques, elle traduit des processus à l’œuvre excluant certains des liens qui leur permettraient d’exercer leurs capacités et leurs droits. L’urgence requiert des réponses immédiates et proches, à l’échelon local ou associatif, qui vont au-delà des dispositifs généraux de la protection sociale. Mais elle ne peut signifier un acquiescement à la mise à part, au cantonnement des réponses dont parle M. Thierry.
Au XIXe siècle, la question ouvrière n’a pas été abordée seulement comme sociale, mais bien comme posant l’enjeu politique de l’accès à une citoyenneté partagée. De même, les pauvretés aujourd’hui interrogent sur la nature du lien social menacé par l’indifférence ou le repli.
Il est important d’identifier les lieux où beaucoup, dans une société de performance, ne réussissent pas à exercer leur responsabilité, à trouver le chemin de leur liberté : l’inégalité face à l’éducation (cf. le dernier rapport du Cerc), l’impuissance pour se loger, le cercle vicieux de l’endettement… Les politiques doivent entendre la parole de ceux qui vivent ces fragilités et mobiliser les citoyens pour leur faire comprendre qu’ils sont concernés par cet enjeu. Concernés non pas tant pour un surcroît de générosité, mais parce qu’il s’agit de l’assurance d’un lien nécessaire entre tous. L’attention à la pauvreté s’articule à une politique de l’emploi, à une politique du logement, à une politique familiale…