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Pourquoi jugez-vous, dans votre récent ouvrage1, « la société malade de l’hyperconsommation » ?
Philippe Moati – La société d’hyperconsommation ne tient plus ses promesses. Elle trouve ses prémisses dans les Trente Glorieuses. Le pouvoir d’achat moyen progresse rapidement et les inégalités se contractent ; toute la population est embarquée dans une dynamique d’amélioration des conditions de vie. Aujourd’hui, on constate une rupture sur ces deux points. On ne satisfait plus les besoins de base – ils sont déjà remplis – mais on attise le désir sur des choses superflues, de confort, avec une efficacité inédite du marketing dans la capacité à créer ce désir. Et le pouvoir d’achat médian stagne, voire diminue, avec une grande majorité de la population qui a – à tort ou à raison – l’impression de s’appauvrir, et un creusement des inégalités – même si la France n’est pas la plus mal lotie. Quand on ne donne plus les moyens de satisfaire les désirs engendrés par la consommation, la frustration l’emporte : c’est cela, une société malade de la consommation.
Mais nous sommes aussi « malades » au sens où « la consommation a contribué à répondre au vide », comme le souligne Gilles Lipovetsky. À mesure que les grands systèmes de croyance ont reculé, les valeurs matérialistes, hédonistes, que véhicule la consommation ont pris le pas. Parallèlement, les valeurs individualistes ont continué de progresser. C’est une conquête que de pouvoir choisir sa vie et s’affranchir en partie de l’étau du social, mais c’est un exercice difficile, dans un monde qui évolue très vite, que les grands systèmes de pensée ne nous permettent plus de comprendre. Le peu que l’on e
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