Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Autant que je m’en souvienne, ce n’est pas un sentiment de pleine confiance que m’ont laissé les nombreuses réunions auxquelles j’ai participé, avec intérêt et attention, de juin à décembre 1992, comme membre du Collège des experts du TGV-Méditerranée. Malgré l’irréprochable, respectueuse et amicale présidence de Claude Quin (il ne voulait pas présider, mais avait accepté de le faire à notre demande), chaque membre était conduit à s’autocensurer, pour préserver ses possibilités de mieux défendre les points du débat qui lui paraissaient «centraux». Les relations avec les partenaires de la Sncf et du ministère me semblaient toujours en retrait d’une pleine information et d’une pleine responsabilité. Il en était de même des rencontres avec les associations, qui recherchaient en priorité les points de consensus et arrêtaient leurs investigations dès que ceux-ci étaient atteints. Comment se contenter des réponses évasives de la Sncf, quand elle était interrogée sur l’éventualité d’une prochaine mise en service de TGV à deux étages, de TGV de nuit, de TGV porte-conteneurs ? Comment admettre que la réalisation si tentante d’une gare ferroviaire-aéroportuaire, à Vitrolles-Marignane, n’ait pas intéressé un ministre qui pourtant connaissait bien la région et était garant de l’intérêt général à long terme ? Comment comprendre la crispation des associations sur leurs revendications localières ou catégorielles, alors qu’elles auraient pu contribuer davantage à la définition d’orientations d’aménagement pour ces trois cents kilomètres de tracé ?
Près de dix ans plus tard, il est intéressant d’interroger la décision publique, quand elle doit prendre position sur un grand équipement aux conséquences au moins centenaires. Le TGV y est considéré, bien sûr, comme un objet technique où jouent des lois plus ou moins déterministes qui relèvent du monde de la «nature». Mais, tout autant, comme un objet relevant du monde de la «culture». Cette décision l’inscrit dans le champ de la civilisation humaine, de ses pratiques et de ses représentations, où tout est codes, règles, lois inscrites dans la production législative engagée dans la recherche du bien commun et de l’équité : elle contribue à civiliser la mobilité.
Je souhaiterais m'expliquer à cette occasion, brièvement mais très loyalement, sur les conditions de mon activité dans ce collège des experts du TGV-Méditerranée. Je voudrais aussi présenter ce qui me parait à distance comme un conflit de logique dans l'évaluation d'un tel projet. Pour la Sncf, ce grand équipement était la simple continuation du tracé Paris-Lyon (Valence) ; pour une bonne partie du collège, il s'agissait d'un autre type de tracé, dans un autre type d'espace et donc d'une stratégie de localisation différente. Une telle situation doit se rencontrer toutes les fois que de grands projets s'inscrivent dans une longue durée de service, dans des conditions sociospatiales qu'il faudrait savoir reconnaître comme nouvelles et qui ne sont pas ou sont encore insuffisamment évaluées. Et elle risque de se rencontrer de plus en plus souvent en raison des progrès des sciences et des techniques qui impliquent d'apprécier de façon nouvelle les liens décision-prospective.
Le projet de construire une ligne à grande vitesse entre Valence et Marseille/Montpellier, mettant ces villes à trois heures de Paris et à une heure vingt de Lyon, était un événement considérable soulevant à la fois intérêt, inquiétude, hostilité. Les élus régionaux et le gouvernement ont répondu de façon innovante à ces difficultés, en instaurant une procédure de transparence : la création d'un Collège des experts du TGV-Méditerranée, assisté d'un Comité de suivi composé d'élus et de représentants des associations.
A plus d'un titre, cette mission venait à un moment favorable. Dix ans de politique de décentralisation avaient permis de mesurer les inconvénients d'un important déficit d'aménagement ; une grande entreprise d'intercommunalité contractuelle se mettait en route, non sans difficultés. L’avis sur le Schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande vitesse (21 novembre 1990), rendu par la Section permanente du Conseil national des Transports, soulignait l'enjeu d’une approche intermodale des grands équipements de transport. L'ampleur de l'évolution technologique de la décennie s'imposait à tous les observateurs attentifs, avec ses conséquences sur les modes de production et de vie.
L'équipement à réaliser, situé dans un territoire aux conditions spatiales différentes des autres domaines concernés jusque là en France par la mise en place d'une ligne TGV, appelait la définition d'un modèle de fonctionnement qui garantisse l'avenir de la façade méridionale de la France et de l'Union européenne.
Or les conflits liés au TGV-Méditerranée étaient déjà interprétables comme le résultat d'une double crise de confiance : celle «de la société envers ses institutions et sa classe politique»; celle aussi «des citoyens (et des peuples) entre eux», pour reprendre les catégories avancées par Pierre Hassner (Le Monde, 27 octobre 1992). Cette crise renvoyait bien à «une crise de l'efficacité et de la rhétorique gouvernementales, à une crise d'identité et de sécurité des individus confrontés au changement et à l'ouverture, ainsi qu'à une crise de solidarité envers les exclus de l'intérieur et de l'extérieur». Cette analyse ne prend-elle pas un nouveau relief à la lumière maintenant de dix ans d’événements brutalement remis en perspective par la journée tragique du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ? Les possibilités ouvertes par la technoscience contemporaine mondialisée requièrent de façon aveuglante le programme d’une habitation durable des territoires, aussi soucieuse des conditions de sécurité que des conditions de qualité et d’équité, des impératifs qui sont au coeur du «contrat géographique» 1 et de son inscription dans une nouvelle modernité. Pierre Hassner voulait soumettre la gestion au «trinôme : conscience, experts, concert»; Philippe Sollers appelle aujourd’hui à «moins de rêve et plus d’expertise […] en politique» (Le Monde, 29-30 juillet 2001).
La solution envisagée alors par Jean-Louis Bianco, qui exerçait pour le gouvernement le droit de tutelle sur la Sncf, en liaison étroite avec les élus et les associations, avait pour vocation de ressouder le tissu social déchiré par la crise de confiance dans l'institution aménagiste. Il s’agissait d’un dispositif concerté d’expertise, où le rôle de chacun (membre du comité de suivi, cadre de la Sncf, fonctionnaire, personnalité auditionnée ou auteur d'un document écrit, professionnel choisi, ministre, expert...) supposait l’existence d’une «confiance» suffisante en la conscience professionnelle de chacun, en sa bonne foi et une «croyance» partagée dans l'utilité de la démarche. L’entreprise a sans doute suffisamment réussi. Mais lorsqu'il fut reconnu qu'il ne pouvait y avoir de trains à grande vitesse sur les lignes existantes (pour des raisons techniques de tracé et d'utilisation), la construction d'une ligne nouvelle imposait la question radicale de ses liens avec les futurs usages des lignes existantes. Le TGV-Méditerranée est dès lors apparu comme la «couche supérieure» des trames de transport, complétant celle des trains intercités, des trains cadencés et des réseaux urbains. Cette réflexion aboutit à une remise en cause complète du système de gares 2 prévu par le projet, soumis à l'enquête publique, dépendant à la fois des conclusions du Président de la commission d'enquête (avec toutes les craintes que l’on pouvait avoir sur cette institution) et finalement des ultimes décisions gouvernementales. J’avais convaincu pour ma part, le collège de demander à la Sncf d’étudier les variantes d’une gare-TGV aéroportuaire et un tracé latitudinal Marseille-Fréjus (ce qui fut réalisé de façon très correcte) et donné une forme écrite à quelques-unes des orientations qui étaient partagées (Cf. mes recommandations en annexe) 3, et qui furent, je m’en suis publiquement réjoui, largement intégrées dans les Conclusions des travaux du collège des experts TGV Méditerranée.
I1 me semble nécessaire de lier la présente réflexion sur la mise en place du TGV-Méditerranée 4 à la problématique que je propose d’appeler la «modernité 3» 5. Cette problématique permet de mettre en évidence la dynamique culturelle et techno-scientifique actuelle, ses potentialités et ses risques, de mieux interroger la situation actuelle, sans commune mesure avec tout ce qui était envisageable il y seulement une génération. Elle permet de penser l'interface territoire-outils-société où continue de s'inscrire l'activité humaine : une question culturelle dont les solutions, en termes d'aménagement, se situent à la fois sur le plan «local» et sur le plan «mondial» et appellent des actions multiples susceptibles de contribuer à une meilleure justice spatiale.
La décision publique a-t-elle été à la hauteur des enjeux qui ne trouvent pas de réponse sans mise en discussion de la modernité ? Aucune recommandation portant sur les gares, dont les conséquences sont si lourdes pour les usagers et qui étaient pourtant inscrites dans les «conclusions», n’a été retenue ! Je ne suis pas loin de voir dans ce choix une forme de refus de la modernité, du moins, l’illustration d’une grave incompréhension : l’ignorance d’un conflit de logiques, aboutissant à l’implantation d’un objet «fordiste» dans un territoire métropolisé relevant d’une nouvelle modernité ? De telles incompréhensions empêchent la participation de la société au débat sur l’invention d’une habitation durable des territoires. Les conséquences en sont lourdes, sur le plan technique comme sur le celui de la confiance publique. Car la dynamique sciences-techniques, au cœur du développement actuel, peut être la cause, pour les habitants, de difficultés quelquefois extrêmes. Comprendra-t-on que les solutions retenues doivent garantir, pour chaque habitant du monde mondialisé d'aujourd'hui, la préservation ou l’instauration de conditions de vie et de travail suffisamment justes et épanouissantes ? Dans le cas du TGV, il pouvait s’ensuivre une perte de confiance dans les apports possibles du progrès, une incompréhension de sa signification, et aboutir à de véritables injustices dans l’accès au système de mobilité. D’où les manifestations hostiles, plus ou moins violentes, «contestant» un progrès technique mal partagé... La crise actuelle s’éclaire d’être reconnue comme une aspiration à un autre rapport aux lieux, à la nature, à l'environnement, aux paysages, à la beauté, au silence…, à un accès plus équitable aussi à l’emploi et aux ressources. L’avancée de ces préoccupations ne doit pas être laissée au seul crédit des contestataires de la mondialisation. Elle est liée à un sentiment plus vif de l’injustice et du développement trop inégal, qui exige de rechercher des réponses plus sensibles au changement et de prendre des mesures pour réduire le fossé de l’exclusion. Cette nouvelle posture habitante/citoyenne implique de franchir les limites, actuellement considérées comme indépassables, entre le privé et le public et de prendre des décisions relevant davantage d'approches culturelles et réglementaires.
Ces considérations nous conduisent à postuler l’existence d’un espace culturel nouveau - qui ne dispose pas encore d'espaces publics correspondants - où méritent d'être confrontés les informations relevant des grands projets de recherche et d'aménagement, les points de vue et les évaluations de citoyens davantage convaincus qu'ils seront entendus, les apports de sciences de l'homme et de la société plus conscientes qu'elles sont aussi des sciences morales et politiques. Une telle configuration inscrit la décision dans le cadre de la «modernité 3», qui émerge depuis les années 70 et qui doit continuer d'être nommée «moderne», en raison des enjeux de maîtrise du monde, d'épanouissement de la personne, de construction de l'Etat de droit, une modernité considérée comme l’œuvre continuelle de tous les peuples de tous les lieux d’un monde qui, en s’unifiant, peut et doit rester riche de ses diversités.
Jean-Paul Ferrier
RecommandationsL'aménagement optimal du territoire appelle l'application des principes suivants :
(1) Obtenir les meilleures interconnexions quais à quais des trains TGV avec la trame des trains intercités (qui peuvent être des TGV «finissants» comme dans le dispositif actuel), la trame des trains cadencés de type RER, la trame des réseaux urbains. Les villes de la vallée du Rhône et de la façade méditerranéenne seront alors optimalement desservies par les TGV circulant sur la voie nouvelle et par les trains actuels et à venir, notamment les trains intercités de type TER2OO (demain TER25O) comme ceux en service actuellement entre Strasbourg et Mulhouse, trains confortables et très rapides qui pourraient également emprunter utilement la voie nouvelle, dans les «sillons» (horaires) ne gênant pas la circulation des TGV. Autour des villes principales, la mise en place de véritables systèmes de type RER multiplierait les accès à grande fréquence entre toutes les stations du parcours, pour les déplacements liés au travail, à la formation, aux loisirs et l'accès aux trains intercités ou aux TGV.
(2) Redéfinir, à partir des gares-TGV des métropoles régionales Lyon, Marseille, Montpellier, l'ensemble des correspondances régionales et intercités aujourd'hui assurées par les services hérités de l'empilement «historique» des grandes lignes qui empruntent ces couloirs majeurs de la vallée du Rhône et du littoral méditerranéen.
(3) Construire une gare-TGV aéroportuaire à Marignane, où pourrait être obtenue la superposition des quatre trames de transport susceptibles d'offrir la gamme complète des transports de leurs choix aux deux millions d'habitants vivant à une heure de transport (hors TGV) - la zone Marseille-Aubagne-Aix-Etang de Berre - et aux huit millions d'habitants qui, de Lyon à Perpignan et Nice, pourront arriver par TGV dans des délais moyens d'une heure, sans compter les usagers des transports aériens et maritimes.
Sans cette réalisation, l'aéroport de Marseille-Marignane ne deviendra jamais le grand hub du Sud français où se redéploieront, depuis Lyon et Genève, l'ensemble des offres de transport qui pourront utilement être disputées aux aéroports de l'Ile-de-France. Le rôle sera tenu par Lyon-Satolas, malgré les difficultés d'accès du site, où a été construite, sans bonnes conditions de connexion, une gare TGV. L'absence de la synergie aéroport-TGV-trains intercités-RER réduira les avantages relatifs des entreprises à se localiser en France méridionale, où tous points du territoire ont «vocation» à être à moins de deux heures de l'aéroport de Marseille-Marignane. Ici seront gagnées ou perdues définitivement des chances uniques de développement économique et technoscientifique. (4) Prévoir une plate-forme intermodale exploitant au mieux les possibilités de trafic fret des équipements actuels et à venir (maritimes, aériens, routiers, ferroviaires) du Port autonome de Marseille et du redéploiement probable des trafics marchandises, notamment routiers. Cet enjeu d'aménagement global ouvre les perspectives d'une France avec deux régions métropolitaines majeures, Lyon et toute la France médiane se soudant définitivement à la Méditerranée. Il offrira une alternative au monopole actuel des transports automobiles, dangereux, polluants, à la limite de la saturation, en permettant le développement progressif d'une ville-territoire de dix millions d’habitants originale et innovante.
(5) Se préparer à l'étape suivante de la structuration souhaitable et possible de l'arc méditerranéen. Il faut, à cet effet, que la liaison TGV Barcelone-Gênes - qui pourrait "boucler" plus tard l'ensemble des régions et des Etats de la Méditerranée occidentale - passe par Marseille et irrigue ses plus proches régions urbaines, en priorité la région La Seyne-Toulon-Hyères qui en est actuellement la prolongation orientale. Il faut donc obtenir de mettre à l’étude un tracé méridional du TGV Marseille-Nice, qui entraînerait la construction d'une gare TGV à Toulon-Cuers. Ce tracé (Marseille-Aubagne-Plateau du Camps-Cuers-Fréjus) a fait l'objet d'une pré-étude sur un tracé que j'ai proposé dans le cadre de ma mission au sein du Collège des experts du TGV-Méditerranée durant l'été 1992 et a obtenu l'accord des principaux responsables politiques du Var.
1 / Jean-Paul Ferrier, Antée 2. Le contrat géographique ou l’habitation durable des territoires, éd. Payot, Lausanne, 1998.
2 / La localisation des gares apparut comme la décision la plus discutable du projet de ligne nouvelle. Si l'on considérait les régions traversées, l'ensemble de leurs villes, l'aéroport principal et la localisation des gares TGV, il était raisonnable de s'efforcer de relier l'ensemble du système régional de transport à l'aéroport de Marseille-Provence et aux nouvelles gares TGV, sachant que des TVG «finissants» pouvaient avoir pour terminus des gares moins importantes, comme Aix-en-Provence par exemple (les voies nécessaires étaient déjà construites et il ne restait plus qu’à les aménager). De Lyon, à Montpellier et Marseille-Toulon, le territoire devait disposer de gares desservant efficacement son centre et ses périphéries, ouest, nord, est, correspondant à une véritable innervation de la ville-territoire rubanée qui se développe dans l’axe rhodanien et sur le boulevard de la Méditerranée. Le souci de bien relier les quatre trames de transport imposait de choisir des dessertes TGV en centre ville. Car à l'échelle d'une région métropolisée de dix millions d’habitants, perdre une demi heure ou plus en débarquant dans une gare périphérique, voire dans une gare différente de celle du départ... est un handicap inacceptable.
3 / Ce texte est disponible sur le site http://www.marseille-innov.asso.fr/AMM/cr060494.html (texte n° 7 «TGV, métropole méditerranéenne»).
4 / Les arguments développés redeviennent d’actualité, notamment ceux concernant une future liaison Barcelone-Gênes, puisque les consultations préalables à la construction de la liaison vers Nice ont commencé. Le tracé Querrien passerait complètement à l’écart de l’agglomération urbaine Marseille-La Seyne-Toulon-Hyères, en cours d’extension vers Cuers-Le Luc et Cuers-Brignoles (en raison notamment des récentes réalisations de l’axe autoroutier, de la voie rapide Cuers-Brignoles, de l’extension de l’aéroport de Toulon-Hyères…) et aboutirait à une liaison Barcelone-Gênes passant à l’écart de Marseille !
5 / L’observation, sur la longue durée, des dynamiques de la territorialisation de la Terre, conduit à observer trois périodes nettement différentes dans la production-utilisation des lieux. La «modernité 1» correspond à l’extension progressivement mondiale de la ville et de la campagne ainsi qu’à l'invention et la généralisation de l'écriture. La «modernité 2» à l'explosion de l'urbain au cours du XXe siècle. La «modernité 3» ensuite, reconnaît l’émergence d’un nouveau stade spatial, quand se déploient peu à peu, dans l’ensemble des lieux, les nouveautés qui commencent à effacer la distinction de la ville et de la campagne et les lourds cadres fonctionnalistes de l’urbain, cette dimension territoriale qui avait structuré la société industrielle fordiste. Ce troisième stade, «post-urbain», demande d’interroger radicalement les processus de la métropolisation et la diffusion spatiale des villes-territoires métropolisées, qui archipélisent les territoires où se déroulent nos vies quotidiennes dans les lieux du monde mondialisé. (cf Antée 2. Le contrat géographique ou l’habitation durable des territoires (1998, pp. 20-26).