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Dossier : École catholique, école publique ?

École privée, fraternité républicaine ?

©theirhistory/Flickr/CC
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Souvent accusées de nuire à la fraternité entre citoyens dans leurs écoles, les congrégations religieuses sont-elles les seules en cause ? Petits rappels historiques.

La notion de fraternité, cet « espoir en clair-obscur », pour reprendre la belle expression de Catherine Chalier1, est par nature complexe. Comme le souligne Michel Borgetto, spécialiste de droit public, elle est « difficilement saisissable : comportant une dimension sentimentale et affective qui rend sa juridicisation pour le moins malaisée et aléatoire, pouvant faire l’objet, par ailleurs, d’une multiplicité d’interprétations différentes, sinon contradictoires, elle se caractérise principalement par son irréductibilité partielle au droit et par son contenu aussi large qu’imprécis2. » Le constat est repris par Régis Debray : privée de « statut conceptuel », la fraternité, cet idéal de 1848, semble désormais vague et floue. Aucun officiel n’osant plus prononcer son nom « par peur du ringard ou du pompier », elle est devenue la parente pauvre de la triade républicaine3. Pour les fondateurs de la Seconde République, en revanche, la fraternité, sœur jumelle de l’égalité et principe d’union, devait colorer à la fois l’ordre politique et l’ordre social4.

C’est sous ce double aspect que nous la considérons. Sous un jour politique, elle peut être conçue comme la volonté des citoyens de former une communauté nationale cimentée par les mêmes idéaux patriotiques, étant entendu que la notion de patrie répond elle-même à des conceptions divergentes : celle de Jaurès n’était pas celle de Déroulède… Sous l’angle social, la fraternité est fortement apparentée à l’égalité, à la solidarité, dont les fondements théoriques se trouvent chez Pierre Leroux – présenté comme l’inventeur du mot « solidarité » –, chez Auguste Comte, Charles Renouvier… Elle fut théorisée à la fin du XIXe siècle et au début du XXe par Alfred Fouillée, Charles Gide, Henri Marion, Léon Bourgeois, Célestin Bouglé… D’après ce dernier, vers 1900, « elle siége[ait] au plafond du Parlement, comme la patronne des lois d’hygiène sociale et d’assistance mutuelle5 ». On notera au passage l’absence de référence à la formation des jeunes Français et à ce que l’on appellera ultérieurement « l’égalité des chances ». Pour définir la fraternité, John Rawls, théoricien de la justice sociale, privilégie, quant à lui, ses aspects sociaux ou sociétaux : « C’est un concept moins précisément politique qui, en lui-même, ne définit aucun des droits démocratiques, mais qui véhicule certaines attitudes mentales et certaines formes de conduite sans lesquelles nous perdrions de vue les valeurs exprimées par ces droits6. »

Les congrégations religieuses, obstacle à la fraternité républicaine ?

La fraternité politique fut implicitement au cœur du débat à propos de l’enseignement congréganiste entre 1880 et 1904. Les congrégations religieuses (la loi du 1er juillet 1901 refusa de les traiter comme des associations et elles furent toutes interdites d’enseignement par la loi du 7 juillet 19047) étaient l’objet de la vindicte républicaine et anticléricale. Plusieurs motifs8 étaient mis en avant : l’existence de vœux « contraires » à la nature humaine, l’accumulation des biens de mainmorte, l’hostilité à la République, dont les effets se faisaient sentir dans leurs établissements scolaires...

Bien avant la Troisième République, l’atteinte à l’unité du pays par l’existence d’un double système d’enseignement avait été dénoncée. Dès 1844, au moment de la discussion d’un projet de loi sur l’instruction secondaire, le philosophe Victor Cousin s’était écrié, à propos des établissements catholiques : « Ce qui effraye le plus, c’est la division profonde que vous allez semer dans les générations qui feront l’avenir de la France. Nous ne serons pas remplacés par des générations pénétrées d’un esprit commun ». Et parlant des collèges de la Compagnie de Jésus, il avait estimé que leur existence ne pouvait qu’aboutir à la formation de « deux générations séparées l’une de l’autre dès l’enfance, imprégnées de bonne heure de principes opposés, et un jour peut-être ennemies9 ». Le même thème fut repris en 1874 par un autre philosophe, Paul-Armand Challemel-Lacour, lors d’une discussion sur la liberté de l’enseignement supérieur. Challemel-Lacour s’opposa à cette liberté, venant après celles de l’enseignement primaire (loi Guizot, 1833) et de l’enseignement secondaire (loi Falloux, 1850)10 : d’après lui, elle ne ferait « qu’engager pour jamais dans des voies toujours divergentes, sans communication aucune, deux classes d’esprits, de telle sorte que, quoique vivant sur le même sol et se rencontrant accidentellement par la nécessité des relations sociales, ils en vinssent à ne plus se comprendre11 ». Une division d’autant plus grave que, pour contrer la jeunesse formée dans les universités catholiques – car c’est à l’Église que profiterait la nouvelle loi, si elle était votée – une autre jeunesse se défendrait « avec ardeur », contribuant ainsi à accroître les divisions et à empêcher l’unité morale du pays. Car « pour les républicains, la première qualité de l’État [était] son unité, ou plutôt son unicité. (…) Mais l’unité juridique et territoriale, horizontale pour ainsi dire, exige[ait] aussi une unité d’une autre sorte, morale ou spirituelle : c’[était] la laïcité12. » Celle-ci posait non seulement le problème des rapports entre l’Église et l’État, mais aussi celui du rôle de l’Église dans un certain nombre de domaines, dont particulièrement celui de l’école.

Cette thématique de la partition des jeunes Français fit florès. On la retrouve chez Paul Bert, ministre de l’Instruction publique, accusant « l’armée des fanatiques [les congréganistes] » de diviser « la société française en deux camps ». Autrefois élevés sur les bancs d’un même collège, dit-il, les enfants apprenaient « à s’aimer et à s’estimer » ; à cause de l’enseignement congréganiste, ils étaient désormais ennemis, les uns s’apprêtant à servir la nation et les autres le pape13. C’est surtout un discours de Waldeck-Rousseau, prononcé à Toulouse le 28 octobre 1900, qui popularisa ce thème des deux jeunesses. À cause des congrégations, affirma le président du Conseil, « deux jeunesses moins séparées encore par leur condition sociale que par l’éducation qu’elles reçoivent, grandissent sans se connaître, jusqu’au jour où elles se rencontrent si dissemblables qu’elles risquent de ne plus se comprendre. Peu à peu se préparent ainsi deux sociétés différentes – l’une, de plus en plus démocratique, emportée par le large courant de la Révolution, et l’autre, de plus en plus imbue de doctrines qu’on pouvait croire ne pas avoir survécu au grand mouvement du XVIIIe siècle – et destinées à se heurter14. » Fondé sur des considérations d’abord d’ordre social, un discours de Jean Jaurès lors de la distribution des prix de l’école laïque de Castres en 1904 est tout aussi explicite. Il déplorait de voir « les enfants d’un même peuple, de ce peuple ouvrier, si souffrant encore et si opprimé, et qui aurait besoin pour sa libération entière de grouper toutes les énergies et toutes les lumières (…) divisés en deux systèmes d’enseignement, comme entre deux camps ennemis ». Cette division, due à la fréquentation d’écoles primaires congréganistes, lui semblait d’autant plus grave qu’elle se produisait alors qu’il aurait fallu « préparer la fraternelle justice sociale15 ».

Aux orientations des deux enseignements correspondaient des manuels présentant l’histoire et les institutions de la France sous des jours bien différents. Deux « guerres des manuels » éclatèrent (en 1882-1883, puis en 1907-1909), catholiques et républicains se reprochant mutuellement de travestir le passé. Si Jaurès affirma n’avoir trouvé dans aucun des livres en usage dans les écoles laïques, « même les plus inutilement étroits (…) le parti pris de destruction totale, de dénigrement meurtrier » qu’il avait relevé dans les manuels adverses, il regrettait cependant certaines outrances d’ouvrages rédigés par des auteurs républicains ; il souhaitait voir publier des livres qui enseigneraient son histoire dans « le respect du passé, de toutes ses forces, de toutes ses initiatives, de toutes ses grandeurs ». Parallèlement, il plaida pour « une école vraiment laïque et nationale (…) où se rencontreraient tous les enfants de la patrie16 ». Il précisa ses positions sur le monopole de l’État en matière d’instruction : l’État avait le droit d’organiser « un service national où seraient appelés tous les enfants de France », un droit fondé non pas tant sur la nécessité de construire une fraternité politique entre tous les jeunes Français, que sur le droit de l’enfant à recevoir une éducation rationnelle. Il s’agissait pour lui néanmoins d’un « droit extrême » nécessitant au préalable une amélioration de l’enseignement public (réduction du nombre d’élèves par classe, prolongation de la scolarité obligatoire jusqu’à 14 ans)17 : autrement dit d’introduire plus de « fraternelle justice sociale » dans l’enseignement primaire, pour parler comme Jaurès.

Fracture idéologique ou fracture sociale ?

Le discours de Waldeck-Rousseau requiert une attention particulière. Si le président du Conseil reconnaissait explicitement que « la condition sociale » était un facteur de division entre jeunes Français, il en minimisait l’importance par rapport au mode d’éducation. N’était-ce pas exonérer d’une lourde responsabilité la République, qui, non seulement laissait subsister pour le peuple un enseignement distinct de celui réservé aux élites, mais encore renforçait cette division ? Les uns pouvaient sortir de l’école munis du certificat d’études primaires, voire du certificat d’études primaires supérieures, du brevet élémentaire ou supérieur. Mais les autres, les enfants des diverses élites, avant d’entrer en 6e, puis de poursuivre jusqu’au baccalauréat qui leur ouvrait l’accès à l’université, fréquentaient les petites classes des lycées, où ils recevaient un enseignement différent de celui prodigué dans les écoles primaires. Le 12 février 1902, lors de la discussion sur la réforme de l’instruction secondaire, le radical-socialiste Charles-Maurice Couyba dénonça cette situation et le préjugé social qui la fondait : « Il ne siérait pas, dit-on, que la classe populaire et la classe dite cultivée se confondissent en une même école. ‘Ne mêlons pas, dit M. Fouillée, à tort et à travers les diverses couches sociales et les divers milieux sociaux’18. » Un autre radical-socialiste, Léonce Levraud, réclama la création « d’une école primaire unitaire, base de l’éducation nationale pour tous, sans distinction de caste ni de fortune ». Rappelant le discours de Waldeck-Rousseau sur les deux jeunesses formées par deux enseignements secondaires antagonistes, il demanda : « Faut-il encore qu’il y ait chez nous deux enfances formées par deux pédagogies distinctes, l’une vouée par la fortune à une culture de luxe, l’autre condamnée par la pauvreté à une culture inférieure ? Quand donc la bourgeoisie française (…) comprendra-t-elle qu’il est de son devoir et de son intérêt de ne pas fuir, mais de chercher au contraire le contact avec le peuple ?19 » Sans cette égalité dans l’éducation, alors trop souvent absente des préoccupations, la fraternité des Français risquait de n’être qu’un leurre.

Outre les approches idéologique et sociale, on pourrait d’ailleurs envisager aussi la question de l’existence de plusieurs jeunesses par le biais du genre, avec une comparaison des enseignements réservés aux filles et aux garçons, aux jeunes filles et aux jeunes gens20 et du sort assigné aux unes et aux autres. Comme l’on sait, la fraternité républicaine a longtemps négligé le statut des femmes.

Une lente démocratisation et un nouveau contexte

Après la Première Guerre mondiale, les Compagnons de l’Université nouvelle militèrent en faveur de l’école unique : « La distinction entre primaire, secondaire et supérieur n’a plus de sens. (…) Séparer, dès l’origine, les Français en deux classes et les y fixer pour toujours par une éducation différente, c’est aller à l’encontre du bon sens, de la justice et de l’intérêt national21. » Car l’institution scolaire continuait alors de reproduire les divisions sociales et de juxtaposer deux écoles, celle du peuple et celle des notables ou des élites. Quelques modifications furent toutefois apportées. Ainsi, en 1925, un décret institua « un concours unique et commun » pour les bourses nationales ; quant aux petites classes des lycées, elles furent supprimées par une ordonnance de 1945 (elles perdurèrent en réalité jusque dans les années 1960).

La démocratisation de l’enseignement a été acquise au fil d’un long processus et l’école dite libre ou privée, essentiellement catholique, a été finalement associée au service public de l’éducation nationale par la loi Debré22 : comment, dès lors, la situation se présente-elle de nos jours23 ? Sous un angle purement politique, elle est radicalement différente : « L’opposition entre une tradition catholique, contre-révolutionnaire et conservatrice, et une tradition républicaine, anticléricale et progressiste est presque totalement révolue24 », estime Mgr Dagens. L’enseignement catholique – dont les programmes sont strictement alignés sur ceux de l’enseignement public, l’instruction religieuse n’y étant pas obligatoire – proclame clairement son adhésion aux valeurs républicaines. Ainsi, le directeur diocésain de l’enseignement catholique du diocèse du Puy-en-Velay souligne que l’une des missions de celui-ci est d’éduquer, c’est-à-dire de « transmettre les valeurs fondamentales du ‘vivre ensemble’ : citoyenneté, respect des autres, responsabilité, partage, solidarité, engagement… Valeurs républicaines et chrétiennes !25 » De même, les participants d’une rencontre de l’enseignement catholique du Pas-de-Calais expriment leur volonté de se mettre « au service de la nation ». Cette analyse ne fait pourtant pas l’unanimité ; elle est contestée par tous ceux (Comité laïcité République, Fédération nationale de la Libre pensée…) pour qui la loi Debré est anti-républicaine et a contribué à la dégradation de l’enseignement laïque, de même que d’autres lois ultérieures (loi Guermeur…). Quelques épisodes pourraient d’ailleurs remettre en cause la sincérité de l’adhésion de l’enseignement catholique aux valeurs républicaines. On pense, par exemple, au courrier récent à propos du projet de loi sur le mariage « pour tous », du secrétaire général de l’Enseignement catholique adressé aux chefs d’établissements catholiques pour demander que dans « chaque école, collège ou lycée » soient prises les initiatives paraissant « localement les plus adaptées pour permettre à chacun l’exercice d’une liberté éclairée à l’égard des choix aujourd’hui envisagés par les pouvoirs publics », tout en veillant « au respect des personnes et des consciences26 ». Estimant qu’avec cette lettre l’Enseignement catholique n’était pas passé « très loin de la faute juridique », un ancien recteur et inspecteur général, Bernard Toulemonde, se référait cependant à la liberté de conscience des élèves plutôt qu’à un sentiment de fraternité devant unir la jeunesse de France27.

Mais qu’en est-il de la dimension sociale de la fraternité ? Doit-on considérer qu’elle est bafouée par l’existence d’un « service privé d’enseignement public » – appellation officielle de l’enseignement privé – dont le coût « constitue une barrière pour un certain nombre de familles des classes moyennes intermédiaires et pour une proportion plus grande encore des familles populaires28 » ? Globalement, en effet, « l’enseignement privé sous contrat compte toujours davantage d’enfants de cadres supérieurs, professions libérales et chefs d’entreprise que l’enseignement public29 ». Mais le constat demande à être nuancé par des approches locales : dans la banlieue parisienne, la situation n’est pas la même à Neuilly et à Saint-Denis ! Il conviendrait peut-être aussi de dissocier ce qui relève de l’enseignement général de l’enseignement technique ou professionnel. On ne peut ignorer qu’un pourcentage non négligeable de familles recourent aux deux enseignements, faisant passer le même enfant du public au privé, et vice et versa, ou inscrivant des frères et sœurs dans les deux types d’établissements en fonction des contextes, des problèmes individuels, etc. Enfin, selon Gabriel Langouët, l’enseignement public, plus démocratique par son recrutement initial, l’est moins dans son fonctionnement, car il élimine plus d’enfants des classes populaires en cours de scolarité30 ?

Avancer l’existence d’établissements catholiques (qui présentent d’ailleurs eux-mêmes d’importantes différences sociales) comme facteur de rupture de la fraternité, ne serait-ce pas imiter Waldeck-Rousseau et risquer de masquer les fractures provoquées par les inégalités de recrutement entre les lycées publics et par la multiplication d’entreprises privées proposant des cours de soutien, de rattrapage ou de préparation à divers concours que seuls peuvent fréquenter les enfants de parents aisés ? Si, malgré tout, il fallait admettre que l’enseignement catholique constitue une entorse au principe de fraternité, il faudrait ajouter qu’elle n’est pas la seule et se demander si elle est la pire.



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1 Catherine Chalier, La fraternité, un espoir en clair-obscur, Buchet-Chastel, 2003.

2 Michel Borgetto, La notion de fraternité en droit public français. Le passé, le présent et l’avenir de la solidarité, LGDJ, 1993, p. 3.

3 Régis Debray, Le moment fraternité, Gallimard, 2009, pp. 11-12.

4 Voir Marcel David, Le printemps de la fraternité. Genèse et vicissitudes. 1830-1851, Aubier, 1992, pp. 172-203.

5 Célestin Bouglé, Le solidarisme, V. Giard et Brière, 1907, p. 1.

6 John Rawls, Théorie de la justice, Seuil, 1997 [1971, traduit de l’anglais par Catherine Audard].

7 Y compris les congrégations autorisées et à l’exclusion des congrégations s’occupant des enfants hospitalisés, c’est-à-dire des enfants « imbéciles » ou « idiots » (au sens médical de ces termes). À la suite d’un amendement déposé par Georges Leygues, vivement combattu par le gouvernement, furent aussi exclues de l’application de la loi les congrégations établies à l’étranger, dans les colonies et les pays de protectorat.

8 Jacqueline Lalouette, « La République contre les congrégations ou les raisons d’une ‘lutte à outrance » in ouvrage collectif, Les congrégations religieuses et la société française d’un siècle à l’autre, Éditions Don Bosco, 2004, pp. 37-60.

9 Chambre des pairs, séance du 22 mai 1844, Le moniteur universel, 23 mai 1844, p. 1471.

10 La liberté de l’enseignement supérieur fut accordée par la loi du 12 juillet 1875 (loi Laboulaye), qui fut modifiée par la loi du 18 mars 1880 (qui interdit notamment aux établissements privés de prendre le nom d’« université »).

11 Paul-Armand Challemel-Lacour, œuvres oratoires, Charles Delagrave, 1897, pp. 122-125.

12 Claude Nicolet, L’idée républicaine en France (1789-1924), Gallimard, 1982, pp. 115, 448.

13 Paul Bert, À l’ordre du jour, Paul Ollendorf, 1885 (2e édition), p. 71.

14 Pierre Waldeck-Rousseau, Associations et congrégations, Eugène Fasquelle, 1901, p. 41.

15 Jean Jaurès, « L’éducation laïque », L’Humanité, 2/08/1904.

16 DPCD, 24 janvier 1910, Journal officiel (JO), 25 janvier 1910, p. 272-273. Ces extraits appartiennent au grand discours de Jaurès connu sous le nom de « Pour la laïque ».

17 Id., p. 274.

18 DPCD, 12 février 1902, JO, 13 février 1902, p. 616. Cette citation est d’autant plus intéressante qu’Alfred Fouillée s’était, dès les années 1880, intéressé à la morale fondée sur la solidarité ; voir la liste de ses articles dans Alfred Fouillée, Les éléments sociologiques de la morale, Félix Alcan, 1905.

19 Id., 13 février 1902, JO, 14 février 1902, p. 648.

20 Frédéric Mole, « Culture scolaire, idéal laïque et différences filles/garçons », in Florence Rochefort (dir.), Le pouvoir du genre : laïcité et religions. 1905-2005, Presses universitaires du Mirail, 2007, pp. 99-109.

21 L’Université nouvelle, tome I, Librairie Fischbacher, 1919 (3e édition), p. 22.

22 Ce propos vaut pour les établissements ayant signé un contrat d’association et exclus ceux ayant refusé de le faire (écoles dépendant de la Fraternité Saint-Pie X, écoles du réseau « Créer son école », fondé par Anne Coffinier…).

23 Antoine Prost, Histoire de l’enseignement en France, 1800-1967, Armand Colin, 1968, 6e partie et Gabriel Langouët, La démocratisation de l’enseignement aujourd’hui, ESF éditeur, 1994.

24 Proposer la foi dans la société actuelle. Lettre aux catholiques de France, rapport rédigé par Mgr Claude Dagens et adopté par l’assemblée plénière des évêques, Cerf, 1996, p. 33.

25 Jean-Paul Laval, « Quel enseignement catholique voulons-nous pour demain ? », 17/04/2006.

26 Cette lettre fut diversement accueillie dans les établissements, voir La Croix, 8 janvier 2013.

27 Vincent Peillon a lui aussi réagi à cette lettre ; cependant, le 20 octobre 2012, lors d’un débat sur Médiapart, le ministre de l’Éducation nationale avait estimé que l’école était aussi faite pour parler de problèmes de société (il venait d’évoquer l’excision des petites filles, le port du voile et la violence).

28 Agnès Van Zanten, « La pluralité des motifs du choix des établissements privés catholiques par les familles des classes moyennes urbaines », Bruno Poucet (dir.), L’État et l’enseignement privé. L’application de la loi Debré (1959), Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 196. Voir aussi Bruno Poucet, La liberté sous contrat. Une histoire de l’enseignement privé, Fabert, 2010.

29 « Douze idées reçues sur l’école », LeMonde.fr, 01/09/2009.

30 Gabriel Langouët, « Écoles publiques et écoles privées. Trajectoires individuelles ou familiales et réussite des élèves », in G. Langouët (dir.), Public ou privé ? Élèves, parents, enseignants, Fabert, 2002, p. 47.


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