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Dossier : Social : réparer ou reconstruire ?

Protection sociale : au-delà du coût


Avec l’explosion du chômage, la protection sociale à la française, fondée sur le travail, a pris l’eau de toutes parts. Mais la multiplication des rustines a abouti à un système illisible, coûteux, peu efficace. Denis Clerc prône un système simplifié, axé sur la prévention, pour assurer l’égalité des conditions et la cohésion sociale.

La France, championne du monde de la protection sociale ? Presque : seul le Danemark fait « mieux » ; il y consacre 34,6 % de son produit intérieur brut (Pib) contre 34,2 % chez nous. Cela représente évidemment beaucoup et, en période de vaches maigres, rogner ce gros gâteau est tentant : il suffirait de dépenser la même part du Pib que l’ensemble de l’Union européenne (30,4 %) pour éliminer tout déficit public. Aussi nombre d’économistes et de journalistes pointent-ils un doigt accusateur sur cette protection sociale. Trop lourde, trop chère, elle serait largement responsable du déclin économique de la France et du chômage. Il y a, bien sûr, de l’exagération ou de la mauvaise foi dans ce jugement à l’emporte-pièce, bâti à partir d’arguments à charge, sans se préoccuper de ce qu’il adviendrait si l’on tentait de se rapprocher de « l’exemple » américain.

Mais la question demeure : les résultats des 650 milliards d’euros1 dépensés en prestations sociales sont-ils à la hauteur ? Il ne le semble pas : qu’il s’agisse du chômage, de la pauvreté, des inégalités, la France se trouve dans la moyenne2 des pays de l’Union européenne (à 15) et non parmi les bons élèves, comme on s’y attendrait au vu de la dépense consentie. Ce constat n’est pas nouveau3. Au fond, la question du niveau des dépenses compte moins que celle de leur efficacité : les pays scandinaves dépensent à peu près autant que nous, en proportion, pour le social, sans que cela ait la moindre conséquence sur leurs économies ni sur le consentement de leurs opinions publiques à payer. « Ils en ont pour leur argent » a coutume de dire Jacques Delors. Ce n’est pas le cas chez nous, pour trois raisons essentielles : les fondements mêmes de notre protection sociale, son caractère plus curatif que préventif, enfin – et ce n’est pas la moindre –, les réticences d’une partie du corps social à consentir les efforts nécessaires pour que la protection sociale joue son rôle en faveur de tous.

Aux fondements du système français

Le sociologue danois Gøsta Esping-Andersen4 classe le modèle social français dans le groupe « corporatiste », au sens où la protection sociale est liée au statut professionnel, par opposition au régime « libéral » (financement par l’impôt d’un dispositif minimum, à charge pour chacun de le compléter selon ses moyens) ou au régime « social-démocrate » (financement par l’impôt de prestations de bon niveau, indépendantes de la contribution financière de chacun). Toutefois, peu à peu, la protection sociale française se rapproche du régime « social-démocrate ». Ainsi, l’assurance maladie était liée au paiement de cotisations assises sur l’activité professionnelle et couvrait le travailleur (en emploi, au chômage ou en retraite) et ses ayants droit. Ce n’est qu’à partir de 1978 qu’a été affirmé son caractère universel et il aura fallu attendre 1998, avec la création de la couverture maladie universelle, pour que cette universalité devienne effective, sur le modèle des allocations familiales, et pour que le financement de l’assurance maladie repose majoritairement sur l’impôt (essentiellement la CSG, la contribution sociale généralisée) plutôt que sur des cotisations professionnelles. Un pas supplémentaire sera prochainement effectué, avec la quasi-suppression annoncée (en 2016) des cotisations professionnelles destinées à financer la branche « familles-maternité » de la Sécurité sociale.

Cette évolution n’est pas le fruit du hasard, mais celui de la nécessité. Faire reposer la protection sociale principalement sur l’emploi était acceptable dans une société où régnait le plein emploi, où la famille traditionnelle était la règle et où les femmes, majoritairement, n’avaient pas d’activité professionnelle, ou seulement comme « aides familiales ». Mais l’apparition du chômage de masse, des familles recomposées, la généralisation de l’emploi féminin et le déclin du mariage ont fait apparaître des « trous » béants dans une protection sociale de type « corporatiste ». Comment allaient survivre les personnes isolées durablement sans emploi ? Les familles monoparentales privées des ressources apportées par l’ancien conjoint ? Les veuves de travailleurs indépendants n’ayant jamais été déclarées comme aides familiales ? C’est ainsi que sont nés le revenu minimum d’insertion (RMI) en 1989, comme dernier filet de sécurité (très vite, le million d’allocataires fut dépassé, contre 300 à 400 000 attendus) et de multiples dispositifs sous condition de revenu : allocation spécifique de solidarité destinée aux demandeurs d’emploi en « fin de droits », allocation de logement social, allocation de rentrée scolaire, allocation temporaire d’attente (pour les demandeurs d’asile), couverture maladie universelle complémentaire… Les énumérer tous serait tâche impossible. Ils révèlent l’incapacité d’une protection sociale « corporatiste » à remplir correctement son rôle lorsque l’emploi et les cellules familiales se fragilisent et que s’affaiblissent les solidarités de proximité ou au sein des groupes sociaux.

Le résultat positif de ces évolutions ne doit pas être sous-estimé : que seraient devenues les personnes allocataires du RMI (aujourd’hui RSA : revenu de solidarité active) si ce dernier n’avait pas existé ? Mais le prix à payer a été la complexification croissante de la protection sociale, maquis de dispositifs comportant chacun ses règles, ses conditions à remplir, les pièces et justificatifs à fournir, etc. Même les « guichets uniques » contraignent les usagers qui souhaitent déposer une demande à multiplier les démarches, décourageant nombre d’entre eux. Ainsi de ce travailleur pauvre souhaitant obtenir le RSA activité et la couverture maladie universelle complémentaire (6 déplacements et 62 pages de formulaires à remplir), ou de cette personne âgée désireuse d’obtenir l’allocation de solidarité des personnes âgées (Aspa, ancien « minimum vieillesse »)5. Ces dispositifs empilés et pas toujours cohérents engendrent aussi des coûts de gestion élevés et provoquent la suspicion de ceux qui payent – les contribuables – persuadés qu’ils sont source de fraudes et d’opportunisme. D’où, en retour, la multiplication des contrôles et des justificatifs et, finalement, des formes de non-recours. Pour Bertrand Fragonard, magistrat à la Cour des comptes, « l’enjeu des années à venir, c’est de réformer le modèle existant et sûrement pas de rompre avec lui »6 afin de lui permettre d’être plus efficace et plus juste.

Un modèle plus curatif que préventif

Le système français de « protection sociale » ne mérite que partiellement son nom. Certes, il protège, mais de façon inégale, et soigne davantage qu’il ne prévient. Pourtant, chacun est conscient qu’éviter des dépenses revient moins cher que de les rembourser. C’est au nom de ce principe que l’assurance maladie prend en charge la vaccination des personnes à risque contre la grippe ou que le Trésor public taxe les boissons alcoolisées ou sucrées. Car la protection sociale, pour atteindre son but, ne peut se contenter d’indemniser ou de rembourser : elle doit s’appuyer sur des politiques publiques adaptées. « La meilleure protection que la société peut et doit apporter aux individus et aux familles est de leur permettre, notamment par leur activité professionnelle, de disposer des moyens de leur autonomie et de leur insertion sociale. Il faut alors contribuer à prévenir le risque (en particulier les risques de perte d’emploi ou d’impossibilité d’accéder à un emploi décent)7. » Il ne s’agit donc plus seulement de soigner, mais d’agir sur les causes de la fragilité. On se contentera ici d’en donner deux illustrations.

Les travailleurs pauvres

La grande majorité des personnes pauvres de plus de 15 ans qui ne sont ni étudiantes ni retraitées sont en emploi (44 % en 2012) ou en recherche active d’emploi (25 %)8. Les revenus d’activité constituent ainsi la moitié des revenus (hors retraites) perçus par le dixième le moins favorisé de la population, l’autre moitié provenant de prestations sociales (minima sociaux, prestations familiales, allocations logement). Si autant de personnes en emploi (2 millions) souffrent de la pauvreté, c’est essentiellement parce qu’elles travaillent à temps partiel ou occupent des emplois temporaires (CDD, intérim, emploi aidé) entrecoupés de période plus ou moins longues de non-emploi. La pauvreté laborieuse résulte pour un tiers de difficultés d’accès à l’emploi (chômage), pour deux tiers d’une qualité insuffisante de l’emploi occupé. La lutte contre la pauvreté ne peut donc s’appuyer seulement sur des prestations sociales, mais aussi sur une amélioration du fonctionnement du marché du travail, de manière à favoriser le retour à l’emploi tout en réduisant l’importance des emplois temporaires et à temps partiel subi.

Un premier pas vient d’être effectué dans ce sens avec la loi imposant un nombre minimum de 24 heures de travail hebdomadaire. Malheureusement, la majorité des négociations visant à fixer branche par branche les dérogations possibles sont au point mort. En outre, ce minimum ne s’applique pas aux particuliers employeurs, grands pourvoyeurs de travailleurs pauvres : un cinquième des personnes employées dans ce cadre sont en situation de pauvreté. On pourrait pourtant imaginer que, moitié du coût salarial de ces services étant généralement déductible de l’impôt sur le revenu, l’État réserve cet avantage fiscal aux particuliers passant par une association qui mutualiserait ces services, afin d’accroître le temps travaillé par les salariés qui le souhaitent. La réponse passe aussi par la création de structures de garde d’enfants accessibles financièrement, notamment pour les familles monoparentales. Investir dans ce genre de structures pourrait lever une partie des obstacles à l’emploi.

Le sésame du diplôme

Le marché du travail se transforme profondément : les emplois qui se créent exigent une formation spécifique, tandis que ceux qui disparaissent sont souvent peu qualifiés ou propices à une formation sur le tas. Entre 2008 et 2013, environ 200 000 emplois ont disparu. Mais le nombre d’emplois occupés par des personnes ayant un diplôme de l’enseignement supérieur a progressé d’un million, tandis que celui des personnes dépourvues de diplôme a diminué de 800 000. C’est dire l’importance de la formation pour décrocher un « job ». Or, chaque année, environ 140 000 jeunes sortent de l’école sans diplôme : moitié sans avoir réussi à obtenir le diplôme de leur année terminale (bac, CAP ou BEP), moitié ayant décroché avant, voire bien avant. Une proportion très élevée en France par rapport aux pays comparables.

Que deviennent ces jeunes au cours des quatre années qui suivent leur sortie de l’école ? Parmi ceux qui sont sortis au niveau de la 3e, un (petit) tiers sont en emploi, un autre (gros) tiers au chômage, le reste étant (officiellement) inactif. Parmi ceux qui sont sortis au niveau bac (mais sans obtenir le diplôme), le taux d’emploi monte à 59 %. Enfin, parmi ceux qui ont un diplôme de l’enseignement supérieur, 85 % sont en emploi et 9 % sont au chômage. Autrement dit, le taux de chômage9 des 15-24 ans (25 %) recouvre des réalités bien différentes : les sans diplôme ont un taux de chômage de l’ordre de 50 %, contre 10 % environ pour ceux avec diplôme. Réduire l’échec scolaire permettrait du même coup de réduire le nombre de jeunes en situation de pauvreté (qui est de l’ordre de 20 %) et, sans doute, la proportion de délinquants parmi eux. Là encore, la protection sociale passe moins par une hausse des prestations sociales que par une plus grande égalité des chances pour l’ensemble de la population.

Un corps social rétif

La protection sociale peut revêtir plusieurs formes. Celle de l’assurance d’abord : les cotisations de chacun ouvrent des droits à indemnisation pour le cotisant et ses ayants droit. Mais ces cotisations peuvent être calculées en fonction des risques ou en fonction des revenus. Le premier cas renvoie à l’assurance classique : les jeunes conducteurs paient une prime plus élevée d’assurance automobile parce que les statistiques montrent qu’ils sont plus fréquemment causes ou victimes d’accidents. Au contraire, dans la protection sociale, la cotisation – et donc les droits qui en découlent – est essentiellement fonction des revenus d’activité perçus : on parle alors d’assurance sociale. Ainsi, la cotisation d’assurance chômage représente la même part du salaire perçu pour le cadre que pour l’employé non qualifié10, alors que la probabilité de se retrouver au chômage est cinq fois moindre pour le premier que pour le second. Par nature, donc, les assurances sociales sont redistributives, les revenus plus élevés acquittant en général une proportion plus forte des cotisations que le montant des prestations qu’ils perçoivent11.

Mais il existe aussi des domaines de la protection sociale où le droit à prestations est totalement déconnecté d’une cotisation préalable et ne repose que sur la situation des personnes : les prestations familiales ou le RSA relèvent de ce cas de figure. La redistribution est alors très apparente : certains payent, d’autres reçoivent. Cela ne pose que peu de problème pour les prestations familiales : chacun comprend et admet que les enfants sont l’avenir d’une société. En revanche, pour l’aide sociale, c’est une autre paire de manches : ceux dont les revenus sont ponctionnés à ce titre ont de plus en plus tendance (surtout en période de difficultés économiques) à estimer que la société en fait trop, que les personnes relevant de l’aide sociale sont en partie responsables de leur situation, voire qu’elles trichent. Ainsi, la proportion de personnes estimant que « les personnes qui vivent dans la pauvreté n’ont pas fait d’effort pour s’en sortir » est passée de 25 % en 2009 à 37 % en 201312. Pour la première fois (la question est posée depuis 2008), une majorité (54 %) considère que « le RSA incite les gens à s’en contenter et à ne pas travailler ».

Dans le même sens, la mise en chantier de programmes de construction de logements sociaux a connu en 2013 une baisse historique, accentuée en 2014 (année d’élections municipales), comme si les maires avaient souhaité rassurer des électeurs craignant l’installation de populations défavorisées dans leur commune. Autre constat : alors que la décision de geler la revalorisation de 2 % du RSA prévue dans le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté de 2013 n’avait entraîné à peu près aucune réaction dans la presse13, la réduction de moitié ou des trois quarts des allocations familiales des ménages avec enfants situés dans le cinquième le plus favorisé de la population (soit une réduction d’au plus 1,5 % du revenu mensuel de ces familles) a suscité protestations et débats. Comme s’il était plus acceptable de renoncer à 2 % de mieux pour les pauvres qu’à réduire de 1,5 % le revenu des familles aisées. Pourtant, entre 2007 et 2012, le nombre de personnes devant vivre avec moins de 672 euros par mois a progressé de 700 000, un chiffre totalement passé inaperçu tant la détresse de ceux qui vivent cette extrême pauvreté (2,5 millions de personnes) demeure invisible. Les pauvres, et plus encore les très pauvres, font peur. Ils n’ont ni bonne figure, ni bonne presse. L’aide sociale dont ils bénéficient a beau ne représenter que 2,3 % de l’ensemble des prestations sociales, c’est encore trop. Tant qu’à devoir tailler dans la protection sociale, comprimer l’aide sociale est la solution la plus facilement approuvée.

La protection sociale coûte cher. Est-ce un handicap pour l’économie nationale ? C’est surtout un investissement dans l’homme, au même titre que l’éducation.

La protection sociale coûte cher. Est-ce un handicap pour l’économie nationale ? C’est surtout un investissement dans l’homme, au même titre que l’éducation. Le montant total de la dépense compte donc moins que son orientation. Or, sur ce point, la France n’est pas irréprochable. D’abord parce que son système de protection sociale s’est bâti à coups de rustines qui contribuent à rendre l’ensemble d’une complexité rare, au point que même les spécialistes ont du mal à s’y retrouver. Ce qui ne favorise pas l’évaluation et engendre inévitablement le soupçon. Ensuite parce que les choix implicites contribuent à renforcer certaines inégalités au lieu de les réduire. Ainsi, la France est championne, dans l’Europe des 15, pour les retraites (12,5 % du Pib) et en queue de peloton dans la lutte contre la pauvreté des enfants sur lesquels repose pourtant son avenir : le taux de pauvreté des moins de 16 ans se situait en 2012 à 18,2 %, soit, depuis 2007, la plus forte progression (après la Grèce) constatée au sein des 15.

Ce double constat dessine en creux les réformes souhaitables. D’abord, simplifier et rendre plus lisible le système, en vue de réduire le non-recours et rendre possibles les évaluations. Ensuite, renforcer le rôle de la protection sociale dans la lutte contre les inégalités. Il s’agit, en consolidant sa dimension social-démocrate, de lui faire assumer un rôle qu’elle joue insuffisamment aujourd’hui : veiller à une meilleure égalité des chances14, dans la lignée d’un John Rawls pour qui la société juste doit juger toute politique publique en fonction de l’amélioration du sort des plus démunis. Ainsi, pour réduire significativement la pauvreté et, surtout, empêcher qu’elle ne se transmette d’une génération à l’autre15, la lutte contre l’échec scolaire et l’accès à l’emploi sont primordiaux. Les Pays-Bas, la Finlande et le Danemark ont investi massivement dans ce domaine et en récoltent aujourd’hui les fruits, en termes de réduction du taux de pauvreté aussi bien que d’amélioration de leur situation économique. Aller dans le sens d’une meilleure égalité des chances dans un pays aux finances publiques exsangues ne sera pas facile, car il faut procéder à une redistribution partielle des cartes, faute de pouvoir augmenter globalement les budgets. Mais la France a mis en œuvre depuis longtemps une démarche similaire pour les politiques familiales. Nous sommes aujourd’hui nettement moins frappés par la dénatalité que la plupart de nos voisins. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour la cohésion sociale ?

À lire dans la question en débat
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1 Tous les chiffres cités dans cet article sont relatifs à 2012, dernière année connue dans le détail. À ces prestations, il convient d’ajouter le coût de gestion de la protection sociale, soit une trentaine de milliards.

2 Et même en queue de peloton dans le domaine de la formation initiale, qui ne fait pas partie de la protection sociale.

3 Cf. Jacques Delors et Michel Dollé, Investir dans le social, Odile Jacob, 2009.

4 Cf. Les trois mondes de l’État-providence. Essai sur le capitalisme moderne, Puf, 1999 [1990, trad. de l’anglais par François-Xavier Merrien].

5 Deux cas cités par François Chérèque et Simon Vanackere dans leur  « Évaluation de la première année de mise en œuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale », Inspection générale des affaires sociales, janvier 2014, pp. 78-79.

6 Cf. Vive la protection sociale !, Odile Jacob, 2012.

7 Cf. J. Delors et M. Dollé, op. cit., p. 25.

8 Insee, enquête « Revenus fiscaux et sociaux 2012 », www.insee.fr.

9 Le taux d’emploi mesure la proportion de personnes en emploi sur l’ensemble des personnes concernées (par exemple par catégorie d’âge), tandis que le taux de chômage mesure la proportion de chômeurs parmi les personnes présentes sur le marché du travail (qu’elles soient en emploi ou au chômage). Dans le cas des jeunes sortis précocement de l’école (niveau 3e), sur 100 jeunes, 71 sont sur le marché du travail : 39 au chômage et 32 en emploi. Le taux d’emploi de ces jeunes est donc de 32 % et le taux de chômage de 55 % (39/71). Source : Béatrice Le Rhun, Daniel Martinelli, Claude Minni, Isabelle Recotillet, « Origine et insertion des jeunes sans diplôme », Insee Références, « Formation et emploi », éd. 2013.

10 Toutefois, pour la part de salaire au-delà de 12 680 euros de salaire brut mensuel, aucune cotisation n’est due.

11 Il faut nuancer : par exemple, l’espérance de vie des retraités ouvriers étant nettement plus faible que celle des cadres, ces derniers perçoivent en moyenne plus de prestations qu’ils n’ont versé de cotisations.

12 Cf. F. Chérèque et al., « Évaluation de la deuxième année de mise en œuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale », Inspection générale des affaires sociales, janvier 2015.

13 Un gel finalement abandonné suite aux interventions des associations travaillant sur l’insertion des personnes en difficulté.

14 Voir le très stimulant article de M. Dollé, « Égalité, vous avez dit égalité ? », L’économie politique, n° 50, avril 2011.

15 Voir le rapport du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale, « Les enfants pauvres en France », La Documentation française, 2004, qui n’a pas pris une ride.


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1 réactions pour « Protection sociale : au-delà du coût »

Michel MARTIN
23 June 2015

Vous auriez pu utiliser le travail d'Eloi Laurent sur "le bel avenir de l'état providence" pour illustrer le fait que non seulement cet état providence ne coûte pas cher, mais qu'il est même une des conditions du développement. A mon sens un des meilleurs plaidoyer contre le caractère soi-disant autorégulateur du marché de la liturgie libérale.
Il me semble que nous devons nous orienter vers une meilleure efficacité de nos mutualisations, non seulement dans le domaine social, mais aussi dans le domaine productif.

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